ITW de Fred Chapellier

                                    ITW de Fred Chapellier

Interview préparé et réalisé par Anne Marie Calendini et Dominique Boulay
Mars 2011
Photos: Anne Marie Calendini (photo ITW) & Frankie Bluesy Pfeiffer (photos ‘live’)

C’est dans le petit hôtel situé en face du New Morning que nous avons rencontré Fred Chapellier, quelques heures avant le concert qu’il allait y donner en compagnie de son ami Tom Principato. Nous avons évoqué l’interview précédente que nous avions faite avec lui pour ‘Blues Magazine’ puis nos différentes rencontres depuis ce jour là: au Méridien, où il jouait en compagnie de Billy Price, puis à La Charité sur Loire, où il s’était produit en compagnie de Neal Black, sans oublier qu’il venait d’achever 86 concerts en tant que side guitariste de Jacques Dutronc.

PM : Fred, si on revient vers toi aujourd’hui, c’est pour faire un point sur toutes les casquettes que tu portes dorénavant: ce que tu fais avec Billy Price, ton travail avec Jacques Dutronc, et bien sûr le Fred Chapellier Blues Band. D’ailleurs il me semble qu’il te manque une casquette, non?
Fred Chapelier :
(rires) Oui, et je suis un petit peu embêté parce que j’ai oublié mon couvre chef à la maison et que je ne sais donc pas si je vais jouer ce soir, car c’est vrai que cela fait un peu partie du personnage que je suis sur scène. Ceci dit, tu sais, c’est surtout la dernière formation que tu évoques qui est ma principale casquette.

PM : Tu as enregistré deux disques avec ta formation et tout récemment tu as sorti ce disque qui n’est pas totalement un nouveau, exact?
FC :
En fait, j’ai repris des chansons de ces deux albums que j’interprétais alors en français pour en faire une sorte de compilation. J’ai repris les meilleurs titres de ces deux galettes, et comme je n’ai pas voulu les garder en l’état, j’ai réenregistré les guitares et les voix, avec aussi une novelle pochette. L’objet physique n’est pas encore disponible en tant que tel, mais il est écoutable et téléchargeable sur iTunes et toutes les plateformes de téléchargement. Et puis je prépare aussi un nouvel album avec ma formation, qui sera enregistré cette année.

PM : Et avec Billy Price, cette aventure qui avait commencé avec le ‘Tribute to Roy Buchanan’…?
FC :
En fait, toutes les autres choses, ce n’est pas un travail sur du long terme. Ce sont plutôt des participations ponctuelles. Billy, j’avais vraiment envie de le rencontrer et de travailler avec lui. Il faut rappeler qu’il a été pendant trois ans le chanteur du groupe du grand bluesman et guitariste Roy Buchanan. Et que je suis un très grand fan de ce guitariste. Billy, je l’avais rencontré pour mon ‘Tribute to Roy Buchanan’ et comme il se trouve que l’on a vraiment tout de suite sympathisé, nous avons eu envie de poursuivre cette collaboration et d’écrire de nouvelles chansons ensemble. C’est comme cela que nous avons sorti ‘Night Work’ un peu plus tard. Ensemble, on a coécrit soixante dix pour cent de l’album. Suite à la sortie de cet album, je suis allé aux Etats-Unis faire quelques festivals et quelques tournées, puis Billy est venu en Europe pour jouer avec mes musiciens, en compagnie de son clavier. Et c’est comme ça que nous avons décidé d’enregistrer un ‘live’ audio et un DVD, ‘Live on Stage’.

PM : Lorsque je t’ai vu à la Charité sur Loire, il y a quelque temps, tu jouais en compagnie de Neal Black. C’est une autre de tes casquettes…
FC :
Si tu veux, moi, je ne considère pas cela comme des casquettes différentes que je porterais selon les circonstances. Je préfère dire que j’ai des amis et que j’aime jouer avec eux de temps en temps. Avec Tom comme avec Neal. Neal, comment te dire, c’est mon meilleur ami. Tom, c’est aussi un super ami, et comme on s’adore et que l’on se respecte mutuellement, on trouve super de se retrouver tous les deux ou trois ans pour faire quelques dates ensemble. C’est vraiment quelque chose qui nous fait totalement plaisir. Ce sont des opérations qui ne sont motivées que par le plaisir. Celui des spectateurs, bien sûr, mais aussi le nôtre. Il y a des gens qui sont contents de me voir, comme de voir Neal ou Tom, mais ils sont également contents de nous voir jouer ensemble. Peut-être que dans un an je ferai un plateau avec un autre artiste américain ou anglais, qui sait. J’aime bien me mélanger, j’aime bien partager avec d’autres musiciens, et prendre du plaisir tous ensemble. Mais ce qui m’importe quand même le plus, c’est ce que je fais avec ma formation, sous mon nom, et en ce moment, c’est le nouvel album à sortir qui est ma priorité. Avec des textes en anglais. Il va être enregistré cette année et il sortira l’an prochain.

PM : Il y a eu aussi ces 86 concerts que tu as faits avec Jacques Dutronc. J’ai entendu dire que l’aventure commune n’était pas encore terminée…?
FC :
C’est vrai, d’ailleurs je suis allé le voir courant janvier pour travailler avec lui. Je vais te dire en deux mots comment cela s’est passé, mais avant cela, il faut que je précise que c’est quelqu’un que j’ai toujours apprécié. Avec Gainsbourg et Jonasz, ce sont les trois artistes français que j’ai toujours adorés. Comment j’en suis arrivé à jouer avec Dutronc? C’est assez simple, tu vas voir… Je travaille régulièrement depuis plusieurs années avec un ingénieur du son parisien sur des projets à lui et quand il a besoin d’une guitare, il m’appelle pour que je vienne enregistrer un jour ou deux avec lui. Et puis un jour, on s’est mis à parler de Dutronc, parce qu’ils sont amis depuis au moins quarante ans. Et bien avant que Jacques ne décide de faire une tournée, et ce n’était même pas à l’ordre du jour, Jean-Marie, ce fameux ami ingénieur du son, m’a dit que ce serait bien que Jacques refasse une tournée, car cela faisait dix sept ans qu’il n’était pas remonté sur scène et que des tas de gens seraient ravis si cela pouvait se faire. Et que si un jour il en entendrait parler, il m’a dit qu’il essaierait de me mettre dans le coup. Ce à quoi je lui avais répondu ‘avec plaisir!’. Tu sais, c’est souvent le genre de propos que l’on tient comme ça, en discutant de tout et de rien, et à la suite desquels il ne se passe rien. Et un jour, alors que Jacques avait besoin de musiciens pour répéter, en Corse, afin de préparer cette fameuse tournée, mon copain m’a appelé en me disant qu’il fallait que je parte tout de suite, et pour quinze jours, chez Jacques, histoire de voir comment cela pouvait coller avec les autres musiciens. On est donc parti à quatre musiciens, chez Jacques, pour quinze jours, et puis on a commencé tranquillement à répéter ses chansons, à voir où en était sa voix et comment cela allait se passer, car il ne savait pas du tout s’il allait pouvoir rechanter. Nous avons tout de suite constaté que sa voix était intacte et qu’elle était même plus costaude avec l’âge, plus grave. Mais entre le moment où Jacques avait décidé qu’il allait repartir en tournée et ces quinze jours de répétition, la production avait monté l’équipe des musiciens qui allait partir en tournée avec Jacques, et je n’en faisais pas partie. Et c’est Jacques qui m’a dit: ‘Toi, tu restes! Si cela te dit, moi je veux que tu fasses partie de ce tour!’. Alors forcément, quand tu adores le personnage et le répertoire, tu n’hésites pas une seule seconde et tu dis oui.


PM : A ce moment là, quelle couleur voulait-il donner aux arrangements de ces chansons?
FC :
Hé bien, il souhaitait justement travailler avec quelqu’un qui apporterait un côté plus rock, plus électrique, voir plus bluesy à son répertoire. C’est aussi pour ça que j’ai immédiatement accepté sa proposition. S’il avait voulu faire un tour de chant jazzy, par exemple, je ne me serai pas trop senti à ma place dans l’équipe, mais comme il voulait quelque chose de plus rock, j’ai joué comme je joue d’habitude. Pour moi, cela a été quelque chose d’absolument positif.

PM : Quelle différence cela fait-il d’accompagner des chansons et des textes qui ne sont pas les tiens?
FC :
Il n’y en a pas, en fait. Sur cette tournée, j’ai joué exactement comme lors de mes enregistrements ‘live’. Les chansons n’étaient pas les miennes, mais quand on aime le répertoire, c’est un vrai bonheur de jouer!

PM : C’est vrai qu’entre les concerts du Casino de Paris, il y a 17 ans, et ceux donnés en 2010, il y avait plus de pêche et plus d’électricité dans l’air.
FC :
C’est vrai qu’il avait la volonté d’électriser davantage les chansons afin de les rendre plus rock et d’y insuffler beaucoup plus d’énergie.

PM : On avait même l’impression que Jacques n’avait jamais été aussi bien sur scène que lors de cette tournée. Le ressentais-tu, sur scène?
FC :
Il était super heureux sur scène, vraiment super heureux!

PM : Lui qui est quelqu’un de très pudique ne parvenait d’ailleurs pas à le dissimuler.
FC :
Je suis très content que tu dises cela, car c’est bien la preuve qu’il était très heureux. Et puis c’est aussi quelqu’un d’entier, pour qui la communication entre lui et les musiciens est quelque chose d’essentiel, de global. Il y avait une vraie confiance partagée entre nous tous. Jacques se sentait entouré d’un groupe de rock, derrière lui. D’un groupe d’un certain âge, certes, et qui en prenait parfois plein la gueule, mais il y avait une vraie, une réelle complicité entre nous. Jacques était heureux d’être sur scène, de chanter son répertoire, de faire plaisir au public et de sentir que ses musiciens étaient respectueux de son répertoire et du personnage. Nous, on faisait ce que l’on avait à faire, sans non plus tomber dans des comportements trop excessifs. On n’a plus vingt ans et il n’est plus nécessaire d’en faire de trop pour bien faire notre boulot. Ce que je veux dire, c’est que personne n’était là pour ‘se la péter’, entre guillemets. Moi, j’ai fait exactement ce que Jacques a voulu que je fasse. D’ailleurs il souhaitait même que je foute plus de bordel que cela, comme jouer de la guitare dans le dos, par exemple. Il nous laissait même notre autonomie pour partir dans des improvisations particulières. Tiens, un exemple: au Palais des Sports, c’était quand même pas mal structuré, mais pour le moindre solo de guitare, je faisais ce que je voulais. Et pour tout te dire, je n’ai jamais rien travaillé d’avance. C’est comme dans le blues, vois-tu, un solo de guitare, ce n’est jamais quelque chose qui est travaillé d’avance. Avec Dutronc, c’était exactement pareil. Et comme lui, il adore se marrer, je confirme à nouveau qu’il a été super content de ce que nous avons tous fait ensemble.

PM : Je crois savoir que vous n’en êtes pas restés à cette seule collaboration. Tu serais retourné plusieurs fois en Corse, cette année. Y aurait-il d’autres projets dans l’air?
FC :
C’est exact, j’ai dû y aller deux fois en janvier, et deux fois en février. Et encore une fois en mars. Mais à chaque fois, j’y vais seul, pour cinq ou six jours. Cela lui a tellement plu de faire cette tournée, qu’il voudrait faire un nouvel album avec de nouvelles chansons Et éventuellement refaire des concerts, mais pas une grande tournée comme celle là. Peut être quinze jours à l’Olympia et quelques dates dans les grandes villes de France. Je n’en ai pas confirmation, mais je pense que cela pourrait être dans l’air du temps. Et donc, dans un premier temps, ce qu’il m’a demandé, c’est de lui écrire et de lui balancer quelques riffs de guitare pour qu’il puisse écrire de nouveaux morceaux à partir de ça. Je fais donc des allers et retours entre ici et sa maison où il a un studio à disposition, dans lequel nous pouvons travailler. On peut même enregistrer tout un album, sur place.


PM : Qu’est ce que cela t’a apporté de spécial de travailler avec lui? Cela a du déjà agrandir ton relationnel…
FC :
Oui, s’est sûr, cela m’a apporté plein de choses positives et négatives. Déjà, cela m’a permis de me réconforter, car quant tu joues avec Jacques, tu te dis tout d’abord que s’il a fait appel à toi, c’est qu’il t’aime bien et que tu n’es pas si mauvais que cela. Et puis il y avait Jannick Top à la basse, Yves Sanna à la batterie, Bernard Arcadio au clavier, et Sophie Braconnier à la flûte. Ce sont des musiciens qui ont joué avec pas mal de pointures, et depuis quelques années. Cela te donne l’occasion de te confronter avec des bons, même s’il n’a jamais été question de ‘confrontation’. On est d’ailleurs tous devenus de super potes et cela aussi bien sur scène qu’en dehors de scène, car tu te doutes bien qu’il y a une vie après la scène (rires). Dans le bus, à l’hôtel, à table, nous étions toujours ensemble. Et Jacques, dès qu’il pouvait être avec nous, il nous rejoignait. Nous avons vraiment formé une super équipe et cela a donc contribué à me rassurer, moi qui ai tout le temps peur, moi qui suis éternellement dans le doute. Ce que je trouve normal, par ailleurs, parce que le jour où tu n’as plus cette peur, hé bien je pense qu’il faut arrêter. Si tu estimes être ‘arrivé’, ce n’est plus la peine de faire ce métier. Tout cela m’a rassuré, je le redis, et puis cela m’a aussi permis de jouer devant des audiences très importantes. Cinq mille personnes tous les soirs pendant quatre vingt six dates, avec des festivals comme Les Vieilles Charrues, où il y avait soixante mille personnes, la Fête de l’Huma, les Francofolies. C’est toujours une expérience super enrichissante que de jouer devant plein de monde. Et puis le fait de travailler avec Dutronc, d’être toujours à ses côtés, de voir comment il procède, cela m’a appris beaucoup de choses sur lui. Il ne parle pas beaucoup, et chez lui tout est codé. Il ne te dira jamais: ‘Fred, cet accord là, ce truc…’, il passera par un chemin détourné pour te faire comprendre que quelque chose ne va pas. Et il fait cela avec tout le monde, en fait. Par contre, j’étais loin de me douter qu’il avait une telle oreille musicale. Il est pointu, quelque chose d’énorme! Le moindre truc, il l’entend, et grâce à lui j’ai appris beaucoup de petites choses. Il me disait par exemple: ‘Essaie de travailler plus dans les graves pour ce morceau là..’, et c’est comme cela qu’il m’a fait découvrir des horizons que je n’aurais peut-être pas été chercher moi-même. Il m’a montré une autre voie à suivre, musicalement. Je dois reconnaître que c’est quelqu’un de rare et de super intelligent. Parfois il peut paraître un peu froid, comme lorsqu’on le voit à la télé, alors qu’il n’est pas du tout comme ça. C’est le mec le plus chaleureux de la terre, mais il a horreur des médias et horreur d’être pris en photo en dehors de la scène. Sur scène, c’est différent, il est là pour cela. C’est un paradoxe à lui tout seul.

PM : Est-ce qu’il aime le blues?
FC :
Bien sûr! Il adore Clapton, et il aime beaucoup mes deux derniers albums, particulièrement l’hommage à Roy Buchanan. Quand je vais chez lui, l’album tourne très souvent en boucle et il le fait écouter à ses nombreux amis. Et il est très fier, très heureux de dire que c’est Fred qui joue sur cet album, le même que celui qui jouait avec lui en tournée. Son fils Thomas aime également le blues. Il vient très souvent me voir et peut-être qu’il sera ce soir au New Morning. C’est vrai que Thomas raffole de blues. C’est quelque chose que les gens ne savent pas car il est un peu catalogué jazz manouche. Mais son rêve, c’est de faire du blues électrique.

PM : Question indiscrète, peut être, mais cette tournée t’a sans doute permis de gagner un peu plus d’argent que d’habitude… Lorsque nous avions interviewé Derek Trucks, avec Frankie, il nous avait dit qu’avec le cachet qu’il avait empoché pour la tournée qu’il avait faite comme side guitariste pour Clapton en 2006, il s’était fait construire un grand studio d’enregistrement dans sa villa de Floride. Et toi…?
FC :
Oui, c’est vrai que cela aide énormément. Tu sais, je n’ai pas grand-chose à cacher, et c’est vrai que quand je suis arrivé à la banque, je n’avais pas les poches vides, et que cela a constitué l’apport pour m’acheter ma maison. Tu vois, pour la première fois, je suis devenu propriétaire. Ceci dit, j’habite toujours en province, du côté de Chalons en Champagne.

PM : Dans tes deux premiers albums tu chantais en français, alors que maintenant tu utilises la langue d’Eric Clapton.
FC :
Oui, depuis l’album hommage à Roy Buchanan je ne suis plus du tout intéressé par la perspective de faire un album composé d’instrumentaux. Il faut que je chante. Alors je compose la musique et j’écris les textes en anglais. Mais c’est vrai que je me fais aider par mon ami Neal. C’est moi qui écrit les textes en anglais, Neal les relit, et me conseille parfois. J’écris donc la plupart des choses que je chante, même si Neal est toujours un peu derrière moi. Et à ce propos, je voudrais dire que le dernier opus de Neal est fabuleux.

PM : Est que l’on peut dire que tu es aussi un musicien de studio?
FC :
Non, je le fais de temps en temps, comme par exemple pour le fameux gars qui m’a branché sur Jacques Dutronc, mais c’est très rare! Et cela ne m’intéresse pas plus que cela. Moi, j’ai besoin de bouger et de faire de la scène. Mon truc, c’est Fred Chapellier avec ses musiciens et mon répertoire. Je ne me sens vraiment bien que lorsque je joue mon répertoire. Le reste, ce n’est que du plaisir avec mes amis. Que ce soit avec Billy qui m’a appelé cette semaine, ou avec d’autres copains, souvent américains. On a juste l’envie de se faire plaisir. Un jour, peut être, on fait un album, mais ce n’est pas le but. Ce qui importe, c’est vraiment de se retrouver et d’être bien ensemble. Et pour moi, maintenant, l’essentiel est de me recentrer à fond sur mon groupe pour préparer et en enregistrer un nouvel album cette année. Il sera en anglais, oui, parce que cela me permettra d’aller jouer à l’extérieur de nos frontières, en Allemagne, en Hollande, et pourquoi pas au Royaume Uni. J’ai fait plusieurs festivals en Scandinavie et, franchement, c’est difficile quand tu chantes en français de sortir de France.


PM : Toi qui a tourné également aux Etats-Unis, fais-tu une différence avec le public européen?
FC :
Oh oui, car c’est totalement différent…! Aux Etats-Unis, tu joues la plupart du temps dans des clubs, mais les gens y viennent pour faire la fête. Et donc, dès que tu commences à jouer, ils dansent, ils hurlent, ils picolent, et c’est une grosse fiesta. Ils ne viennent pas pour écouter. D’ailleurs les américains, la première fois qu’ils viennent jouer en France, ils sont surpris par le public. Ils ne comprennent pas ce qui se passe, car ils ont le sentiment que ce qu’ils jouent ne plait pas au public. Aux USA, que cela soit en club ou dans les festivals, ça chante et ça danse toujours. Ici, les gens viennent d’abord pour écouter.

PM : Peut-on dire qu’ici, il y a plus de respect pour les musiciens…?
FC :
Absolument, et ce n’est pas qu’une impression. Et puis il faut savoir également que le blues est moribond, aux Etats-Unis. Il a été créé là-bas, mais actuellement il est plutôt mal en point. Beaucoup de bluesmen américains préfèrent d’ailleurs jouer en Europe. Tout d’abord parce qu’ils apprécient le comportement respectueux du public, mais aussi parce qu’ils sont très mal payés aux Etats-Unis.

PM : Concernant tes musiciens, Damien Cornelis est-il encore avec toi aux claviers…
FC :
Non, Damien est parti vers d’autres horizons. Il joue avec Nina Attal, Blues Power Band, et d’autres encore. Je l’encourage d’ailleurs à multiplier les collaborations avec d’autres musiciens car il est encore jeune. Par contre je joue toujours avec Renaud Cugny, qui tient l’orgue depuis deux ans déjà.

PM : L’orgue Hammond apporte-t-il quelque chose de particulier à ta musique?
FC :
Hé bien c’est simple. Pour moi, dans mes compositions musicales, c’est l’instrument que je trouve indispensable. Il est vraiment fabuleux!

PM : Au point d’en jouer toi-même?
FC :
Non…! Je joue de la guitare, de la batterie, de la guitare basse, mais je suis incapable de jouer quoi que ce soit sur un piano ou un clavier (rires).

PM : A quels artistes penses-tu immédiatement quand on te parle d’orgue Hammond?
FC :
Dans le blues, je pense tout de suite à Lucky Peterson, qui est quand même un des tous meilleurs! Mais je pense aussi à Jimmy Smith, même s’il est plus connu pour avoir fait du jazz.

PM : Tu emploies parfois également un saxophoniste, n’est ce pas?
FC :
Tu sais, c’est une histoire de budget. Quand je peux faire appel à un cinquième musicien, c’est à Drew Davies que je fais appel. Il a son propre band, le Drew Davies Combo. C’est du swing blues. C’est super, et ce qui m’intéresse chez lui, c’est son swing, justement. Il fait une musique très ‘sentie’, qui a du caractère!

PM : Penses-tu que des fans de Dutronc se sont éveillés au blues en t’entendant jouer à ses côtés?
FC :
Oui, et je peux en témoigner, puisqu’à mes concerts beaucoup de gens me disent qu’ils ne me connaissaient pas et qu’ils ont découvert ma musique grâce aux concerts où j’étais avec Dutronc. Ce sont vraiment des retombées très positives, des ‘effets secondaires’ très appréciables et qui font découvrir le blues à plein de gens.