Americana |

Natif des White Mountains de l’Arizona, l’auteur-compositeur et interprète Charles Ellsworth y fut élevé entre la ferveur des hymnes Mormons et celle du Top 40 country. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’il découvrit le rock (que ce soit dans ses acceptions classic ou alternative), tout en prenant ses premiers cours de guitare dans l’arrière-salle d’un détaillant de musique local. Vers la fin de son cycle d’études secondaires, il fut engagé en tant que bassiste au sein du combo régional “Alaska & Me” (un unique EP en 2008, “I Will Die In The West”, avant l’usual split l’année suivante). Relocalisé à Salt Lake City pour y étudier le cinéma, le jeune Charles dut alors revendre sa basse et son ampli pour subvenir à ses besoins, mais il ne tarda pas à s’y acheter une Telecaster d’occase, sur laquelle il commença à échafauder ses propres compositions, tout en s’intégrant à la scène Americana du cru. Après un premier EP sous son nom en 2011 (“The Shepherd Lane Sessions”) vint son premier long-player (“Charles Ellsworth & The Dirty Thirty”, en 2012), puis un album en commun avec un certain Vincent Draper, intitulé “Salt Lake City: A Love Story” (2014). Après plusieurs années à tourner en solo à travers les USA et l’Australie, il s’est finalement établi à Brooklyn, d’où il a réalisé un second EP (“Wildcat Chuck Charles” en 2015), suivi de l’album “Cesàrea” en 2017, puis d’un EP en collaboration avec Matthew C. White en 2018 (ainsi que de son propre “Honeysuckle Summer” en 2021). L’année suivante, après avoir ouvert le show pour Sarah Cook & The Disarmers au Mercury Lounge de Tulsa, il se lia avec le guitariste de cette formation, Blake Tallent, qui co-produit à présent ce “Cosmic Cannon Fodder” capté à Nashville, tout en y partageant avec lui les parties vocales ainsi que celles de guitares. Dès le “LAX Song” d’ouverture, on est surpris par la similitude entre le timbre vocal de Charles avec celui de Cat Stevens au temps de sa splendeur (et étonné que personne ne semble l’avoir relevé jusqu’alors). Le registre sonore de ce titre ne s’éloignant par ailleurs guère de celui de “Tea & The Tillerman”, on en vient à se demander si l’on ne devrait pas citer aussi Yusuf Islam parmi les précurseurs de l’Americana (d’autant que “Avenue Of The Giants” ne contribue guère à dissiper la confusion). Heureusement, les lyrics de Charles n’emboîtent pas les thèmes mystico-fumeux du réellement dénommé Steven Georgiou, et dès le “Ripped To Ribbons” nimbé de pedal-steel, on se trouve en contexte moins estampillé early seventies utopia, tandis que le heavy-rocking “If They Let Me Choose Forever” infléchit avantageusement le curseur du côté de John Cougar Mellencamp, et que le protest “Another Fucking Tuesday” (dans l’esprit de Midnight Oil) achève de nous préserver des effluves intempestives d’encens et de tapis persans. Si l’atmospheric country “The Gates” ravive quelque-peu encore l’ectoplasme de “Teaser & The Firecat”, la plage titulaire, “Crazy Kelly” et “If I Could Talk To God” (“I’d tell him he’s an asshole“) renvoient davantage à Counting Crows et au REM de “Out Of Time”. En dépit de ces références multiples, les dépouillés “Build A Bigger Tale” et “Swimming In The Shades Of Grey” plaident en faveur de l’accusé (bien que ce dernier n’y cite certainement pas innocemment “Shelter From The Storm”). Entre passé et présent, voici donc l’album d’un songwriter dont la légitimité et la sincérité ne sauraient toutefois être mises en question. Charles Ellsworth mérite bien davantage que le bénéfice du doute, concédons-lui volontiers ce point.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, May 21st 2025
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