Interview d'Eric McFadden

Interview préparée et réalisée par : Frankie Bluesy Pfeiffer, Décembre 2007
Photos de concert : Frankie Bluesy Pfeiffer
Photos en extérieur : Lucky Sylvie Lesemne

Le guitar heroe de la dernière tournée de Eric Burdon a investit pour un soir le Café de la Danse pour y proposer le seul concert parisien de sa tournée de promotion de son dernier album, Let’s Die Forever….Together, un album bourré de feeling et de couleurs musicales, un album exceptionnel.

Déjà en 1996, sur Who’s Laughing Now, son premier album solo, Eric McFadden insufflait dans son blues-rock des teintes fortes et lumineuses de guitare espagnole. Ouvert à tout et en recherche constante de changement, d’évolution, il introduisait dans un album suivant, Our Revels Now Are Ended, des arrangements avec violoncelle, contrebasse et violon, confortant au travers de chacune de ses chansons une légende forgée à coups de rencontres et de jams avec Bo Diddley, Keb Mo’, Joe Strummer (les Clash), ou encore des groupes classés métal ou prog. Une légende désignée, entre autres, meilleur guitariste de l’année 2000 par le Bay area’s Zero Magazine et qualifiée par le San Francisco Bay Guardian comme "ayant quelque chose d’un dieu." Un Dieu qui seconda en 2006 un Animal pendant toute sa tournée mondiale. 

Blues Magazine : La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était l’année dernière, pendant la tournée de Eric Burdon, où tu tenais la six cordes pour l’Animal. Tes impressions après ce long périple ?
Eric McFadden : Très content, très satisfait. Il y a eu un vrai déclic entre Eric et moi, un truc très fort.

BM : Ca ne t’a pas gêné de porter le même prénom que Monsieur Burdon ?
EMF : Non… Sauf quand des techniciens gueulaient ‘Eric’ et qu’on ne savait pas trop à qui ils s’adressaient… (sourire) Sinon, c’est peut être aussi çà qui a fait que tout a bien marché entre nous…

BM : Comment était Eric Burdon avec toi ?
EMF : Super,…vraiment super. Sur scène, il me donnait du temps pour jouer, et çà, j’ai beaucoup apprécié. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire par ‘donner du temps pour jouer’, mais Eric est quelqu’un qui a beaucoup de respect pour ses musiciens et il leur laisse du temps pour jouer. Il n’est pas sur scène que pour lui, mais pour tout le groupe, et il laisse les musiciens s’exprimer. Tout le monde n’est pas comme ça…

BM : Pendant cette tournée tu as également joué avec ton propre groupe.
EMF : Oui, et c’était très excitant de pouvoir jouer certains soirs avec mon groupe tout en accompagnant Eric Burdon pendant d’autres soirées. On a tourné en Europe, puis en Australie,… on a vécu une super année ensemble.

BM : Quelle relation as-tu conservé avec Eric ?
EMF : Excellente, mais on a du mal à se joindre, à se parler. Heureusement qu’il y a des messageries…(sourire) Plus sérieusement : on a beaucoup parlé.

BM : De quoi ?
EMF : On a parlé de plein de choses, comme de faire un album ensemble,….avec des titres écrits par moi, et des reprises aussi,…comme une reprise de Jimi Hendrix, par exemple.

BM : Pour un album plus rock que blues ?
EMF : Non, pas vraiment,….je dirais plutôt blues-rock.

BM : Avec également des titres dans le style de ton dernier album, ‘Let’s Die Forever…Together’ ?
EMF : Non, je ne pense pas. Quand je joue avec Eric, on a besoin de chansons plus électriques, tu vois,…avec plus d’énergie,…des chansons qui déménagent. Mais pour le moment ma priorité est mon trio et tous  ces projets viendront plus tard, une fois que j’aurais tourné avec mon trio.

BM : Tu fais comment pour arriver à combiner tout ça ?
EMF : C’est ça qui est difficile, de pouvoir tout assumer,…et c’est pour cela aussi que certains projets, même s’ils sont très excitants, doivent attendre un peu. C’est très difficile de faire des choix, et donc des sacrifices. Tu sais, il y a des mois où je ne suis pas plus de deux jours par mois à la maison. Tu imagines ?…. (silence)

BM : Mais ce rythme de dingue, c’est pour le plaisir ou pour l’argent ?
EMF : Tout ce que je fais, je le fais pour le plaisir que j’y trouve, et jamais, tu m’entends, jamais je n’ai fait quelque chose pour l’argent. L’argent, ce n’est pas mon truc, tu vois. Je ne sais faire ce que je fais que parce que j’y trouve un réel plaisir ! Ce doit être triste, affreux, de bosser sur quelque chose qui ne te dit rien.

BM : Revenons à ton dernier album, très différent du double CD de l’année passée, ‘Dementia’, qui était furieusement rock. Pourquoi un tel changement de cap ?
EMF : Parce que je joue comme cela me vient,…en fonction de ce que je vis, de ce qui se passe autour de moi, de ce qui me touche, des trucs romantiques comme des trucs tragiques.

BM : Tragiques, justement… Dans cet album tu as écrit des chansons comme Black Holidays, Hole In My Faith, Sick Inside, et I Break Everything I Touch [Je casse tout ce que je touche]. Tu casses vraiment tout ce que tu touches ?
EMF : C’est bien que tu ais choisi cette chanson, parce qu’elle a quelque chose de spécial pour moi : un jour que j’étais avec une fille qui ne se sentait vraiment pas bien dans sa vie, elle qui m’a dit en pleurant « Je casse tout ce que je touche ! ». Entendre quelqu’un dire ça, et en pleurant, m’a profondément touché et j’ai pris ma guitare, j’ai commencé à aligner quelques notes et à chantonner ces paroles très tristes. Voilà comment est née cette chanson.

BM : Dans cet album il y a tout de même beaucoup de ‘black feelings’…
EMF : Oui, mais ils traduisent aussi une bonne partie de ce que nous vivons…. Tout n’est pas rose tous les jours.

BM : Honnêtement, ne vois-tu pas trop la vie de manière négative ?
EMF : Sans doute…(silence)…mais c’est comme cela que je la ressens. Et c’est peut être aussi pourquoi j’ai besoin de le dire dans des chansons,…pour exprimer ce que je ressens, pour le sortir de moi,…et vivre de nouvelles choses.

BM : C’est une forme de thérapie…
EMF : Exactement. Ce n’est pas le cas pour de nombreux auteurs de chansons ? (songeur)… Je pense que oui. Ecrire te permet de te libérer, te soulager, de faire partager ce que tu ressens, tes peines comme tes joies. Et toutes les chansons de l’album ne sont pas si ‘dark’ que ça, non… ?

BM : On peut donc imaginer que tu sortiras un jour un album dédié à l’amour et à la paix ?
EMF : Le jour où le monde sera amour et paix, oui, sûrement.

BM : Dans cet album tu es revenu à quelque chose de plus acoustique, avec accordéon, trompette, violon. Comment choisis-tu les instruments qui vont t’accompagner sur tes albums ?
EMF : Je ne choisis pas. Tout se passe pendant que j’écris mes chansons, tout me vient en même temps : le son, les instruments, les paroles. C’est comme un truc qui sort d’un seul coup de toi, et auquel tu ne touches plus.

BM : Et comment cela se passe-t-il pour l’enregistrement ?
EMF : C’est la même chose. Je demande aux musiciens de venir me rejoindre au studio et on joue, directement, sans véritable répétition. C’est du live en studio, tu comprends ?

BM : Tout à fait. Tu me confirmes donc que ces soli de trompette, ces arrangements avec l’accordéon ne sont pas répétés ?
EMF : Exactement, parce que je veux que l’atmosphère, le son de mon album soit comme je le veux, spontané. Et j’espère que ceux qui écoutent mes chansons le ressentent ainsi.

BM : Tu veux dire également que les musiciens qui jouent sur cet album n’ont jamais répété avant d’enregistrer ?
EMF : Non, jamais. Quand ils sont arrivés au studio, je leur ai tout d’abord chanté les chansons que je souhaitais enregistrer, puis on a joué ensemble une ou deux fois chacun des titres et on a enregistré, comme çà venait.

BM : Tu ne crains pas que tes fans soient déstabilisés par ce changement de style entre Démentia, très rock, et ce nouvel album ?
EMF : Non, parce que je l’ai déjà fait dans le passé et c’est ce que je fais aussi pendant mes concerts, comme hier soir, au Café de la Danse.

BM : Comment as-tu trouvé le public français ?
EMF : Super, vraiment super !

BM : Et cela ne te dérange pas de ne pas être encore reconnu en France comme un grand nom de la musique ?
EMF : Non, pas du tout,….du moment que les gens qui viennent me voir en concert aiment ce que je fais.

BM : As-tu déjà joué devant un public qui ne te convenait pas ?
EMF : (songeur) Oui,… aux States, dans des salles où les gens peuvent boire en même temps qu’il écoutent de la musique, et ils discutent pendant que tu joues,…comme dans de grands pubs, tu vois ? C’est nul… ! Je me demande toujours ce que viennent faire à un concert ces gens qui discutent entre eux.

BM : Tu reviens bientôt en France, je crois…
EMF : Oui, au printemps prochain, normalement,…et j’aimerais bien consacrer un peu plus de temps à tourner en Europe aussi.

BM : Pourquoi as-tu signé avec le label français Bad Reputation ? C’est à cause du nom ?
EMF : Oui,…oui,…sûrement. (sourire) Non, en fait chez Bad Reputation il y a du cœur, de l’âme, et c’est comme cela que je fonctionne, avec du cœur, et de l’âme.

BM : Ton prochain album solo sera-t-il enfin totalement blues ?
EMF : Sans doute, oui, parce que George Clinton m’a contacté et il veut que je fasse un disque cent pour cent blues.

BM : Avec uniquement des compos, ou bien aussi quelques reprises ?
EMF : Majoritairement ce seront des compos, mais il y aura aussi des reprises. Peut être même une reprise d’un chant traditionnel, comme Joep Pelt l’a fait,….et un titre de Jimi Hendrix. On discute de tout cela en ce moment avec George.

BM : Et quels seront les musiciens qui t’accompagneront pour ce projet ?
EMF : Les miens, avec Paula O'Rourke, Freddie Price, James Whiton, Pat MacDonald, Ed Ivey,…et plein d’autres amis aussi, comme Keb Mo’, avec qui j’aime beaucoup jouer du blues. J’aimerais aussi inviter Tom Waits à venir.

Blues Magazine : La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était l’année dernière, pendant la tournée de Eric Burdon, où tu tenais la six cordes pour l’Animal. Tes impressions après ce long périple ?

BM : Tu as déjà joué avec Tom Waits ?
EMF : Non, pas encore, mais je pense qu’on a plein de choses en commun et que l’on pourrait faire un truc super ensemble. On a des amis communs et qui font tout pour qu’on puisse se rencontrer et faire un album ensemble.

BM : Et cet album cent pour cent blues est pour quand ?
EMF : George Clinton n’arrête pas de me poser la même question que toi….(sourire). C’est pour…. quand j’aurai un peu de temps, entre deux tournées et l’enregistrement d’un autre album également. 

BM : Un autre album ? Que tu commences à enregistrer quand ?
EMF : (large sourire) Il est déjà à moitié enregistré… !

Un album de plus qui va venir se glisser après les 19 CD sur lesquels Eric McFadden a fait vibrer ses grattes et qui va confirmer l’immense talent de ce guitar maestro dont nous vous invitons à découvrir le fameux CD Let’s Die Forever….Together’