Fervents défenseurs d’un héritage soul authentique, les Shaolin Temple Defenders apportent un souffle nouveau à la soul et au funk. Depuis 2004 ils se sont donnés pour mission de défendre le temple de la soul/funk façon ‘vintage’, fidèles aux sonorités et arrangements des artistes des années 60 et 70 tels les JB’s, les Meters, et bien entendu ceux du label STAX: Otis Redding, Carla Thomas, Albert King.
Leur second opus, ‘Chapter II: Gettin’ The Spirit’, sorti en février 2009, les positionne aujourd’hui comme une des références de la scène soul/funk ; un CD réalisé avec la collaboration de Eddie Roberts (The New Mastersounds) qui en a réalisé le mix à Leeds, temple de la soul made in England, avec comme invitées les divas Martha High et Dionne Charles.
Après des années de formation classique au violon, le jeune Emmanuel Guerin commence à jouer de la guitare à 14 ans. Les dix années suivantes sont un parcours initiatique entre le Rock et le Hip-Hop, l’Electro et le Blues. C’est en 2003 que Emmanuel, dit Manu, franchit le seuil du temple de la Soul music en intégrant les Shaolin Temple Defenders. Devenu le ‘Lion of Bordeaux’, il chante, écrit et compose pour les STD dans l’esprit de ses références: James Brown, Al Greene, Ray Charles, Sam Cooke, Otis Redding.
C’est ce lion rugissant que nous avons rencontré avant le concert des STD au New Morning.
BM : Pourquoi ce nom des Shaolin Temple Defenders ?
LB (‘Lion of Bordeaux’) : C’est le premier batteur du groupe qui avait eu l’idée de ce nom, inspiré par des films de Kung-Fu,…et quand le groupe a commencé à bien marcher, on a brodé toute une histoire autour de ce nom.
BM : Ce n’est donc pas l’histoire qui a fait le nom…
LB : Disons que le nom a servi de base pour notre manière de présenter le groupe et notre musique: nous sommes les défenseurs du temple de la soul et du funk comme les moines Shaolin furent les défenseurs de leur temple.
BM : Comment vous, les moines de cette soul/funk, vous êtes-vous rencontrés ? Qui est à l’origine de ce projet ?LB : A l’origine du groupe il y a eu un batteur, le même qui donna le nom des STD au groupe, un bassiste, et puis aussi le guitariste et l’organiste. Au début c’était une bande de potes qui se retrouvaient pour répéter et jouer du funk et de la soul. C’était vraiment pour le fun. Presque tous avaient également d’autres projets et c’est aussi comme cela qu’ils se sont retrouvés, parce qu’ils jouaient dans d’autres formations et qu’ils se retrouvaient pour jouer pour le fun. Moi je suis arrivé un peu après, avec Jeremy, l’actuel bassiste.
BM : Entre la formation d’origine de 2004 et celle d’aujourd’hui, le line-up a beaucoup changé ?
LB : Sur le premier disque on était une formation qui a duré à peu près deux ans, avec guitare, basse, batterie, saxo, trompette, orgue et chant, puis il y a eu un changement de batteur et de saxophoniste, et la formation telle qu’elle va jouer ce soir, au New Morning, a quelques mois maintenant.
BM : Et toi, tu es arrivé quand ?
LB : Je suis arrivé un an après que le groupe se soit formé.
BM : Parce qu’il n’y avait pas de véritable chanteur au départ…?
LB : Non. Le groupe était parti sans chant. Jusqu’au jour où ils ont commencé à en chercher un à droite, à gauche,…et il se trouve que je suis un ami d’enfance de Pierre, le guitariste, qui savait que je chantais pas mal de blues, et comme blues et soul c’est assez proche, il m’a contacté et ça s’est fait comme ça. (sourire)
BM : Ton parcours, avant d’intégrer les STD?
LB : Ma formation ? Elle est…assez variée, si on peut dire,… (sourire) puisque je viens du Metal, du Hip-Hop, du Blues,…mais surtout du Hip-Hop et du Metal.
BM : Comment as-tu basculé du Metal au Blues ?
LB : En fait, le Blues est quelque chose qui m’a toujours intéressé,… qui m’a toujours marqué, et depuis que je suis ado parce que mon père est un grand fan de musique blues. J’ai toujours été bercé à la maison dans un univers musical très blues et ça, tu vois, ça te marque, ça t’imprègne, ça pénètre en toi, même si toi, tu ne le sens pas comme ça.
BM : Et ton plongeon dans le Metal, c’était du à quoi ? Un rejet par rapport à cet univers musical dans lequel tu avais grandi ?
LB : (sourire) Oui et non. Tu sais bien que quand tu es ado tu as besoin de trucs plus…extrêmes, disons. Et puis s’il n’y avait pas eu le Blues il n’y aurait sans doute pas eu le Metal. Comme le Rock d’ailleurs. (sourire) Mon parcours est peut être atypique, mais j’ai toujours aimé les différents styles de musique,…et ça ne m’a jamais gêné de passer de l’un à l’autre. Je ne comprends pas ceux qui sont sectaires et qui disent qu’il faut se cantonner dans un style. Dans la vie il faut être ouvert, dispo et ouvert.
BM : Et la soul/funk, tu y es arrivé quand ?
LB : Il y a 5 ans, en rentrant dans le groupe, dans ce projet là. Ca s’est passé à une époque où je n’avais plus de groupe de Metal, et quand j’ai reçu ce coup de fil je me suis dit «Pourquoi pas? Vas-y! Fonce!». (sourire)
BM : Et dis moi, sincèrement, tu t’y sens bien? Tu n’as pas envie de retourner au Metal?
LB : Je ne sais pas… (silence), parce que je suis tellement passionné par la soul et le funk que je suis dedans à fond. Tu vois, je ne m’étais même pas posé la question. (silence) En me plongeant dans la soul et le funk j’ai acheté des centaines et des centaines de vinyles, et je me suis mis à fond dedans. Et puis chanter de la soul c’est beaucoup plus difficile que tu ne peux l’imaginer. Au début j’ai eu pas mal de critiques, évidemment, mais c’était normal parce qu’il fallait que je travaille encore ma voix. Et je sens ce chant tellement fort en moi que je ne me pose aucune question…., pour le moment, du moins.
BM : Et sur le plan vocal, passer du Metal à la Soul, c’était un avantage ou un inconvénient?
LB : (large sourire) Les deux! C’est un avantage parce que le Metal m’a beaucoup servi pour le coffre et la puissance vocale, mais ensuite il a fallu que je travaille beaucoup la technique particulière de la soul, avec toute cette souplesse, cette finesse vocale qui lui est propre. Et ça, il a fallu que je le travaille.
BM : Et tu as beaucoup travaillé…?
LB : Oui. J’ai bossé,…j’ai vachement bossé. J’ai pris des claques, et j’ai bossé encore et encore. Et je bosse toujours ma voix.
BM : Est-ce à dire que chanter de la soul c’est plus difficile que de chanter du rock ou du blues ?
LB : Hmmm… (silence) On ne peut pas le dire comme ça, parce que chaque style de musique demande des voix différentes. Mais il est vrai que chanter de la soul est très difficile. Surtout que la soul est plus… (silence) … je dirais plus ‘libre’ en chant, à cause de cette souplesse et de cette finesse vocale, surtout. Et c’est sur ça que j’ai énormément bossé.
BM : Et tu t’y sens à l’aise, maintenant ?
LB : Oui…! Oui…! Je me sens totalement à l’aise là dedans.
BM : Et le fait d’être passé du Metal, qui est très orienté jeunes et ados, à de la soul et du funk que vous annoncez comme du ‘vintage’…
LB : (me coupant la parole) Oui, oui,…je vois à quoi tu veux en venir…(sourire)
BM : Tu n’as pas l’impression que votre musique peut être jugée comme ‘ringarde’ par les jeunes? Disons plutôt, pour être moins négatif, ‘rétro’?
LB : C’est vrai. Y’a des critiques qui disent que notre musique est passéiste, et puis y’en a d’autres qui nous disent que c’est super, et original. Et puis je suis sûr que c’est une musique qui retrouvera un large public parce que c’est une musique qui fait bouger, qui fait chanter, qui apporte quelque chose de joyeux et de dansant. Et dans la période morose qu’on traverse, les gens préfèrent écouter quelque chose qui bouge que des chansons tristes, tu ne crois pas? (sourire) Et puis, concernant l’originalité de notre musique, il est facile de dire que l’on n’est pas original. C’est quelque chose que l’on pourrait dire pour plein de groupes de rock, et même de chanteurs français (sourire). Dire que tu n’es pas original et que ce que tu fais c’est pourri, c’est vachement facile. Ce sont des critiques très faciles à faire, tu sais. Et puis dire ça de manière si expéditive n’a aucun sens. Celui qui fait ce genre de critiques est quelqu’un de très négatif, en fait,… un mec sans intérêt. T’as de l’intérêt pour les mecs négatifs, toi ?
BM : Non, aucun. J’ai toujours préféré ceux qui voient le verre à moitié plein à ceux qui voient le verre à moitié vide.
LB : (sourire) Exactement…! Ce qu’il faut c’est analyser la démarche d’un groupe comme le nôtre. Nous, on joue dans l’esprit soul/funk des années 60/70, comme tu le disais tout à l’heure. Dans l’esprit,…Nous sommes des héritiers, et ça, on le revendique.
BM : Mais est-ce que le fait de qualifier dans votre promo votre musique de ‘vintage’ n’est pas un argument trop facilement donné aux critiques négatives?
LB : C’est vachement intéressant ce que tu dis là. Continue…
BM : Pourquoi ne parleriez-vous pas par exemple de new soul & funk? Un peu dans l’esprit de ce que Ramon Goose a fait avec Nublues…, tu comprends?
LB : (silence) Oui,… oui. (silence) C’est très intéressant ce que tu viens de dire là. Surtout par rapport à tout ce qui touche la communication. Même si on dit que nous sommes des ‘héritiers’, on ne communique pas vraiment sur ce que nous apportons, nous, dans ce soul/funk. C’est vrai qu’aux yeux de certains on a une image passéiste, mais y’a aussi tout un public qui vient nous voir pour entendre cette musique qui sonne comme celle des 60’s et 70’s. C’est aussi toute la difficulté de notre positionnement, tu vois,…mais tu as raison, il nous faudra intégrer, d’une manière ou d’une autre, ce concept de new-funk dans notre communication.
BM : Et côté compos, comment cela se passe entre vous?
LB : Ca dépend. On a plusieurs méthodes. Cédric, notre organiste, bosse plutôt à l’instinct. Il arrive avec des idées aux répètes, on les travaille, et y’a un truc qui s’fait, avec première partie, deuxième partie,… puis on enregistre pendant la répète, et de répète en répète, il revient avec des changements, et ça avance comme ça. Moi, je préfère travailler seul,…et quand j’ai une idée, j’aime aller jusqu’au bout.
BM : Et pour les paroles?
LB : C’est moi qui écris tous les textes. Maintenant on a également notre guitariste qui compose un peu, et notre bassiste aussi. En ce qui me concerne, comme je te l’ai dit, j’aime aller jusqu’au bout de ma démarche, c'est-à-dire que je travaille tout à l’ordi et quand j’arrive en studio c’est avec un morceau prêt à être joué, de ‘A’ à ‘Z’. Je l’ai d’abord envoyé bien sûr aux potes par internet, mais quand on se retrouve on le joue tel quel. Evidemment, quand y’a un détail, quelqu’un qui me dit qu’ici il jouerait bien ça au lieu de ça,… L’avantage, tu vois, c’est que lorsqu’on se retrouve, on a déjà les morceaux, on est prêt à les jouer et on n’a plus qu’à peaufiner, quand c’est nécessaire. On est ‘direct’ dans le détail. On ne passe pas des heures à faire des plans, à gratouiller un peu, à chercher ensemble comme cela se faisait avant.
BM : Et cela arrive que le groupe coince sur une de tes compos?
LB : Oui, mais très rarement. Ceci dit, le morceau n’est pas perdu. Soit je le donne à un autre groupe, soit je reprends des plans et je les intègre dans un nouveau morceau. C’est arrivé, mais c’est rare. L’avantage de bosser sur ordi c’est que tu peux toi-même, tout seul dans ton coin, déjà entendre les autres instruments, et corriger ce que tu veux, avant même de faire jouer ton morceau par les autres musiciens. C’est sûr que des gens vont te dire que ça enlève de la spontanéité par rapport à la manière dont les groupes composaient dans les années 60 et 70, mais c’est vrai aussi qu’on passe aussi beaucoup moins de temps à répéter et ça permet aux musiciens de bosser sur d’autres projets. Et ça, c’est un plus pour chacun de nous.
BM : Cela ne risque-t-il pas de fragiliser les liens entre les musiciens ?
LB : Oui et non. Cela peut les fragiliser dans le sens où on se voit, physiquement parlant, beaucoup moins qu’il y a vingt ans, mais d’un autre côté, quand on se voit pour jouer, on a un vrai plaisir à se retrouver, et à jouer vraiment. Et ça, c’est un moment très fort et qui resserre les liens entre les musiciens.
BM : Ta relation avec internet ? J’ai comme la sensation que tu n’es pas un opposant à tout ce qui est téléchargement, ou ‘échanges’…?
LB : (sourire) Tu sais, internet existe et il faut le voir en positif. C’est comme ce que tu disais tout à l’heure sur la manière dont tu vois un verre à moitié vide ou à moitié plein. Internet existe, et bon, c’est vrai qu’il y a tout ce qui touche aux copies, au piratage, aux droits,… mais faut voir aussi, et surtout, le bon côté de la chose. Si tu as des milliers et des milliers de personnes qui t’écoutent et te téléchargent sur le Net, c’est quelque part mieux que de vendre quelques dizaines de CD et rester inconnu. Internet te fait connaître de milliers de personnes et si un morceau est téléchargé plusieurs milliers de fois c’est qu’il est bon, non ? (sourire) Pour moi, tu vois, internet c’est comme un énorme moyen de promo. Un mec télécharge ton morceau, l’écoute, et s’il l’aime il ira l’acheter. Et il viendra à ton concert. (silence) Rien ni personne n’est parfait, et internet ne sera jamais parfait. Alors autant le voir sous son meilleur côté. Va savoir combien de personnes qui sont là, ce soir, au New Morning, le sont parce qu’ils nous ont découvert et entendu sur le Net… Je comprends que de grands groupes puissent râler contre les copies via internet, mais pour les petits, comme nous, internet est un outil de promo formidable, et c’est pour cela que je le vois de manière très positive…! (rire)
Sur ce, Manu, dit le ‘Lion of Bordeaux’, se lève du canapé où nous sommes assis et tout en buvant un thé (pendant que je finis ma seconde bière), commence ses vocalises. Le lion commence à rugir dans la loge qui lui sert de cage, se préparant à bondir sur la scène de la mythique salle du New Morning.