DOSSIER SPECIAL HENDRIX 3/3 – Red House

DOSSIER SPECIAL HENDRIX 1/3 – Portrait
DOSSIER SPECIAL HENDRIX 2/3 – Hendrix avait-il le Blues?

Vous avez votre ampli à lampes Marshall 100 W, 3 corps, votre vieille Fender made in USA et votre pédale wha-wha Cry baby (tout un programme…). Vous avez réussi à dénicher aux puces de St-Ouen une bonne grosse Big Muff Electroharmonix, vous branchez le tout, mettez les potars à fond et vous vous éclatez sur ce blues en C bien lourd, bien gras, mais…, mais çà ne sonne pas du tout comme Jimi. 

Que se passe t-il ? Qu’est ce que vous auriez oublié ? Pour parfaire la chose, vous aviez pourtant mis un bandeau dans les cheveux, piqué le pantalon psychédélique de votre sœur et mis vos plus grosses bagouzes,…mais çà ne le fait toujours pas. C’est même très loin de ce que vous espériez. Alors, écœuré, désespéré, vous jetez le tout sur votre lit et allez écouter pour la 450ème fois Red House à donf dans votre salon.

Ce qui s’est passé est pourtant très simple, limpide ; tout le monde le sait, mais nombreux sont ceux qui s’y s’ont fait prendre : le matériel, c’est bien, mais si l’on n’a rien à dire, ce n’est que du matériel. Jimi Hendrix, lui, avait beaucoup à dire : même avec un triangle et une paire de castagnettes, il aurait certainement réussi à nous faire passer un message, son message. Car s’il y a bien un guitariste qui symbolise au plus haut point l’union fusionnelle entre le musicien et son instrument, c’est bien lui !

Jimi Hendrix était un formidable guitariste, totalement maître de son instrument et très en avance sur son époque. C’était tout d’abord un très grand bluesman : tout son jeu était profondément ancré dans la tradition du blues et il est évident qu’il a beaucoup écouté ses pairs avant de suivre sa propre route. Mais Jimi Hendrix ne s’est pas contenté de répéter et répéter encore les mêmes tournures, il a su projeter son blues dans le futur, inventer de nouvelles phrases, de nouvelles sonorités, marquant de son empreinte indélébile toutes les générations suivantes de guitaristes.

En tant que guitariste, je ne comprends même pas que l’on puisse poser la question de savoir si Hendrix était un bluesman ou pas. Pour moi, indiscutablement, il l’était, et même l’un des meilleurs. Et ce n’est pas tout son ‘cinéma’ sur scène qui pourrait nous le faire oublier ; ce jeu scénique qui l’a popularisé auprès du jeune public plus rock que blues l’a peut être décrédibilisé chez les puristes des douze mesures, effrayés autant par ce son énorme, le larsen et la distorsion que par l’aspect psychédélique et sulfureux du personnage. T-Bone Walker pouvait jouer de la guitare dans le dos et Earl Hooker en jouer avec ses dents, mais ces deux là n’avaient pas ce look de hippie et leurs guitares ne crachaient pas leurs notes avec autant de bruit et de fureur, alors…

La contribution de Jimi Hendrix est un véritable langage pour les musiciens de son époque : distorsion énorme mais contrôlée, effets de larsen, wha-wha, et toute la panoplie du guitariste de blues avec ses notes tirées, triturées, bendées, agressives, fulgurantes,…tout cela pour colorer cette éternelle musique qu’est le blues de lumières magiques. Jimi, qui était un autodidacte, jouait de la guitare en toute liberté, complètement détaché des contraintes techniques ; il faisait corps avec son instrument, était en fusion avec lui, les deux ne faisant plus qu’un.

Toutes ces sonorités nouvelles n’ont, évidemment, pas laissé indifférent nombre de grands musiciens toujours à l’écoute, comme Miles Davis ou John Mc Laughlin, et ont profondément marqué des générations entières de guitaristes : Larry Coryell, John Scofield, Nguyen Lé, John Abercrombie,…

Un conseil : écoutez et réécoutez Red House. C’est 3’41 de bonheur, de pur bonheur. Il n’y a rien à rajouter, car tout est dit dans ce concentré d’émotion, de feeling,…et sans doute le plus grand morceau de blues électrique.

Mais comme ce morceau n’est pas bien long, et que vous en redemandez, alors je vous conseille de continuer par Voodoo Chile (album Electric Ladyland) et Bleeding Heart (album Blues). Et si, après cela, vous n’êtes pas convaincu que Jimi Hendrix est un immense guitariste de Blues, alors je ne peux plus rien faire pour vous.

par François Quinsac
Blues Magazine©

Jimi Hendrix