Interview croisée sur l’album “Fly Fly”

Céline Bonacina – Fly Fly

Interview croisée de Céline BONACINA, Chris JENNINGS, Pierre DURAND et NGUYEN LE au sujet de l’album “Fly Fly” et quelques jours avant leur concert du 21 Novembre 2019 au Studio de l’Ermitage.
Un concert “sélection PARIS-MOVE” !!!
Pensez à réserver !!!
Billetterie en ligne ICI
Adresse: Studio de l’Ermitage
8 rue de l’Ermitage
75020 Paris

ITWs préparées et réalisées par Thierry Docmac (Bayou Blue Radio – Paris-Move)
Photos des musiciens présentées dans l’ITW: © Thierry Docmac
Photo de Céline BONACINA sur l’affiche: © Nathalie Courau-Roudier
PARIS-MOVE, Novembre 16th 2019

Nous vous avions parlé de l’album “Fly Fly”, de Céline Bonacina, qui vient de paraître chez Cristal Records et dont vous pouvez relire la chronique publiée sur Paris-Move, ICI
“Fly Fly”, un projet vif et passionnant qui nous a donné envie d’interviewer toute l’équipe… Les uns et les autres ont eu la gentillesse de jouer le jeu, et nous vous proposons donc avec cette ITW croisée un voyage entre amis dans l’univers de “Fly Fly”.

Céline Bonacina

Thierry Docmac (Bayou Blue Radio – Paris-Move): Éliminons déjà ce lourd suspens, Fly Fly c’est quoi?

Céline Bonacina: Fly Fly fait pour moi référence à plusieurs symboliques: il y a effectivement l’idée du voyage, des voyages ou du partage d’impressions relatives à des lieux dans lesquels nous avons séjourné… Mais Fly Fly s’associe aussi à la notion de mouvement, au fait de prendre son envol, ou d’un point de vue plus “intérieur”, prendre de la hauteur…

Pour toi, cette collaboration d’écriture avec Chris Jennings représente quoi?

Chris est un précieux partenaire de jeu et ami depuis plusieurs années. Notre complicité s’est tissée depuis environ 5 ans, lors de la phase de création du précédent projet Crystal Quartet.
Le fait de co-écrire cet album aujourd’hui s’est réalisé en plusieurs phases: nous avions été sollicités pour une résidence d’artiste au théâtre du Petit Duc à Aix-en-Provence en octobre 2017 et nous avions alors mis en commun quelques-unes de nos compositions. J’ai trouvé que le mélange de nos styles fonctionnait, tout en apportant une touche différente à mon univers. Avec le projet d’enregistrer, j’ai proposé à Chris de graver de ses compositions pour la plupart déjà existantes, mais remaniées pour ce groupe. C’est aussi une étape de plus vers davantage de partage et de confiance.

Quelle est la raison du choix des artistes sur cet album?

Ma réponse à la précédente question répond en partie à celle-ci: en effet, c’est lors de cette résidence au Petit Duc que j’ai également fait la connaissance de Jean-Luc di Fraya qui m’avait été présenté par Gérard Dahan et Myriam Daups, du Petit Duc, pour construire ce projet. Cette collaboration initiale en trio avec Chris et Jean-Luc ayant été un beau succès à ce moment-là, l’envie d’inviter un musicien de plus dans le cadre de l’enregistrement de l’album m’est apparue tout naturellement. C’est aussi l’occasion de pouvoir proposer cette formule en trio + invité pour les concerts.

Quelques anecdotes de studio?

Je peux juste témoigner une fois de plus que le studio est un moment vraiment très particulier, à la fois par moment anxiogène, mais surtout générateur d’une excitation et d’une joie qui nous ont souvent transportés dans des explorations non prévues à présent gravées sur la galette jusqu’à la nuit des temps!

Chris Jennings

“Fly Fly” c’est un travail d’écriture entre Céline et toi, comment c’est déroulé cette collaboration?

Céline est venue me voir avec l’idée de son projet en trio et aussi que je contribue au répertoire. J’étais ravi à l’idée. Nous jouons ensemble depuis quelques années maintenant et j’aime beaucoup jouer dans de petites formations comme en trio. Avec cette polyvalence du trio et les différentes directions musicales, j’étais très motivé et je pense que nous avons réalisé quelque chose d’assez unique.

Présent pour la deuxième fois sur un projet de Céline, sur ce nouvel album il est parfois difficile de savoir qui a écrit tel ou tel titre si on ne regarde pas la pochette, comme expliques-tu ça?

De mon côté, beaucoup de mes compositions, même si elles sont composées avec un autre musicien, instrument ou esprit en tête, j’aime bien composer de telle sorte que la composition reste un vaisseau, une source d’énergie et l’expression musicale des musiciens qui jouent. Je considère qu’une composition est un succès quand elle prend forme et une influence naturelle de l’esprit musical du musicien, par opposition à quand je sens qu’un musicien doit forcer ou adapter son jeu pour jouer ma composition. Pourtant, l’ironie peut-être est que je me considère moi et mon rôle de contrebassiste, en jouant la musique de Céline par exemple, à devoir m’adapter et servir la musique et les musiciens avec lesquels je joue. Et je crois que lorsque je le fais avec du succès, ce qui n’est pas toujours facile, nous entendons une musique qui est sincère. C’est ça que je cherche. Donc, une longue réponse à la question de savoir pourquoi il est parfois difficile de faire la différence entre nos compositions.

Au fait, Fly Fly, c’est quoi pour toi?

L’explication est à la fois simple et compliquée. Les maîtres avec lesquels j’ai étudié ont souvent utilisé le mot “Fly” ou “Moving Air” (bouger l’air) pour décrire le moment quand on est au-delà des notes, des rythmes, de l’harmonie, etc. C’est plutôt une “vibe”, un esprit du moment musical.
La version longue est la suivante: il y a 2 ans, Joachim Kuhn m’a demandé d’écrire une morceau pour notre deuxième album avec son trio dont je fais partie. J’ai proposé 2 chansons “Fly Fly to the Sky” (piste 13 sur l’album de Céline) que j’ai laborieusement composé pour tenter de capturer l’incroyable esprit musical dans lequel il m’a si généreusement invité. Finalement, nous avons à peine joué la mélodie une fois, et il m’a dit que c’était trop semblable au reste de notre répertoire. Il est tout de suite passé à la deuxième chanson que j’ai apportée et qui était dédiée à El Gusto, le célèbre orchestre Algérien Chaabi dans lequel je suis. J’étais tellement déçu parce que j’avais rêvé de jouer “Fly Fly to the Sky” dans le trio de Joachim Kuhn. Et pourtant c’était un compliment caché parce que le morceau capturait trop l’esprit de son trio et qu’il cherchait délibérément à ce que j’apporte quelque chose de nouveau qui n’avait rien à voir avec le trio! Avec le trio de Céline, c’est peut-être parce que le titre de l’album embrasse un esprit musical que nous essayons toujours d’atteindre!

Pierre Durand

Comment as-tu abordé ta collaboration sur l’album Fly Fly?

Avec enthousiasme et curiosité! Les morceaux de l’album donnaient une place à la guitare interessante en tant que coloriste avec différents moods selon les morceaux: nappes d’accords sur certains titres, jeu rythmique sur d’autres, contrechants ailleurs. La guitare pouvait dialoguer avec tous les instruments du groupe selon les compositions: avec la contrebasse, avec la batterie, et bien sûr avec les saxophones de Céline.

Qu’as tu apprécié dans la composition de ce groupe d’artistes qui collaborent sur cet album?

La diversité des couleurs et des ambiances. Le lyrisme toujours présent. Le caractère très présent de chacun des musiciens qui composent ce groupe: Céline avec son jeu rythmique et son sens de la mélodie, de même que sa superbe manière de jouer du sax baryton, Jean-Luc avec son dynamisme, sa force de caractère toujours bienveillante et sa voix unique, Chris avec son assurance tranquille, sa belle et grande diversité de mode de jeu. Tout cela s’entend et est respecté dans ce groupe et cet album.

Pour toi, Fly Fly, représente quoi?

Une rencontre musicale des compositions de Céline et de Chris. Ils proposent grâce à cela un prisme large et un attachement à la mélodie conjuguée à une dynamique liée au rythme. Fly Fly, ce sont enfin de formidables musiciens avec qui jouer!

Nguyên Lê

Comment as tu abordé la réalisation de l’album “Fly Fly”?

Avec passion, car il s’agit du dernier album de mon amie de longue date, Céline, et dévouement, car comme avec tous les disques que je mixe le plus important c’est que l’artiste soit heureux. Ce mixage a eu lieu lors de périodes très chargées de mon planning, entre une tournée au Brésil et une autre en Argentine, pour se finir entre une semaine à Berlin avec mon spectacle cirque/danse Overseas et une autre tournée en Malaisie. Je suis passionné et dévoué mais je suis lent… Je fais d’habitude 2 “tours” de mix : lorsque j’ai fini le 1er tour – cad lorsque j’ai fini de mixer une 1ere fois le dernier morceau, j’ai appris tellement de choses sur le sens de chaque morceau, le jeu de chaque musicien, la manière dont il a été enregistré, les traitements à faire sur chaque instrument, que je dois recommencer un 2eme tour pour appliquer ces nouveaux enseignements. J’ai perdu beaucoup de temps à corriger des problèmes de phase sur les différentes pistes du sax. Mais je suis très content du résultat final, je pense que chaque instrument possède sa propre et forte identité tout en étant équilibré dans le panorama global. On entend chaque musicien avec une clarté et une puissance presque surnaturelle, c’est ainsi que je conçois le son d’un disque en fait: c’est n’est pas seulement l’instantané sonore de musiciens qui jouent ensemble, c’est comme une planète de sons, de pensées et d’émotions de musiciens et de compositeurs qu’il faut révéler et magnifier. C’est encore plus beau que la réalité!

Que retires tu de cette longue complicité artistique avec Céline?

Bien sûr que depuis Way of Life (2010), puis Open Heart (2013), on se connaît très bien. J’anticipe ses pensées. Avant qu’elle ne formule son souhait, celui ci est déjà exaucé! Si elle me confie le poste de mixeur, c’est aussi qu’elle sait que je me permettrai des initiatives créatrices qui pourront être bienvenues sans qu’elles les aient nécessairement formulées. Par exemple j’ai senti, à l’écoute de la globalité des morceaux, qu’une identité sonore particulière à l’album pouvait se créer à partir de reverbes assez longues et de délais longs. C’est un effet qu’elle aime bien sur scène. Je l’ai mis en valeur et “en scène” dans le mix. Comme nous sommes en confiance, je l’ai aussi beaucoup poussée à ce qu’elle chante elle même certaines parties mélodiques à la place de Jean Luc. Toujours pour renforcer l’identité sonore, accentuer la touche féminine et pour être en simple adéquation avec ses exigences de phrasé et d’expression.

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Alors, maintenant, êtes-vous Fly Fly, vous qui venez de lire cet interview?

ITWs préparées et réalisées par Thierry Docmac (Bayou Blue Radio – Paris-Move)
Photos des musiciens présentées dans l’ITW: © Thierry Docmac
Photo de Céline BONACINA sur l’affiche: © Nathalie Courau-Roudier
PARIS-MOVE, Novembre 16th 2019