DERNON – The Old Guy In The Old House

Ah! Des Prods
Americana, Blues
Ah! Des Prods

Pourquoi le dissimuler? Cela fait en effet près d’un demi-siècle que je le connais, celui qui se fait appeler Dernon. Jean-Philippe Dernoncourt (pour l’État Civil) fut en effet scénariste de BD durant la seconde moitié des années 70, mais le bougre ne s’est pas confiné à ces seules ressources, puisqu’on le retrouve quatre décennies plus tard en front man de l’une des formations blues les plus en vue dans les Hauts-de-France, Broken Back Daddy (chroniqué ICI). Quelle mouche l’a donc encore piqué? Le voici à présent en solo (relatif, puisque cinq comparses lui prêtent ici la main, dont bien entendu quelques membres de son band), pour neuf compositions personnelles, dont il confie les arrangements (ainsi qu’une bonne part de l’instrumentation) au polyvalent Arnaud Decherf. Délibérément éloigné de ses racines blues, le “Mamuna” introductif défile paresseusement sur un bossa beat scandé par la guitare d’un certain Falvino (dont l’EP paru en janvier dernier fut chroniqué ICI), tandis que ses orchestrations se situent à équidistance de Bernard Lavilliers et de la regrettée Cesaria Evora. Mais chassez donc le naturel:  le country blues s’invite bientôt avec le lazy-shuffle “Could Have Been Heaven”, qui sonne comme le Dylan de “Blonde On Blonde” pastichant Jimmy Reed. Sur une trame Ouest-Africaine, “To You” ondule comme Salif Keita et Geoffrey Oryema en bordée, avant que la plage titulaire, avec son orgue façon Al Kooper, ne nous ramène chez Zimmerman, entre “Desolation Row” et “Pat Garrett & Billy The Kid” (où campent aussi l’émouvant “Mount Cadillac” et le somptueux “Don’t Let The Silence Come”, entre Bashung et Dave Davies). “Chama New Mexico” s’obstine à arpenter le territoire country, harmonica, beat de cheval et pedal-steel ondulatoire à l’appui. Comme l’indique son titre, “Dakar Blues” emprunte un rythme sénégalais pour soutenir un Diddley beat narratif. Il n’est que temps de signaler quel soin le dénommé Dernon porte à ses textes (tous reproduits dans le livret inclus): de véritables shots mêlés de flashes, produisant l’impression lancinante d’ouïr le pathétique Sughrue (privé qui hante quelques romans de James Crumley, tels que l’erratique “Le Dernier Baisé”) vous susurrer à l’oreille sa propre philosophie du zinc, de son timbre pâteux. Le “Lennie’s Blue Lullaby” ferme le ban en mode Scrapper Blackwell, histoire de rappeler d’où provient tout cela, sans parvenir à dissiper tout à fait le charme de cette escapade tardive d’un homme d’équipage. Un disque atmosphérique, dont la torpeur cotonneuse sied parfaitement à nos temps incertains. Quand la désillusion vous guettera avec ses augures de défaite imminente, son écoute vous fera office d’exutoire, et on n’en compte plus guère d’aussi fiables de nos jours… Chapeau bas, old guy.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 8th 2023

::::::::::::::::::::::::::

Un album ainsi enregistré à la BnF :

The Old Guy In The Old House
DERNON
Éditeur : Jean-Philippe Dernoncourt
Prix de vente au public (TTC) : 10.00€
CD audio
Nombre d’unités physiques : 500
Durée de l’enregistrement : 36min 34s

Parution: 01/12/2023