| Blues |
La nouvelle est tombée (comme le chante Bertrand Belin) voici près d’un an et demi: après 28 ans de bons et loyaux services au sein d’AWEK (fleuron s’il en est de la scène blues hexagonale), Bernard Sellam y a rendu son tablier. S’il a ré-émergé depuis à la tête d’un nouveau combo (chroniqué ICI et ICI), ses anciens comparses n’en ont pas moins résolu, passé le choc bien compréhensible, de poursuivre l’aventure avec le chanteur et guitariste Fabrice Joussot (ex-Flying Saucers Gumbo Special). Et comme nulle acrimonie ne sourd de part comme d’autre entre ces protagonistes, AWEK, ainsi qu’ils l’avaient fait pour leur vingtième anniversaire, célèbrent à présent trente ans de carrière au long cours avec cette compilation reprenant douze titres extraits chacun de l’un de leurs douze albums (augmentés d’un inédit issu de leur concert à la Cité des Arts de Besançon, avec l’Orchestre Victor Hugo Franche Comté sous la direction de Jean-François Verdier). Hormis le “Allons Bouger” signé Joel Ferron (issu de “Chess Session” en 1998), onze de ces originaux s’avèrent de la plume de Bernard. S’ouvrant sur la plage éponyme de leur premier opus, “Back To The Same Place” (quand le groupe était encore un trio), on y mesure combien l’assise rythmique et l’interplay entre ses membres étaient manifestement déjà en place, sur ce second-line NOLA beat que bien peu de formations européennes peuvent se targuer de maîtriser à ce point (et que distille aussi “Allons Bouger”). L’harmonica goûteux de Stéphane Bertolino fait son entrée en majesté sur le très “Hoochie Coochie Man” “Snake Boy”, issu du “Let’s Party Down” de 2018 (et produit par Kid Andersen dans son Greaseland Studio de San Jose). Extrait de leur neuvième album, “Once Upon A Time”, “Four Times” et “Don’t Leave Me Alone” ont des allures de classiques de Howlin’ Wolf et Muddy Waters, avec un Bernard y pastichant Hubert Sumlin et un Bertolino qui y prend des choruses façon Little Walter. Les Américains ont toujours été bluffés par la versatilité de nos Toulousains, capables de surfer en un tournemain du Memphis ou Chicago blues tourbé jusqu’au Texas-shuffle et au West-Coast swing le plus échevelé. À preuve, l’époustouflant “I Appreciate”, sur lequel nos amis évoquent la veine de Rod Piazza & The Mighty Flyers. Même le swamp blues façon Creedence et Tony Joe White n’a pas de secret pour eux (“Going Back On The Road”, sur lequel les licks de John Fogerty se juxtaposent à une slide à la J.J. Cale, ou encore le chaloupé “What’s Gonna Happened To Me”). L’ermite de Tulsa pointe encore son mufle sur l’enlevé “The Healer”, au rythme proche de celui de “Got My Mojo Working”, tandis que c’est l’ombre de Jimmy Reed qui nimbe le paresseux “Hush Your Mouth” (où Bertolino singe Lazy Lester et Slim Harpo). Nos amis concluent sur un grand écart, avec un “I’m So Tired” très southern soul, précédant l’une des très rares tentatives de blues symphonique, avec ce “Three Pieces For Blues Band & Symphony Orchestra”. Mieux encore qu’une simple compilation, AWEK propose ici la quintessence de son art. Attention: tirage limité, à se procurer sur leur bandcamp ou mieux encore, lors de leurs concerts!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, May 20th 2024
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