ITW : Nina Van Horn pour “Nina Sings Nina”

ITW préparée et réalisée par Alain Hiot
ITW réalisée le 30 Mai 2017

J’ai été étonné lorsque j’ai constaté que personne n’avait fait d’interview de Nina Van Horn concernant son dernier album hommage à Nina Simone, “Nina Sings Nina”, et son passage sur le festival Blues sur Suresnes a donc été l’occasion d’en savoir un peu plus sur ce spectacle…

Paris-Move : Nina, Comment t’est venue cette idée d’élaborer un spectacle complet sur Nina Simone ?
Nina Van Horn : Eh bien figure toi que je me pose la question encore aujourd’hui, sans en trouver forcément la réponse ! J’étais entrain de penser aux futures compositions, à un sujet précis, car j’ai besoin d’avoir un fil directeur, et puis à un moment je me suis dit “Et si je faisais du Nina Simone ?”. Alors est-ce que c’est une suite inconsciente des Femmes du Blues que je n’avais pas vraiment terminées ? Je ne sais pas vraiment, car à ce moment là personne ne parlait plus que de ça, de Nina Simone. Alors j’ai écouté pas mal de chansons, j’y ai trouvé des textes qui me parlent et je me suis dit pourquoi ne pas essayer… et puis c’était aussi un challenge, avec l’envie de placer la barre un peu plus haut, de ne pas m’endormir dans un style avec un nouveau CD Blues-Rock, et donc je crois que j’avais cette envie aussi de changer un peu. En rentrant comme ça dans son univers j’y ai trouvé mon compte avec du Jazz, du Blues, de la Soul, du Funk, et j’ai donc pioché allègrement dans tout cela.
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C’est du très lourd au niveau mise en place. Tes musiciens t’ont maudit quelque peu avec ce répertoire ?
Quand je leur ai dit qu’on allait faire du Nina Simone, ils ont tous ouverts de grands yeux en me disant “Mais ça ne va pas non ?”. Il ne voyaient pas ce que cela pourrait donner en tant que show, alors que de mon côté, dès que j’ai entendu les chansons, je savais qu’on allait bien entendu les changer un peu pour certaines, mais ils n’avait pas encore la vision de ce que cela pourrait devenir. Ils pensaient que c’était un répertoire très Jazz et qu’ils n’étaient pas faits pour ça alors qu’il y a dans son répertoire tout ce qu’il faut pour les satisfaire, et moi aussi par la même occasion. Et c’est lorsqu’on a commencé à jouer les morceaux qu’ils ont vu qu’effectivement ça pouvait le faire et que ce n’était pas si éloigné de notre monde à nous.

On connaît deux de tes musiciens habituels, Mar Todani et Denis Aigret, mais comment as-tu “recruté” Mathias Berheim ? Tu le connaissais par Roland Tchakounté ?
Oui, je savais bien entendu qu’il avait joué avec Roland et je cherchais avant tout un percussionniste, d’autant que lorsqu’on a fait les premières répétitions avec Tonio il m’a dit que ce n’était pas un répertoire pour lui et donc qu’il ne pourrait pas continuer sur ce projet précis. Ma première idée c’était bien entendu de garder mes musiciens, mais il a eu le mérite d’être franc et de me dire que ce n’était pour lui. Et Mathias est très intéressant car il est à la fois batteur et percussionniste. On a l’impression que c’est Shiva et qu’il a 6 bras sur scène ! Il arrive à faire des percus tout en jouant comme un batteur traditionnel. Et puis c’est un spécialiste des rythmiques Africaines qu’il a beaucoup étudiées, et pour le coup on a vu de suite que ça allait bien fonctionner.

C’est exactement ça, effectivement ! Lorsque je l’ai vu au Nouvôcosmos je me suis mis en face de lui et j’ai tenté de faire la relation entre ce que je voyais et ce que j’entendais, et je n’y suis pas arrivé. Il est vraiment incroyable !
Oui, et en plus il amène des rythmiques vraiment très intéressantes. Lorsqu’on a commencé à travailler les morceaux, je ne voulais pas faire du simple copier-coller et il a apporté beaucoup de choses au niveau rythmique. Du coup cela a développé aussi nos idées pour adapter les titres.

Léa Worms a également fait un bout de chemin avec toi sur ce projet, comment est-elle arrivée, elle aussi, sur ce spectacle ?
Je voulais avant tout une pianiste qui possède une base classique, et ce n’est pas si évident que ça à trouver. Et du coup, Léa avec son premier prix de conservatoire était tout à fait indiquée pour ce projet, et elle rentrée dedans avec beaucoup de talent. Le Blues ce n’était pas forcément son truc à l’origine, mais elle a évolué en très peu de temps pour intégrer le style et ça l’a fait sans problème.
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Léa étant partie à présent vers d’autres projets, peux-tu nous présenter Leandro, qui prend la succession au clavier ?
Léandro c’est un véritable ovni ! Comme Léa, il a une solide base classique et un premier prix de conservatoire, mais il a également une très grande culture Jazz qui fait qu’il apporte d’autres sonorités et qu’il m’étonne de plus en plus.

Du coup, pour ceux qui ont déjà vu ce spectacle, cela va être différent de ce qu’ils pu voir et entendre auparavant ?
Oui, forcément… En plus, je souhaite laisser à mes musiciens la possibilité d’apporter leur vision sur telle ou telle chose, à condition que cela reste cohérent avec l’ensemble bien entendu, car il faut que chacun y trouve son plaisir. Chaque musicien apporte sa pierre à l’édifice et j’aime leur laisser cette liberté à partir du moment où ça sert le morceau et que ça ne gêne pas les autres musiciens.
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Pour “Nina Sings Nina” tu as gardé cette excellente idée de faire une petite présentation des différents titres. Personnellement j’aime beaucoup cette façon de faire, et c’est un peu aussi ta marque de fabrique, non ?
Oui, parce que j’ai vraiment envie que le public rentre dans l’histoire et qu’il sache de quoi ça parle, pour encore mieux l’apprécier. En France, on a tout même peu de gens qui comprennent vraiment l’Anglais, et dans le répertoire de Nina Simone on ne peut pas passer à côté de ces explications. Si j’ai fait un choix sur telle ou telle chanson c’est qu’elle me correspond. Lorsque je fais des reprises, c’est toujours parce que ça me parle et que j’aurais pu l’écrire, il est donc impossible que le public ne comprenne pas de quoi il est question exactement.
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C’est ce que tu fais d’ailleurs aussi sur les Femmes du Blues, avec, en particulier, ce qui me fait dresser les poils à chaque fois lorsque tu nous expliques le contenu de Strange Fruits.
Oui, j’aime bien donner ces explications, et visiblement cela plait, car on m’en fait souvent la réflexion en me disant “C’est génial, on comprend la chanson et on ne l’écoute plus de la même façon”, et c’est le but.

Concernant l’album “Nina Sings Nina”, il a été vraiment bien reçu par la presse et plusieurs fois récompensé par une mention “Indispensable”, comme ici, par Paris-Move. C’est une fierté de te voir ainsi reconnue, y compris dans des médias non musicaux ?
Oui, comme dans le Nouvel Obs’ par exemple, il n’y a pas longtemps, et c’est bien sûr une fierté, car quand on sort un album on est toujours dans l’inconnu. On a, nous, une idée du résultat, mais ensuite on ne sait jamais comment il va être perçu. En plus, là je me suis attaqué quand même à un gros morceau, avec ma propre vision des choses, et ce qui m’a fait le plus plaisir c’est que tout le monde a trouvé qu’il y avait de l’originalité, et c’est la vraie récompense pour notre travail. Ensuite, l’enjeu c’est que le show plaise également au public, car je n’ai jamais fait de CD qui ne correspondait pas à un spectacle dans la foulée.
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Tu as réussi à trouver un distributeur pour le CD. C’est toujours le même parcours du combattant ?
Oui, c’est toujours aussi compliqué ! D’autant que deux fois déjà j’ai signé avec des distributeurs qui ont fait faillite et sur 500 CD je n’ai récupéré uniquement que deux boîtes de 25. Bien entendu je n’ai jamais été payée pour ceux qui ont été perdus. Et finalement on se demande si ça vaut le coup d’être distribué, d’autant que le meilleur endroit pour vendre un album c’est dans les concerts. Le téléchargement digital, lui, nous rapporte très peu et surtout on n’a strictement aucun contrôle dessus. Le distributeur peut te dire ce qu’il veut, on ne peut pas le vérifier. Mais ça reste encore “bien vu” d’être distribué, alors… Et puis cela me permet d’être présente en Asie, puisque c’est distribué au niveau mondial. Et comme j’y vais souvent, c’est plutôt bien pour moi.

Du coup, as-tu une nouvelle tournée en vue en Asie ?
Oui, on devrait retourner en Chine en fin d’année, mais ils confirment toujours tardivement, donc wait and see.. Et on a une piste également pour le Danemark, on devrait aussi retourner en Thaïlande et bien entendu on continue de tourner en France et en Belgique.
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Tu as eu des retours sur ce spectacle “Nina Sings Nina” de la part de Lisa, la fille de Nina Simone ?
Non, elle ne s’est pas manifestée. Je ne sais pas si elle est au courant, si elle le voit d’un bon œil ou pas, mais j’aimerais bien savoir… J’adorerais faire un co-plateau avec elle, ce serait intéressant.

Tu as un nouveau projet en tête ? Un prochain album ?
Oui et non… Je commence à cogiter à tout ça mais comme je te disais, j’ai besoin d’un fil directeur et je réfléchis pour le moment à ce que je peux faire. J’ai un titre en tête, mais il faut maintenant que je puisse voir comment élaborer quelque chose autour de ça. C’est encore un peu trop tôt…
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Merci Nina et bon concert pour ce soir.
Merci
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Plus d’infos sur Nina Van Horn ICI 
Toutes les photos du concert de Suresnes sont visibles ICI

Kronik de l’album “Nina Van Horn sings Nina Simone”sur Paris-Move : ICI

Reportage du concert Nina sings Nina au Pitchtime, à Dourdan, en Janvier 2016: ICI