CHRIS CAIN – Good Intentions Gone Bad

Alligator / Socadisc
Blues
CHRIS CAIN - Good Intentions Gone Bad

Pour son second album chez Alligator (précédé d’une quinzaine d’autres en quarante ans de carrière, voir chronique de “Raisin’ Cain” ICI), Chris Cain semble pourtant faire encore figure de late bloomer aux yeux du grand public. Comme chez tant d’autres vétérans (bien qu’eux aussi éminemment talentueux), il lui aura sans doute manqué jusqu’ici la bonne promotion, le management ad hoc ainsi que les labels idoines… Comment expliquer sinon qu’un tel guitar slinger ait pu si longtemps ne demeurer fameux qu’auprès d’une chapelle d’initiés? Enregistrés (comme leurs prédécesseurs) non loin de sa cité d’origine, à San Jose, dans les fameux studios Greaseland qu’y gère le wonder Kid Andersen, ces treize nouveaux titres présentent, outre certains des accompagnateurs réguliers de Chris (Greg Rahn, claviers, Cody Wright, basse et Sky Garcia, batterie), quelques renforts bienvenus (le batteur June Core, qui officia un temps au sein de Little Charlie & The Nightcats, Andersen en personne à la basse, à l’orgue et aux arrangements de cordes au mellotron, ainsi que l’épouse de ce dernier, Lisa, aux backing vocals, et une section de cuivres façon Roomful Of Blues, avec les trois Mike: Peloquin, Rinta et Galisatus). Dès l’enlevé “Too Little, Too Late”, on retrouve cette patte complice qui caractérise depuis toujours le swing blues de Cain, entre Louis Jordan (pour les cuivres et la malice) et BB King. (cette guitare fluide, qui escalade les cintres sans effort). “Fear Is My New Roommate” arpente ensuite le versant funky d’Albert King, et le timbre baryton de Chris en accentue la comparaison, tandis que les guitar licks n’y concèdent nulle ambiguïté. Direction New-Orleans, avec le piano d’Andersen rendant un hommage appuyé à Huey Smith, tandis que Core fait tanguer le second line beat, et que la Gibson 335 se trémousse avec gourmandise. Après ce brelan de dance floor killers, place à la mélancolie, avec un “Waiting For The Sun To Rise” dans la veine du “Lonely Avenue” de Doc Pomus (comportant également deux soli de six cordes à retourner un troupeau de charolaises). Après cette pause syndicale, retour au soul-blues groove avec le très Stax “I Was Wrong”. Tandis que les cuivres y font la pompe sur un tambourin en goguette, la guitare s’y envole à nouveau vers des cimes inexplorées, ne suivant que sa propre inspiration, avec cette inventive spontanéité qui a érigé Chris au panthéon des musicians’ musicians. Si vous vous demandez encore ce que lui trouvent des cadors tels que Bonamassa, tendez juste l’oreille: Cain possède en effet tout ce que Joe ne maîtrisera peut-être jamais! Un bluesman authentique ne se mesure en effet ni à sa seule technique, ni même à sa culture encyclopédique. Chris a peaufiné son mojo cinq décennies durant en se produisant de par le vaste monde, depuis les clubs les plus exigus jusqu’aux plus grandes scènes. Il y a non seulement appris à faire chanter son instrument, mais aussi à surprendre, captiver et remuer un auditoire. C’est tout son art du live qu’il met ainsi à profit en studio. Ajoutant le Wurlitzer à la guitare, il change de tonalité vocale pour le mid-funky “Time To Cry” (autre pastiche confondant d’Albert King), ainsi qu’au fil de l’alerte swing-shuffle “Still Drinking Straight Tequila”, se rapprochant dès lors de manière troublante du registre d’un John Mayall (avec d’autres soli telluriques à la clé). Mais si, comme nous l’énonça un jour le grand Marc Thijs, le suc véritable d’un authentique bluesman ne se révèle jamais tant que sur les plages lentes, c’est à “Bad Dreams” qu’échoit ici cette fonction. La veine BB King s’illustre encore (“Had About All I Can Take”, “TGIF” – pour thank God it’s friday), mais c’est sur les mambos sensibles “Blues For My Dad” et “Never Let You Break My Heart” que notre Chris se dévoile le mieux. L’ami Tommy Castro passe duettiser en voisin sur le joyeux “Thankful” final (dans la ligne de Sam & Dave), mais il a laissé sa guitare au vestiaire. Comment témoigner davantage de respect envers un Maître?

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, July 12th 2024

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