| Prog' Rock |
Si parler d’Ange – le groupe – en 2025 vous donne l’impression de voyager dans le temps (pour vous retrouver un demi-siècle plus tôt, dans une France post-pompidolienne dirigée par un accordéoniste coincé assumant mal sa calvitie), bienvenue au club. Pour les avoir vus (et entendus) le 6 mai 1975 à la Rotonde de Faches-Thumesnil (devenue depuis Salle Jacques Brel) à l’époque de leur album “Émile Jacotey”, j’avoue avoir quelque difficulté à réprimer un sentiment d’incrédulité, mêlé toutefois d’une certaine admiration. À part Magma et Little Bob, quelle autre formation frenchy de la même période a-t-elle su ainsi surmonter les innombrables aléas se dressant depuis toujours sur le parcours des intrépides inconscients qui osèrent se mêler de rock au pays des fromages qui puent? Autre point commun avec les précités: pour chacune d’entre elles, si le nom a perduré, n’y subsiste plus de nos jours qu’un seul membre d’origine (chez Ange, pas moins de 25 musiciens se sont ainsi succédé à ses côtés). Et tandis que Christian Décamps (interviewé ICI) a tiré la révérence à la scène le 1er février dernier sur celle de l’Olympia, le revoici néanmoins à la tête de l’une des configurations les plus stables de sa longue carrière. Et ce non pas pour un best of ou un live commémoratif (comme le font couramment maints de ses contemporains anglo-saxons, suivez Black Sabbath de mon regard…), mais avec un album studio (leur 23ème, auquel il convient d’ajouter pas moins de 17 lives) déclinant neuf nouvelles compositions originales. En plus d’un demi-siècle, le son d’Ange a évidemment évolué, mais on y reconnaît toujours cette combinaison de deux claviers inaugurée en son temps par les frères Francis et Christian Décamps, et dont le fils de ce dernier, Tristan, a pris le relais au tournant de ce millénaire (assisté désormais de Séraphin Palmeri). Après “Un Diamant Dans Le Cœur” (dont Tristan assure le lead-vocal), “Fruits Et Légumes” (que chante son Christian de paternel) prend d’abord des atours étonnamment new-wave, façon XTC eighties, avant de céder le pas à une envolée prog à trois claviers et guitar-solo ascencionnel du fidèle (et non moins excellent) Hassan Hajdi. “Le Langage Des Fluides” n’aurait pour sa part pas déparé le répertoire du Yes circa “90125”, la section rythmique en place depuis un quart de siècle (Thierry Sidhoum et Benoît Cazzulini) y tressant un impressionnant canevas. Au risque de hérisser certains puristes, sur des paroles de Christian, le pacifiste “Pace Nobilis” ne s’avère pas si lointain sur le plan musical du “Mobilis In Mobile” de l’Affaire Louis Trio (dont on mésestime trop de nos jours la féconde créativité), de même que “Prisonnier De l’Aube” n’est pas étranger non plus à l’univers d’un Calogero. Hommage au maestro disparu, “Ennio” est un majestueux panégyrique des Bandes Originales de Morricone, qu’il s’agisse de celles qu’il composa pour Leone, Bertolucci, Joffé ou Verneuil. Ce sont finalement des plages telles que “Un Passage De Rêve”, “Cunégonde” et l’impressionnant “Quitter La Meute” qui rappellent le mieux Ange première période (surtout avec le renfort évocateur de la voix subtilement rauque de Christian). En conclusion, sans céder le moins du monde à une nostalgie mortifère, Ange persiste et signe dans sa célébration d’un prog-rock aussi soucieux d’expérimentation que résolu à s’inscrire dans son époque. Tristan ayant pris l’engagement de perpétuer la flamme à la tête du même équipage, nous ne sommes donc pas prêts de la voir s’éteindre. D’ici là, cet album fait autant figure de testament que de belles promesses d’avenir: les Anges n’ont ni âge ni sexe, et ils sont éternels…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 8th 2025
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En tournée “Quitter La Meute” à compter du 4 octobre 2025, et en concert au Café de la Danse à Paris le 6 octobre.
Billetterie en ligne ICI (réservez vite, car c’est bientôt complet)
