DREW HOLCOMB & THE NEIGHBORS – Dragons

Magnolia / Thirty Tigers / Modulor
Americana

Douzième album (parmi lesquels trois live) en moins de quinze ans pour ce combo du Tennessee, dont le leader en avait déjà publié un en solo auparavant. Natif de Memphis, Drew HOLCOMB rencontra sa future épouse à l’université. Installé à Nashville, le couple ne tarda pas à y fonder la présente formation avec des musiciens locaux (ce qui en explique l’appellation). Désormais parents d’un trio fraternel, Drew et sa femme Ellsie ne commentent donc pas la vie dissolue (et souvent tourmentée) du musicien lambda en tournée, préférant partager avec leurs auditeurs des préoccupations plus quotidiennes. Ainsi de “Family” (qui traite avec humour et entrain de ce que son titre évoque), de “The End Of The World” (déclinaison stoïciste du carpe diem d’Horace), ou encore de “But I’ll Never Forget The Way You Make Me Feel” (variante maritale du “When I’m 64” de McCartney). Bref, ce couple se situe davantage dans un consensus à la Neil Finn de Crowded House que du côté sombre de Nick Cave et PJ Harvey. La plage titulaire pousse ainsi jusqu’à figurer le grand-père d’Holcomb visitant ce dernier en rêve, pour lui dispenser de sages avis quant à la poursuite de son existence… André Gide déclara un jour que l’on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments. Même quand il chantait des niaiseries comme “Affection” ou “Back In Your Life”, Jonathan Richman y infusait suffisamment de fantaisie pour désamorcer les quolibets. Dans le cas de Drew Holcomb, ni les lyrics ni la musique n’accomplissent ce genre de prouesse (ce solo de guitare dégoulinant sur la coda de “See The World”, ces arrangements mélo-mellow dignes de Leo Sayer, voire l’effectivement facile “Make It Look So Easy”). Avec sa morale plan-plan (“You Want What You Can’t Have”) et ses métaphores géologiques téléphonées (les montagnes à escalader, les océans à traverser…), voici un album que l’on ne peut hélas apprécier qu’au troisième degré. Si telle était son intention première, Drew Holcomb serait effectivement un génie comique, mais sinon?

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 21st 2019