ITW de Devon Allman

                                       ITW de Devon Allman

Interview préparée par Dominique Boulay
Réalisée en octobre 2010, à Paris
Traduction par Josée Wingert
Photos: © Yann Charles

A Paris, l’espace de quelques heures pour un concert unique au Réservoir, rue de la Forge Royale, à Paris, Devon Allman et ses deux compères se sont octroyé une pause méritée dans un café à proximité. Ils arrivaient tout juste d’outre-Rhin et repartaient vers les Etats-Unis dés le lendemain matin, terminant dans la capitale une tournée de dix concerts à travers l’Europe. Avec tout juste et seulement une seule date en France, à Paris.

PM: Entrons tout de suite dans le vif du sujet. N’est-ce pas un inconvénient de porter le nom d’Allman, avec en plus un père aussi célèbre, Gregg? Et un oncle qui est une véritable légende de la guitare, Duane?
Devon Allman (DA):
Non, ce n’est pas un problème (large sourire). Au contraire, même, car je suis très fier de mon histoire familiale. Mais j’écris désormais la mienne avec Honeytribe, qui est un mélange de toutes les influences que j’ai pu avoir. Tu sais, je pense que d’une certaine manière, cela m’aide à poursuivre et à prolonger la tradition. Bien que d’un autre côté, je fais quelque chose de différent avec eux, je pense…

PM: Lorsque tu as sorti ton premier album, ‘Torch’, vous étiez quatre musiciens. Et maintenant sur le second, ‘Space Age Blues’, ainsi que sur cette tournée, vous n’êtes plus que trois…
DA:
Oui, parce que nous avons décidé de faire du power en trio, parce que d’autres formations avant nous avaient parfaitement réussi à fonctionner en trio. Cream, le Jimi Hendrix Experience et quelques autres l’ont fait de manière fabuleuse, alors pourquoi pas nous? Quand nous avons commencé Honeytribe, nous étions huit, puis nous sommes descendus à cinq, puis à quatre. Et maintenant, pour moi, ce qu’il y a de bien dans ce trio, c’est que je suis le capitaine à bord. Si j’ai envie de reprendre un claviériste, je le fais. Si je veux ajouter un autre guitariste, c’est moi qui en prends la décision. Mais en ce moment, on s’éclate à trois. Parce que cela me donne la possibilité d’explorer et de structurer mon jeu de guitare que j’arrive à exprimer au mieux en formation en trio. Mais il faut que je te dise que nous nous sommes séparés en bon terme avec notre claviériste, Jack Kirkner. Cela va faire maintenant cinq ans que je suis le soliste, mais je dois reconnaître que je continue d’apprendre et d’apprendre encore. Quand l’album ‘Torch’ est sorti, en 2006, c’était la première fois que j’étais guitariste soliste et cela a constitué un vrai défi pour moi. Cela m’a poussé à jouer davantage, à améliorer encore mon style, et à progresser.

PM: Ce que tu veux dire, c’est que le trio est il la forme la meilleure pour jouer ce que vous faites…
DA:
Oui, on peut le dire. Moi, je me plais à penser qu’avec des mecs comme Joe Bonamassa ou Derek Trucks, ou d’autres encore, nous sommes les successeurs des Rolling Stones, de Santana ou du Allman Brothers Band, qui sont presque à l’âge de la retraite (rire). Nous, nous sommes la nouvelle vague, la nouvelle génération qui va continuer à faire vivre cette musique.

PM: Et il parait que tu aurais cessé de jouer de la guitare pendant quatre ans, à la naissance de ton fils, et que tu n’as recommencé que lorsqu’il avait 4 ans?
DA:
Oui, c’est vrai (rire). Mon fils est né en 2001 et pendant quatre ans je ne me suis consacré qu’à lui. Tu sais, je me souviens avoir grandi sans mon père à mes côtés et j’ai voulu éviter cela à mon fils. Sa place prépondérante et son rôle au sein des ABB lui prenaient tout son temps, toute sa vie, et il ne m’a pas vu grandir. Bien sûr que pendant ces quatre années j’ai continué à penser à la musique, à en jouer un peu, mais je suis resté à la maison, sans tournée et sans session d’enregistrement. Et je ne regrette rien. Je suis vraiment heureux de l’avoir fait. Son prénom est Orion, comme la constellation.

PM: Tu es né après le décès de ton oncle…
DA:
Oui, exact…

PM: Que tu apprécies beaucoup, je pense…
DA:
Oui, énormément !

PM: Et ton père, Gregg?
DA:
En fait, je n’ai réellement découvert mon père qu’à l’âge de 16 ans. Mais j’étais déjà tombé amoureux de la musique avant cela! Je jouais déjà de la guitare et j’avais déjà un groupe avec lequel je jouais avant de vraiment fréquenter mon père. Beaucoup de gens s’imaginent que j’ai grandi backstage, dans les coulisses des salles de concert ou dans les tour-bus, mais ce n’était pas du tout le cas. J’ai eu une enfance normale et ordinaire, ou presque…

PM: Te considères-tu comme un fils prodigue?
DA:
Non. Je ne me considère pas comme ‘le fils de’. Malgré mon nom de famille, je ne suis pas toujours en train de penser à mon père ou à mon oncle. Je ne pense qu’à Honeytribe, et à comment faire pour avoir de meilleures chansons et devenir un meilleur guitariste. Pour être franc, je m’efforce toujours de regarder devant moi plutôt qu’autour de moi.

PM: Et comment s’est déroulée cette tournée en Allemagne, Autriche, Pologne, Belgique? Vous avez fait dix dates…
DA:
C’était génial, tout comme la fois précédente. Le public européen apprécie vraiment le blues américain et c’est vraiment sympa de jouer pour un public qui aime écouter cette musique. Les Etats Unis sont une jeune nation, mais les publics européens sont conscients qu’il y a certains domaines dans lesquels nous nous défendons plutôt bien, comme le barbecue ou le blues (rire).

PM: Tu es de Saint Louis ou de New York?
DA:
En fait, je vis à Saint Louis et à New York. Je fais des allers et retour en permanence entre ces deux villes.

PM: Serais-tu fier si ton fils voulait devenir guitariste?
DA:
Ha oui, mais pour le moment, il apprend à jouer du piano. Cela fait deux ans qu’il l’étudie et il ne se débrouille pas trop mal, je trouve. Il a l’air d’aimer ça. Je le vois bien qui reluque mes guitares, et il en a même une, une Télécaster! Mais l’instrument semble l’intimider encore un peu. Tu sais, quand j’ai commencé à en jouer, j’avais trouvé que c’est un instrument ingrat, qui est très difficile. Comment te dire ça… Quand tu joues sur une touche de piano, tu obtiens un son, alors qu’avec une guitare, ce n’est pas la même chose. Mais je serai fier de mon fils quoi qu’il fasse, médecin ou autre chose. Tu sais, quand on vieillit, on apprend à calmer ses rêves, jusqu’à ce que cela se résume à être heureux et en bonne santé. Et c’est ce que je désire pour mon fils. Et qu’il soit bien dans sa peau le plus longtemps possible.

PM: Quand recommencez-vous à tourner aux Etats Unis?
DA:
Nous repartons sur les routes dès le 6 novembre, et pour quatre mois, puis nous ferons une petite pause et nous reviendrons en Europe au printemps 2011.

PM: Tu as donné un concert acoustique, l’été dernier, à Saint Louis. Cela veut il dire que l’on pourrait s’attendre à un album ‘unplugged’ dans un avenir proche?
DA:
Une partie de moi aime beaucoup la guitare acoustique parce qu’elle restitue l’authenticité des morceaux, mais une autre partie de moi préfère la guitare électrique. Il ne faut jamais dire jamais mais en ce moment, c’est vrai que je me sens plus moi-même avec un instrument électrique.

PM: Tes guitares?
DA:
Je possède deux Les Paul. Derek, lui, joue de la SG mais moi j’utilise une 59 Customshop Les Paul. J’en ai même une des deux qui est dédicacée par Les Paul en personne.

PM: Quelques mots sur les deux autres membres du groupe…
DA:
Ce sont de très bons copains. J’ai commencé Honeytribe en 1999, après avoir parcouru tout Saint Louis à la recherche de bons musiciens. Et j’ai demandé aux meilleurs de la ville de me rejoindre. C’est ainsi qu’est né le groupe.

PM: Miles Davis également, était natif de Saint Louis…
DA:
Oui, tout comme Tina Turner et Chuck Berry. Beaucoup d’acteurs viennent aussi de la région. C’est un endroit où il y a beaucoup de bonne musique. Il y a du blues, mais pas seulement. Peut-être que les gens sont plus exigeants dans cette région qu’ailleurs… Et peut-être parce que c’est un carrefour entre des cultures et des musiques différentes, le point central qui relie Chicago au Sud, l’Ouest et l’Est. Saint Louis, c’est comme un microcosme de l’Amérique du Nord. J’aime aussi beaucoup New York. C’est un autre endroit où l’on peut entendre toutes sortes de musique. C’est une ville chargée d’histoire qui n’en demeure pas moins bouillonnante d’énergie. Les gens acceptent et accueillent toutes les nouveautés avec bienveillance. Cela fait vraiment du bien d’être partagé entre deux villes comme celles là, où tout n’arrête pas de bouger! Allez, tu m’excuses, Dominique, mais je dois bouger,…pour nous préparer pour le concert de ce soir.

Devon Allman’s Honeytribe