ITW des Shaggy Dogs

ITW des Shaggy Dogs

ITW préparée et réalisée par Alain Hiot
Photos : Alain ‘Blues Brother’ Hiot

En ce jour de rentrée des classes, c’est dans le jardin de Toma que je suis allé le retrouver avec ses compères, Red, Jaker et Guillermo, pour une interview particulièrement agréable et conviviale, tout simplement à l’image du groupe des Shaggy Dogs.

Un petit retour en arrière avant d’en venir à l’album: vous retirez quoi de l’expérience de l’European Blues challenge?
Toma : J’ai l’impression qu’on s’est bien amusé. C’était très sympa, bien organisé, on a rencontré des tas de groupes de plein de pays que l’on n’aurait jamais rencontrés sans cet événement, c’était une bonne occasion pour ça.
Red: Et puis on a eu la chance que tu fasses la plus belle photo du festival…!

(rires) Merci.
Red: C’est vrai, elle est partout…rien que ça, c’est top!


C’est votre cinquième album et pourtant vous avez tous un boulot ‘alimentaire’. C’est si compliqué que ça, le statut d’artiste ou d’intermittent?
Red: Nous n’avons jamais cherché à être intermittents avec la musique. Toma et moi l’avons été dans d’autres fonctions, la vidéo pour Toma et l’organisation de tournées pour moi, mais avant tout, ce groupe c’est du plaisir, du fun, et pouvoir jouer quand on veut. Aujourd’hui on a des copains qui essaient d’en vivre et qui ont des difficultés. Nous avons tous des vies de famille avec des enfants, des crédits, des voitures…, des chiens (rires). Pas de crédit encore pour Guillermo, mais ça ne saurait tarder avec l’achat d’une maison, et c’est un scoop!
Guillermo: Pour le chien, je l’ai déjà. C’était la condition pour entrer dans le groupe! (rires)
Red: Maintenant, si on avait 20 ans peut-être que l’on te dirait «On va arrêter le boulot et ne faire que ça», mais on a tous une vie professionnelle qui nous épanouit, on n’a pas cette pression de devoir manger avec la musique et ça nous va bien comme ça.
Guillermo: En plus, nos concerts sont assez festifs et on a besoin de pauses et de récupération, et on ne pourrait pas enchaîner comme ça….! (rires)
Red: Mais les copains qui sont comme ça, sur la route, ont un vrai mérite, car ce n’est vraiment pas simple aujourd’hui.

Venons-en à l’album ‘Renegade Party’. Côté graphisme, signé Oncle Red, il y a une chose qui m’a interpellé et qui est l’intérieur du Digipack. On y représente une sorte de face à face entre des chiens à l’étoile rouge, un peu façon Maoïstes, et ce qui ressemble beaucoup à des CRS, casqués avec un logo sur les boucliers qui n’est pas sans rappeler des heures sombres, et avec le groupe qui semble observer tout ça du haut d’un monticule. Il y avait une ligne directrice donnée à Oncle Red pour ce thème assez particulier et qui en fait colle parfaitement au titre ‘A Riot’?
Toma: Oui, bien sûr, on en a discuté et puis c’est toujours plus intéressant pour le graphiste d’avoir une direction. On a trouvé le titre de l’album et à partir de là, on a imaginé les illustrations. Et puis on pensait que c’était une bonne idée d’utiliser le triptyque pour avoir une vue panoramique, et qu’à l’intérieur tout cela raconte une histoire. Et cette histoire, justement, c’est une parabole, c’est très imagé et chacun y voit ce qu’il a envie d’y voir et peut se l’approprier.

Oui, effectivement. Par exemple en ce qui me concerne, j’étais gamin, mais ça me rappelle étrangement certaines affiches de mai 68… Il pourrait y avoir un message plus ‘politique’ dans tout ça?
Red: Il pourrait éventuellement y en avoir un, oui, mais en fait chacun interprète ça plutôt comme il veut.
Guillermo: C’est plus un côté sociétal, en fait.
Red: Oui, et en plus du côté des chiens avec les étoiles il n’y a pas que ça, il y a une mixité, et c’est cette mixité là justement qui nous intéresse. Il y a des grands, des petits, des gens pas beaux, des handicapés… En fait on joue pour tous ces gens là, qui sont peut-être les exclus, les laissés pour compte. On peut éventuellement l’entendre comme ça, mais à partir du moment où tu viens pour partager et faire la fête, alors tu es le bienvenu.
Toma: Et puis je pense que l’image est bien en lien avec le titre de l’album.


Pascal, je t’ai entendu à plusieurs reprises en concert faire référence à Stéphane Hessel. Sa philosophie est proche de la tienne? Par exemple sur le ‘Bonjour, au revoir, s’il vous plait, merci’…
Red: Oui, c’est vrai que j’aime bien ce bonhomme, et au moment où il est mort j’ai voulu faire un ‘clin d’oeil’. Le morceau dont tu parles c’est Communication Rules, les règles de la communication qui reposent sur les quatre mots dont tu parles et qui ne fonctionnent qu’avec un grand sourire. Ça ne révolutionne pas le monde mais c’est bien de le rappeler. On essaie de se l’appliquer à nous-même sur la route, et c’est aussi ce qu’on vient chercher.

Les textes de Laurent Bourdier sont très explicites…une fois traduits. Pour un anglophone de collège comme moi, c’est un peu compliqué de bien cibler certaines expressions. Vous avez pensé à mettre la traduction des textes sur le site web? D’autant que ces textes disent tous quelque chose, ce n’est pas du petit calibre du style ‘Chéri I love you’, il y a de vrais messages qui passent.
Red: Cela fait plaisir que tu dises ça, et en fait surtout pour Laurent qui pour moi, effectivement, écrit bien. C’est drôle aussi car Laurent a été extrêmement touché par une chronique qu’on a eue de Ashwyn Smyth qui est un peu le père des radios Blues Anglaises, qui vit dans le Limousin et qui souligne justement la qualité des textes en Anglais au dessus de la moyenne. Donc ce serait effectivement une bonne idée de les traduire, il n’y a que Laurent qui pourra le faire parce qu’on n’est pas non plus bilingues comme il peut l’être. Mais ça mériterait effectivement d’être fait car il y a quelques textes avec des messages qui, tout en étant simples, sont essentiels.

Les différents thèmes abordés, ‘le temps qui passe’, ‘quel monde à venir?’, ‘profite du moment’, etc… sont très actuels et reflètent bien les questions que tout le monde se pose plus ou moins en ce moment. Le fait qu’une partie d’entre vous bosse dans le milieu social y est-il pour quelque chose?
Toma: Non, pas particulièrement. On sait quelle direction va prendre Laurent et on approuve, mais il n’y a pas de lien particulier. On pourrait le faire, effectivement, mais on ne se pose pas forcément la question. En fait tout cela raconte avant tout de l’humain.
Red: Je pense que globalement c’est ce que l’on peut être, nous. Ce n’est pas juste une facette Shaggy Dogs Live et où l’on serait ensuite autre chose au quotidien. Quand je regarde ce que l’on est, les uns et les autres, je n’ai pas l’impression de trahir quoi que ce soit. Je suis peut-être plus sensible à cela que les autres, parce que c’est moi qui chante, et je me sens donc plus impliqué. Par exemple, sur les treize textes aucun n’a posé de problème, sauf un qui parlait de bécane, et comme je ne suis pas motard je ne me sentais pas du tout à l’aise avec ce texte là et Laurent l’a d’ailleurs très bien compris. Il faut que je sois en accord avec ce que je chante, que cela ait un sens pour moi. Si tu prends par exemple le titre Tight Times, qui est une ballade, un titre fort, je suis fier de chanter ce texte.

C’est pour cela que c’est important d’avoir une vraie cohésion avec l’auteur, d’autant que ces textes là racontent effectivement quelque chose. Et c’est pour ça que la traduction serait, à mon avis, une bonne idée.
Red: On va soumettre l’idée à Laurent.

A contrario, pour ‘Shaggy Dogs Power’ je m’attendais plutôt à un texte revendicatif, poing en l’air façon Black Power, comme le dessin d’illustration, et en fait c’est un cri d’amour au Blues et aux Shaggy. C’est le contre-pied total de ce que l’on attend…
Toma: Les visuels sont énergiques parce que la musique est énergique. Après, il peut y avoir des petites distorsions effectivement par rapport à ce que l’on attend.

Pourquoi enregistrer en France et mixer en Angleterre? C’est une question de couleur musicale ou c’est plutôt lié à Al Scott?
Jaker: Musicopré est à mi-chemin de chez lui et de chez nous. Donc il est venu et il est reparti avec les bandes parce que c’était plus facile ensuite pour lui de faire tout ça chez lui, tranquille, et puis pour nous c’est parfait d’être en immersion totale, un peu à la campagne, coupés de tout.
Red: Et puis c’est là encore une histoire de confiance. Shaggy Dogs c’est une équipe de personnes qui travaillent ensemble et qui se font confiance. On a vu ce qu’Al Scott était capable de faire sur le précédent album et on lui a donc tout délégué les yeux fermés. On n’a pas eu grand chose à modifier, des ‘poils de fesses’…et puis on n’a pas eu à choisir quoi que ce soit, c’est compliqué de devoir choisir quand on est quatre…!
Guillermo: C’est bien d’avoir une oreille extérieure.
Red: Oui, et qui en plus prend les bonne décisions et assume pour toi. C‘était confortable pour tout le monde, pour lui de le faire en Angleterre tranquillement sans avoir le groupe derrière lui, et pour nous de ne pas avoir à faire de choix ou de compromis puisqu’il les a faits pour nous.

Vous avez fait des festivals cet été. L’album a été bien reçu?
Guillermo: Au Luxembourg on a mis le feu, c’était vraiment sympa.
Toma: Oui, les nouveaux morceaux sont bien reçus, il n’y a pas de problème.


Et il se vend bien?
Red: Si la question c’est ‘Est ce qu’on a fait construire une piscine chez nous? C’est non!’ (rires)
Toma: Ce qui est clair, c’est qu’à la fin de l’année on en aura vendu plus en concerts que dans la grande distribution, mais ça reste aléatoire.
Red: C’est la première fois qu’on bénéficie d’une promo aussi à l’étranger, au Bénélux en particulier. Et puis on a de bons retours de partout où l’on va, SOCADISC a également bien travaillé là-dessus avec ce que la grande distribution peut offrir pour un petit groupe comme nous. Donc oui, on est plutôt bien lotis par rapport à plein d’autres groupes. Maintenant, si on devait compter là-dessus pour changer notre vie…, d’où tu comprends le fait de garder notre boulot.

Vous avez fait un clip des sessions studio, mais vous n’avez pas envie d’une captation live un de ces jours?
Toma: Il y a le clip qu’on a tourné cet hiver qui est toujours en post-prod et que l’on devrait avoir fin septembre.
Red: Oui, on a pris du retard, mais comme tu l’as bien compris ce n’est pas notre boulot, les gens avec qui l’on bosse font ça aussi quand ils ont le temps, mais qu’il sorte maintenant ou à Noël ne va pas vraiment changer notre vie non plus.

Et ce voyage en Inde? J’ai vu que c’était annulé. Pour quelle raison? D’autres choses sont prévues en remplacement?
Toma: Oui, on a d’autres choses de prévues, on doit partir en Angleterre au mois de janvier mais là, c’est Pascal qui va t’expliquer où c’est…(rires)
Red: L’inde, c’est simple. Le voyage devait être pris en charge et ils n’ont pas eu les subventions pour nous accueillir. J’espère que cela pourra se faire l’année prochaine mais maintenant on ne va plus rien annoncer tant que nous n’aurons pas les billets entre les mains. Pour l’Angleterre, nous y retournons pour faire un des plus gros festivals Anglais qui est le Rock & Blues Festival de Skegness, il n’y a que des gros noms et puis il y a nous à côté. C’est plutôt plaisant quand on regarde l’affiche puisqu’il y a les Yardbirds, Animals, Dr Feelgood, Nine Below Zero, Paul Lamb, Uriah Heep et …Shaggy Dogs!

Il était aussi question d’une scène sur Paris?
Red: Oui, le 5 novembre on jouera au Café de la Danse en co-billing (partage de l’affiche) avec un groupe Espagnol, les Excitements, du genre festif comme nous mais dans un autre domaine, dans une salle bien sympa et donc ça devrait être une belle fête.

Vous avez laissé des plumes dans l’affaire Mosaïc Music? Vous avez retrouvé vos CD, finalement?
Red: Oui, on a récupéré tous nos CD. Nous n’avons jamais touché de royalties sur les ventes qu’on a faites mais on a récupéré 120 CD sur 2 albums confondus. Ce qui veut dire qu’on avait plutôt pas mal vendu d’ailleurs, ou alors qu’il y en a d’autres qui traînent sur les marchés…, mais nous sommes peut-être mieux lotis que d’autres qui n’ont rien récupéré ou qui n’ont jamais rien touché alors que eux en avaient vraiment besoin pour manger.

Pour terminer, je ne vais pas vous demander un coup de gueule, ce CD en est plein, mais plutôt le coup de coeur du moment.
Toma: J’ai bien aimé le concert des 24Pesos au Buis Blues Festival.
Guillermo: Moi j’aime bien Vintage Trouble.
Red: Ah, tu me l’as volé de la bouche! (rires)
Guillermo: Pascal va pouvoir t’en parler plus que moi…
Red: C’est un groupe Américain de Los Angeles qui est un mélange de Rock, de Soul et de Rhythm’n Blues, avec le meilleur chanteur actuellement sur scène. Ils viennent de faire la tournée des Who, l’écriture des morceaux est terrible et sur scène c’est une grosse claque. LE groupe dont j’aurais bien aimé faire partie! (rires)
Jaker: Moi j’aime bien toutes les vidéos qu’ils me refilent tous les trois sur Facebook (rires). Effectivement les Vintage Trouble et toutes les autres choses vues au Buis et qu’ils m’ont envoyées, sinon en dehors de ça j’écoute plutôt des vieux trucs.
Red: Moi je vais rester dans la même lignée que Toma, c’est la rencontre avec l’Ecossais Dave Arcari, qui est un super bonhomme! Une grande humilité, super humain. On fait de la musique aussi pour des rencontres comme celle-ci, simples et humaines, et ça fait du bien de savoir que des gens comme ça existent, qu’ils en vivent, parce que c’est leur métier, mais qu’ils continuent à conserver ça. Comme quoi le succès relatif ne change pas tout.

Un grand merci à vous quatre.
Merci à toi.