Interview de Pat McManus

En pleine vague hard rock des 80’s un combo irlandais composé de trois jeunes frères du clan McManus fait irruption sur la scène européenne puis américaine, les Mama's Boys. Leur musique est un mélange hyper efficace de blues et de rock renforcé par des soli de violon. Mais le succès planétaire du groupe cache un drame : Tommy, le batteur, est gravement malade et lutte avec rage contre un adversaire plus fort que lui. Après 8 albums et de très nombreuses tournées à guichets fermés, le décès de Tommy signera la fin des Mama’s Boys. Ses deux frangins, John et Pat McManus, reprennent finalement le flambeau et créent Celtus, un groupe au rock puissant et racé, intense et farouche, lumineux.

Après 4 albums et de nombreux concerts, Celtus dépose les armes et Pat McManus s’en retourne sur ses terres. C’est là que le virtuose de la six cordes a écrit son premier album solo, un excellent opus qui démontre l’énorme talent de ce Pat McManus là et qui le place au niveau du meilleur des Gary Moore, Stevie Ray Vaughan et Johnny Winter.


FP: Pat, on ne peut commencer une ITW de toi sans passer par la case départ, celle de ta famille, avant même celle des Mama’s Boys, parce que c’est tout de même grâce à tes parents que toi et deux de tes frères ont très vite plongé dans la musique, exact ?

PMM: Oui. Mon père et ma mère qui étaient eux-mêmes des musiciens ont été notre force directrice, ceux qui nous ont insufflé cette vitalité musicale. A la maison il y avait toujours plein de musiciens avec leurs instruments, dont de nombreux instruments traditionnels irlandais. C’est comme cela que très tôt j’ai commencé à jouer du ‘fiddle’ [du violon], puis vers 9 ans de la guitare acoustique.

FP: Et comment êtes-vous arrivés à vous répartir la guitare, la basse et la batterie, toi et deux de tes frères ?

PMM: Pour moi cela ne se discutait pas puisque je jouais déjà de la guitare et pour Tommy aussi puisqu’il jouait du ‘bodhran’ [NDLR: Le ‘bodhran’ est un tambour uni-membranophone d’origine celte, d’un diamètre entre 40 et 60 cm. Son nom provient du gaélique irlandais et signifie ‘sourd’, ou ‘obsédant’.] et que se mettre derrière une batterie était pour lui une progression naturelle. Pour John, par contre, qui jouait de la flûte, il a du la troquer pour une basse mais cela s’est fait tout naturellement, sans difficulté. Comme quoi, quand tu vis dans un univers musical où tu te sens bien tu peux passer sans problème d’un instrument à un autre.

FP: Seuls toi et deux de tes frères vous vous êtes décidés à monter un groupe. C’est donc la moitié de la fratrie qui n’a pas suivi…

PMM: De nous six, il n’y a eu que nous trois, Tommy, John et moi qui avions envie de monter ce groupe. Alors on l’a fait, sans se poser de question.

FP: Et le nom du groupe, Pulse ?

PMM: Sincèrement, je ne sais même pas pourquoi on a pris ce nom là, et qui l’avait trouvé. C’est venu comme ça, tout simplement. (sourire)

FP: Très rapidement vous avez changé ce nom de Pulse en Mama’s Boys. C’est le présentateur d’une émission de radio qui serait à l’origine de ce nom, les Mama’s Boys. Exact ?

PMM: Oui, c’est vrai. C’est Tony Prince, pendant une interview qu’il faisait de nous dans son émission sur Radio Luxembourg qui nous a surnommés les Mama’s Boys, et ce nom nous est resté. Et puis comme il y avait un autre groupe qui s’appelait Steel Pulse, ce changement de nom est plutôt bien tombé.

FP: Vous avez ensuite tourné avec de grands groupes comme Hawkwind, Wishbone Ash, mais sans avoir le même statut qu’eux, ou si… ?

PMM: Ho que non (sourire) ! On tournait avec ces groupes parce que cela nous permettait d’être entendus, et vus,…mais concernant les cachets on n’était pas logés à la même enseigne qu’eux. On gagnait tellement peu d’argent que l’on dormait dans des tentes et que l’on n’avait pas beaucoup à bouffer. On vivait à la dure mais on ne se plaignait pas parce que ces tournées nous permettaient tout d’abord de rencontrer de grands musiciens et ensuite de faire notre propre expérience de la scène. Fallait le vivre ainsi, de manière très positive, et on l’a fait. Ce sont des moments exceptionnels que nous avons vécus et que je n’échangerai pour rien au monde.

FP: As-tu eu l’occasion de jouer avec Andy et Laurie [NDLR : les guitaristes de Wishbone Ash]?

PMM : Non, nous n’avons jamais eu l’occasion de jouer avec eux sur scène mais c’étaient des mecs super sympas et on parlait souvent de guitares avec eux, car on avait la même passion pour les ‘Flying V’ notamment.

FP: Puis tu as rencontré Phil Lynott.

PMM: Oui, on s’est vus, on a bien sympathisé et on l’a suivi pour jouer sur le Farewell Tour. Aussi simple que cela (sourire).

FP: Et c’est à cette période que l’on t’a collé ce surnom de ‘The Professor’ ?

PMM: Ce sont des fans qui me l’ont donné, parce qu’ils me posaient toujours plein de questions sur mes guitares,…et ça m’est resté.

FP: Et tu l’es devenu aussi, maintenant, professeur.

PMM: (sourire) Oui, c’est vrai, depuis quelques années je donne des cours mais c’est surtout pour transmettre aux jeunes ce que je sais de notre musique traditionnelle irlandaise. Et cela me procure une grande satisfaction de voir des jeunes passionnés par cette musique qui est celle de l’histoire de notre pays et qui la maintiennent en vie.

FP: Mama’s Boys a pas mal tourné aux Etats-Unis, notamment avec Bon Jovi…

PMM: Oui, on était très bien accueilli aux States parce que je pense que le public américain aimait bien ce son européen que nous avions. D’ailleurs on a encore des fans de ces années-là qui continuent à nous écrire (sourire). J’ai tellement de souvenirs de cette période que je pourrais en écrire un livre. Après, nous sommes rentrés en Europe où nous avons joué au Knebworth Festival, avec Deep Purple notamment. C’était l’époque des grands festivals. Une époque qui me semble révolue maintenant…

FP: Pourquoi, à ton avis ?

PMM: Pour des questions de sécurité, je pense…

FP: La suite des Mama’s Boys est liée à la maladie de Tommy et à son état de santé qui se dégradait. C’est ce qui vous a poussé à changer le nom du groupe ?

PMM: On a abandonné le nom de Mama’s Boys pour le nom de The Government parce que l’on pensait qu’il fallait faire évoluer notre rock pour coller au mouvement grunge qui était en plein essor. Mais finalement ce ne fut pas notre truc.

FP: Le décès de Tommy a-t-il signé la fin de votre aventure commune ?

PMM: Après le décès de Tommy, et pendant un bon moment, on s’est dit qu’il ne pouvait pas y avoir de suite, que nous ne pouvions jouer qu’en étant tous les trois. Et puis un jour John et moi on s’est dit que la meilleure manière d’honorer la mémoire de Tommy était de continuer, parce que c’était aussi ce qu’il aurait voulu. (silence) Tu sais, je suis croyant et je suis persuadé que son esprit est ici, avec nous, tout le temps.

FP: Quand je vous ai vu jouer à Londres, en 89, Tommy ne donnait absolument pas l’impression d’être malade,…et de souffrir. Comment faisait-il…?

PMM: Pour Tommy, être sur scène et jouer de la batterie était une chance, ‘la’ chance de se battre contre les frustrations qui l’envahissaient car il était très malade. La musique lui faisait oublier ses souffrances, le soulageait, lui donnait toutes les raisons pour se battre et vivre la vie le plus intensément possible. Et il donnait tout pour le groupe.

FP: Un groupe que John et toi avez ensuite reformé sous le nom de Celtus.

PMM: On a créé Celtus en 96 parce qu’on ne pouvait plus jouer sous le nom des Mama’s Boys sans Tommy.

FP: Et l’un des tous premiers titres que vous avez joués, ‘Brother’s Lament’, est d’ailleurs un hommage à Tommy.

PMM: Oui, c’est une chanson écrite par John en hommage à notre frère, et c’est même cette chanson-là qui nous a poussés dans la direction de Celtus. Tout est parti de ce titre là, comme si Tommy était encore avec nous.

FP: Pourquoi avoir arrêté Celtus ?

PMM : Pour tout un tas de raisons, dont notamment une forte envie que j’avais de me consacrer à ma femme, Sallie, et à ma fille, Shannon,…et puis aussi une sorte de retour aux sources: revenir à mes racines, à ce qui m’avait amené à jouer de la musique. J’ai enseigné, un peu, et puis j’ai joué dans plusieurs groupes, dont Hidden Fermanagh et Indian, groupe dans lequel j’ai rencontré Martin Harte avec qui j’ai plaisir à écrire des chansons.

FP: Et pourquoi un album solo ?

PMM: Et pourquoi pas ? (rire)

FP: Que penses-tu de ta voix ? Tu n’avais jamais été vraiment chanteur auparavant…

PMM: Non, mais je faisais les chœurs, et c’était déjà pas si mal… (sourire). Ceci dit, pour répondre à ta question, je sais qu’en la travaillant une voix s’améliore et je pense que c’est mon cas.

FP: Et où trouves-tu ton inspiration pour écrire tes chansons ?

PMM: De l’intérieur, de tout ce qui m’entoure, de ce que j’aime. Je compose surtout à la guitare mais il m’arrive aussi de composer au ‘fiddle’ et au piano.

FP: Sur ton album il y a un titre qui va, j’en suis sûr, devenir un hit comme le fameux ‘Parisienne Walkways’ de Gary Moore: c’est ‘Same Old Story’. Il s’en dégage une puissance, une émotion musicale qui fait frissonner. C’est quoi la recette d’un tel hit ?

PMM: Peut être parce que c’est une chanson très simple. C’est une chanson sur moi, ma femme, ma vie, tout simplement. J’aime ce que fais Gary Moore et c’est un super guitariste. Un de mes préférés.

FP: Et tu n’as jamais eu l’idée de faire quelque chose avec lui et d’autres musiciens irlandais? Un ‘Tribute to Rory’, par exemple,….ou bien un album en hommage à Tommy.

PMM: (silencieux et songeur) Pourquoi pas… Peut être, dans un futur proche.

FP: Merci, Pat, pour le temps que tu as bien voulu me consacrer, en espérant que le public français aura le grand plaisir de te voir sur scène en 2009.

PMM: Merci à toi aussi, et à bientôt, j’espère !

Interview préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer
Photos : © Pat McManus

Frankie Bluesy Pfeiffer
Blues Magazine & Paris-Move

Pat McManus sur la Toile :

Site officiel: www.patmcmanus.co.uk/
MySpace: http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=83067334
Site de Indian: www.indiantheband.com/
MySpace de Indian: www.myspace.com/indiantheband