Interview Popa Chubby – Vicious Country CD – blues music

Préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer – octobre 2008

Popa Chubby (enregistré à l’état civil sous le nom de Ted Horowitz) est originaire du Bronx, à New York. Son nom de scène vient d’une expression d'argot, ‘pop a chubby’, qui veut dire ‘avoir une érection’. Un nom d’artiste qui colle bien à l’image phallique que beaucoup de guitaristes donnent au manche d’une guitare.

Musicien prolixe façon artistes des années 70 qui sortaient un LP ou deux par an, Popa Chubby aligne les albums avec talent. Quand il ne sort pas des albums de ses compositions, il sort des adaptations de grands guitaristes, comme le triple CD ‘Electric Chubbyland’, en hommage à Jimi Hendrix (chez Dixiefrog).

La force de Popa Chubby ? Chaque album est un ‘concept’ qui le rend quasi unique dans le parcours de ce guitariste au physique de déménageur et dont l’une de ses fiertés, après ses enfants et son épouse Galea, est cette Fender qu’il possède, une Fender qui n’aurait jamais été répertoriée, reconnait le fabriquant.

BM : Elle t’es venue comment, l’idée de faire cet album, Vicious Country ?
PC :
J’ai eu l’idée de faire cet album quand je suis allé dans les Studios Sun, à  Memphis. C’est un endroit magique. Il s’est passé plein de trucs là-bas et quand on y est, on y ressent encore toutes les vibrations de ceux qui ont joué là. Tu y as déjà été, aux studios Sun ?

BM : (d’intervieweur je deviens interviewé) Oui, avec des membres de l’équipe de Blues Magazine d’ailleurs. C’est vrai que c’est un endroit magique, avec, je me souviens, ce vieux micro dans le studio, un micro que Elvis Presley a utilisé.
PC :
(me coupant la parole) Alors tu as bien vu que tout ça, c’était géant. Et moi, quand j’étais là, dans ce studio, et que j’ai senti toutes ces vibrations, je savais que j’allais faire quelque chose de super. Quand tu ressens comme ça des vibrations super positives, t’es boosté, t’es poussé en avant, comme si y’avait quelque chose en toi qui te dit : Vas-y, mec, avance, et tu réussiras quelque chose de vachement bon.

BM : Tu n’as pas pu utiliser les instruments qui y sont exposés, je suppose…
PC :
On avait pensé utiliser certains instruments, ou du matériel du studio, mais ça n’a pas été possible. Dommage… Cela aurait génial de pouvoir jouer sur ces vieux instruments, et qui en ont vu passer, des musiciens.

BM : L’idée de l’album est de qui ? De toi ? De Galea ?
PC :
En fait, ma femme [NDLR : Galea] joue du country-rock et elle voulait depuis longtemps qu’on fasse un album ensemble. On a écrit des chansons ensemble, j’ai réuni des musiciens que je connaissais et hop, on a fait un super album, tu trouves pas ? (rire)

BM : Oui, bien sûr que je le trouve super (lui dis-je en sentant sa poigne me serrer l’avant-bras. Et c’est lui qui continue…)
PC :
Notre visite aux studios Sun, à Memphis était en fait la conclusion, pas le début. Le déclic, tu comprends ? Le truc qui a tout mis en place ce que l’on avait déjà composé et travaillé. C’était une sensation forte, très forte, et qui a grandi, grandi, pour arriver à ce truc, là, et que t’écoutes maintenant.

BM : Un album très différent du précédent…
PC :
(me coupe la parole) Tous mes albums sont différents. Je ne fais jamais le même style de disque. C’est comme ça.

BM : Pourtant, un ou deux…
PC :
(m’interrompant à nouveau) Non ! (silence – puis me dit avec un large sourire…) Bon, t’as peut être raison pour un ou deux, mais c’est parce qu’ils ont le même style d’instrumentation…, parce qu’il y a toujours beaucoup de guitare et une certaine forme d’agressivité. Si c’est dans ce sens là que tu le penses, alors oui, y’a peut être deux ou trois albums qui sont dans le même style, mais pas plus. OK ? (rire)

BM : OK, j’accepte l’explication et je te promets de réécouter tes disques pour bien comprendre ce que tu viens de me dire…
PC :
(rire) Et ne viens pas me dire que t’en as trouvé plus de deux dans le même style, OK ? (rire)

BM : Revenons au dernier, Vicious Country.
PC :
Je pense que c’est un album très positif pour les fans de country music… J’espère en tout cas! Et je crois aussi qu’il incitera également pas mal de gens à écouter quelque chose de différent. Tu vois, on en revient encore à ce que je disais: chaque album est différent. (rire)

BM : Puisque tu es si sûr qu’ils sont tous si différents, peux-tu me dire exactement combien tu as sorti de disques ?
PC :
P….. de question ! (rire) Je ne sais pas moi. Et puis, mec, tu sais, je ne reviens jamais en arrière, jamais…! Ca  ne sert à rien. Ce qui est fait est fait, c’est fini… Et puis quand tu commences à regarder de trop ce que tu as fait, tu te dis ‘qu’est que je suis génial’, ou ‘je suis vraiment super’ (rire), ou bien tu te dis ‘je suis un sacré crétin’ [NDLR : traduction soft des termes prononcés par Popa] Moi, je regarde toujours en avant, j’avance…  Mais je dois dire aussi que je suis fier de tous mes albums, et je suis sûr qu’à une certaine période de ma vie je pourrai écouter mes albums et me dire que j’ai bien travaillé, que ma musique vaut quelque chose, que j’ai eu une belle vie, que j’ai réussi ce que je voulais faire. Voilà, c’est ça, tu vois, être fier de ce que l’on a toujours voulu faire.

BM : Mais en faisant cela tu regarderas en arrière, n’est-ce pas ?
PC :
Non… (silence, et large sourire) Oui, t’as raison, quand je le ferai, je regarderai en arrière, mais ce sera quand je serai prêt à mourir, pas avant. Maintenant je pense à l’avenir, et mon avenir, là, c’est mon prochain album.

BM : Sans regarder en arrière, si tu devais choisir un album, un seul, ce serait lequel ?
PC :
P….. de question que tu me poses. Je ne sais pas, moi. Je ne me suis jamais posé la question comme ça.

BM : Comment te la poserais-tu, alors ?
PC :
En fait je vais te répondre, mais sans répondre à ta question. Il y a un album, oui, qui me touche, qui me concerne: c’est ‘Peace, Love & Respect’, parce que c’est un album très perso, très ‘politique’, et il fallait que je fasse cet album, même s’il ne s’est pas avéré populaire et qu’il n’a pas eu le succès que j’espérais.

BM : Pourquoi, à ton avis ?
PC :
Les gens n’étaient pas prêts pour ce genre d’album, mais moi j’avais ce besoin de le faire, et de dire ce que je ressentais et ce que je pensais. Je l’ai fait, et j’en suis fier.

BM : Es-tu fier de tout ce que tu as fait ?
PC :
Oui, même si je sais que je dois toujours m’améliorer. Il y en a qui disent que pour eux, jouer de la guitare c’est inné. Pourquoi pas… Pas chez moi. Tu sais, je suis comme un artisan, et fier d’être un artisan. J’admire les artisans, le menuisier qui travaille le bois de ses mains et qui est fier de fabriquer un meuble. Moi je suis comme ça: je veux être fier de ce que je fais, et je travaille dur, parce que c’est mon job. C’est pour moi une question d’intégrité personnelle de ne pas me satisfaire de ce que je fais et de toujours vouloir faire mieux encore, comme l’artisan. Tu sais, j’entends souvent des musiciens qui se disent satisfaits d’un à peu près, mais moi, je respecte trop mon public pour me contenter de l’à peu près.

BM : Tu es exigeant avec toi-même ?
PC :
Très… ! Oui, je suis très exigeant avec moi-même.

BM : Et tu es aussi exigeant que cela dans ta vie privée ? Vas-tu me dire aussi que tu ne regardes jamais en arrière ?
PC :
Si c’est pour avoir des regrets, alors non, je ne regarde jamais en arrière. Ou peu… (silence) Tu sais, je n’ai que très peu de regrets. En général, je suis un gars bien, mais tu sais comme moi que tout le monde peut avoir ses mauvais jours [NDLR : ‘bad days’] et oui, quelquefois je regrette de ne pas correspondre à ce que ceux qui m’aiment attendent de moi. (silence) Par exemple, j’essaye d’être un bon père, mais quelquefois je ne sais pas si je le suis,… et alors je me demande si mes enfants pensent que je suis un bon père. Mais j’essaye, en tout cas. Tu vois, je ne peux pas élever mes enfants comme j’ai été élevé. C’était une génération différente, c’est sûr, mais quand j’étais petit, à chaque fois que je faisais des bêtises, mes parents me donnaient une bonne claque… et je ne veux pas faire ça avec mes gosses. Je fais tout pour leur faire comprendre d’une autre manière que par les coups que ce qu’ils font n’est pas bien. T’as des enfants, toi ?

BM : Oui, quatre…
PC :
Alors tu vas comprendre sans problème ce que je vais te dire: être un père, mec, est le job le plus difficile qui existe! Et, ça, je le crois vraiment. Par rapport à d’autres parents, j’ai de la chance, parce que j’ai des gosses supers, et qui s’intéressent beaucoup à tout ce qui est créatif, artistique,…. et je ne peux vraiment pas les enguirlander parce qu’ils jouent des instruments de musique (rire). En plus ils ont formé un groupe de rock et c’est souvent moi qui viens leur montrer des trucs pour jouer à la guitare, à la basse ou à la batterie. Et je peux te dire que dans ces moments là, y’a rien de plus beau que la relation père-enfants! (sourire)

BM : Tu es pourtant un bourreau de travail, non ?
PC :
Oui, mais c’est très important aussi de pouvoir consacrer des moments à ses enfants. Surtout que je suis souvent en tournée, ou en studio. Et quand ce n’est pas pour mes albums c’est pour d’autre musiciens, alors quand je vois mes enfants j’essaye de leur donner tout l’amour que je peux. Et cet amour là, tu vois, c’est la clef de la relation entre parents et enfants. Du moins c’est ce que je crois. (silence) Non, j’en suis sûr! (sourire)

BM : Tu es croyant ?
PC :
Oui, je crois qu’il existe une force… Je crois en une énergie, pas à une sorte d’être.  Je crois à l’énergie, comme par exemple lorsque l’on meurt, on se fond dans quelque chose d’autre qui est mieux. C’est ce que je crois. Mais je ne crois pas à la religion ; je crois que la religion est une peste pour l’humanité. Elle provoque des disputes, des guerres. Tout ce que la religion rejette, elle le provoque. Non, moi je crois en une énergie,….une énergie, oui.

BM: Comme lorsqu’en jouant, tu donnes de l’énergie à ton audience…
PC :
Oui, tout à fait. Et le public m’en donne en retour.

BM: Même si certains de tes enfants prendront peut être la relève de leur père, comment vois-tu l’avenir de la musique ? Je pense à l’évolution due à l’Internet par exemple.
PC :
Sincèrement, je trouve que c’est très excitant ! Tu sais, je crois que si tu fais du bon boulot, tu t’en sors toujours bien. C’est comme les artisans. Un artisan qui fait du bon boulot, il aura toujours des clients. Le problème, c’est que beaucoup d’artistes et de musiciens ne font plus de la musique que pour l’argent. Ils sont comme les banquiers et les politiciens en ce moment, ils ne croient plus en rien, juste gagner plus d’argent. Mais faire de la musique, créer, ce n’est pas ça. Alors moi je refuse de rentrer dans ce système parce que je crois à l’indépendance des musiciens et je ne veux pas faire partie du cirque des banquiers qui organisent des tournées, sortent des CD très moyens pour gagner de plus en plus d’argent. Je suis un artiste indépendant, et comme un artisan, je veux faire le meilleur boulot possible. C’est sûr que les gosses de maintenant peuvent télécharger nos albums et ne pas les acheter, mais quand j’étais gamin, tu sais, il y avait toujours un copain qui achetait le LP et puis nous, derrière,  on l’enregistrait sur cassette. C’était la même chose !!! Alors le problème n’est pas internet, mais ce que proposent les artistes, et les maisons de disques. Quand tu sors un CD avec une belle pochette et que tous les morceaux sont supers, tu penses vraiment qu’un mec va être fier de n’avoir qu’une copie du CD et une couverture scannée ? Oui, ça il le fera si tu sors un disque où tu ne proposes que deux bons titres et que le reste c’est du remplissage. Là oui, je comprends que le mec veut pas se payer le CD car on se fout un peu de lui, et il ira se télécharger les deux titres qu’il aime, sans le reste. Peut être que tout ça va nettoyer un peu le marché et que ceux qui proposent une musique et des CD avec des ‘à peu près’ vont finir par dégager…(rire)

Frankie Bluesy Pfeiffer
Blues Magazine & Paris-Move

CD ‘Vicious Country’ chroniqué ici
CD disponible chez Dixiefrog, ici