CHICKENBONE SLIM – Damn Good And Ready

Vizztone
Blues-Rock
CHICKENBONE SLIM - Damn Good And Ready

Deux ans après son “Serve It To Me Hot” (chroniqué ICI), le guitariste chanteur de San Diego Larry Teves (alias Chickenbone Slim) réinvestit les studios Greaseland de San Jose (décidément en vogue, et dont le patron n’est autre que le “wonder” Kid Andersen), pour y enregistrer son cinquième album à la tête de son band, les Biscuits. On y retrouve quasiment le même line-up que sur son prédécesseur: si le bassiste Andrew Crane a cédé le pas au jeune Justice Guevara (21 ans à peine, et si ce blase n’est pas un pseudonyme, je mange mon chapeau), le master drummer Marty Dodson est bien toujours de la partie, ainsi que la sorcière actuelle des six cordes, l’immense Laura Chavez. Dès le “High Ballin’ Train” d’ouverture (dont on situe les remugles entre les premiers T-Birds, Mike Morgan et John Fogerty), le décor est planté: on est bien au cœur de ce que les Blasters désignaient comme l'”American Music”… Fans des Georgia Satellites, Bottle Rockets et autres Big Pacific, rejoyce! Mais on n’étiquette pas si facilement Chickenbone Slim, comme l’atteste derechef le vintage jump-swing “Let’s Go Lindy”, sur lequel Chavez se fend de soli à décorner T-Bone Walker, Cliff Gallup et Jimmie Vaughan en personne, tandis que la section rythmique se montre digne de celles du regretté Eddie Vinson. “Drink Me” se révèle un de ces Texas-shuffles dont le riff est pour bonne part emprunté au fameux “I’m A King Bee” de Slim Harpo. Inutile de spécifier que Chavez s’y montre à nouveau féroce. L’éclectisme semblant toujours être l’une des valeurs cardinales de ce band, “Rather Be Up” s’avère une country tune à la guitare nimbée d’echo-delay, dans l’esprit des Flying Burrito Brothers ou des premiers Dan Brodie, avant la plage titulaire, au riff démarqué de celui du “Born Under a Bad Sign” de Booker T. Jones et William Bell, dont Albert King fit le standard que l’on sait. Evidemment, Laura ne manque pas d’y rendre hommage au ronchon gaucher à Flying V, en pastichant allègrement sa tonalité et son jeu de stop and go. Proximité de la border line oblige, “Deepest Blue” est une ballade tex-mex lacrymale, cédant le pas au vigoureux “Rock And Roll Soul” (sorti en single), qui prend à nouveau les atours d’un hymne comme en produisirent George Thorogood, les premiers Fabulous Thunderbirds et les Blasters (solo de saxophone inclus, signé Eric Spaulding). C’est simple, on imaginerait bien le Status Quo des seventies en faisant un hit par procuration! Avec son riff giratoire et ses percussions off-time, le chaloupé “I’m Buying” rappelle le “Walking The Dog” de Rufus Thomas, à ceci près que grandaddy Rufus n’a quant à lui jamais bénéficié des services d’une Laura Chavez… Avec son riff réminiscent de Howlin’ Wolf (et partant, de Savoy Brown et Omar & The Howlers too), l’acrimonieux “Ice In My Whiskey” s’ébroue avec la pesante subtilité d’un alligator dérangé pendant sa sieste: solo tellurique de Laura dont les six cordes fourraillent l’orage façon DCA, tandis que Larry fulmine, la voix nimbée de reverb. “Old Cat Man” est un rockabilly-mambo échevelé, au confluent de Sixto Rodriguez et Johnny Burnette, et excusez nous de nous répéter, mais la Chavez s’y confirme à nouveau en forme olympique. Cette guitariste n’est pas SEULEMENT une technicienne de première bourre, mais aussi une encyclopédie vivante de l’histoire américaine de son instrument, capable de surcroît de faire parler la foudre sur commande. Bref, encore un titre proprement renversant, et à déguster en priorité. On apprécie décidément ici les rythmes chaloupés et menaçants, comme en atteste le voodoo “Ty Cobb’s Chiclets” (évoquant la mémoire d’un champion de baseball ayant réellement existé, et d’évidence plutôt dur à cuire). Cette excellent nouvelle livraison se referme sur le swing-shuffle “I Don’t Want To Talk About It”, dans la veine du jeune Otis Rush période Cobra, dont Chavez épouse le moindre maniérisme à la perfection. Qu’ajouter? Peut-être que les rondelles de cet acabit ne sont plus légion par nos temps ramollis, et que les vrais hommes ne répugnent pas à laisser parler les femmes. Surtout quand elles se prénomment Laura.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 11th 2023

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