Alexx & The Mooonshiners en ITW
ITW préparée et réalisée par Dominique Boulay & Frankie Bluesy Pfeiffer
Assistés par Anne-Marie Calendini
Photos : © Frankie Bluesy Pfeiffer
C’est à l’occasion de la sortie de leur nouvelle album, un ‘Live!’, que nous avons rencontré Alexx et sa bande. Pour voir et savoir si effectivement la Miss est aussi s’couée hors de scène que sur scène, et comment fonctionne cette étonnante mécanique que sont les Mooonshiners. Une mécanique qui tourne à donf et qui voit son line up se modifier assez souvent côté batterie. Un sujet balayé d’entrée.
PM : Qui est dans le groupe, aujourd’hui?
Alexx : Moi, Alexx, la chanteuse, et aussi Lionel à la guitare et David à la basse. En ce moment, notre batteur s'appelle Rodolphe car Aurélie nous a quittés. C’est elle qui est sur le disque, mais elle est partie depuis.
PM : N’est-ce pas un peu gênant, ça, pour un groupe, de changer (souvent) de batteur? C’est du à quoi? Votre caractère…?
Alexx : Pour plein de raisons complètement différentes les unes des autres et que je ne pourrais pas toutes te citer ici, tellement il y en a…! Ce n’est pas une question de compatibilité de caractères puisque nous sommes restés en bons termes avec tous nos batteurs, ce qui rend d’ailleurs les choses assez simples pour les remplacements!
Lionel : Ceci dit, faut pas exagérer non plus, car on n’en est finalement qu’à notre troisième batteur.
PM : Qu'est-ce qui vous a réuni, tous les trois?
Alexx : En fait, on s'est rencontré un peu par hasard. Lionel voulait former un groupe électrique et il a contacté pour cela une personne sur le net, qui l'a branché sur moi, car je jouais sur une scène ouverte dans le 77. Et sans doute que cette personne devait m’apprécier pour qu’elle me recommande à Lionel. On s'est donc rencontrés puis nous avons cherché un bassiste et trouvé David grâce à un site de petites annonces de musique en ligne.
Lionel : Avant Alexx, je jouais dans un duo acoustique avec lequel j’ai pas mal tourné. C’est après que j'ai monté le groupe électrique avec Alexx, David et à l'époque Alexandre, le premier batteur des Mooons.
PM : Vous avez sorti deux ou trois albums…?
Alexx : Deux, plus un album démo. Le premier est sorti en 2009 et était entièrement autoproduit. On avait bénéficié de la collaboration de Marc Tee., un belge complètement fou…! (rires)
PM : Avez-vous toujours été dans le blues, tous les trois?
Lionel : Moi, oui .
Alexx : Moi, pas du tout… ! J’étais plutôt rock, au sens très large du terme. Donc forcément, il y avait des influences blues, même si c'était de façon involontaire. Mais c’est vrai que ce n’est pas une musique que j'écoutais spontanément, à cette époque.
David : Et moi non plus. Je viens plus du jazz, du jazz-rock, quelque chose de plus funk. Avant de rencontrer Lionel, je n'étais pas du tout dans le trip blues.
Lionel : En fait, je ne recherchais pas des gens qui venaient du blues car je n'avais pas envie de monter un énième groupe de blues classique. Je voulais que les personnes avec qui j'allais jouer apportent leur propre patte, même s’il est indéniable que notre musique reste très influencée par ce genre musical. Le substrat reste le blues.
PM : Alexx, comment une chanteuse qui était dans le rock peut-elle basculer dans le blues…?
Alexx : Je pense que les deux styles sont très étroitement liés. Par exemple j’aime Led Zeppelin, pas spécialement pour leur côté blues, mais c’est grâce à ce style qu’ils sont ce qu’ils sont. Et puis je pense que même si je chante le blues, je garde mon côté rock, que ce soit vocalement ou scéniquement.
PM : Sur votre nouvel album, le ‘live’, il n'y a que quatre compositions originales du groupe sur les huit morceaux alignés sur le CD. Pourquoi?
Alexx : Quand on a choisi les morceaux pour l’album, on n’avait pas énormément d'enregistrements de nos propres compos disponibles sur les bandes des concerts. Ensuite, on a fait un choix sans se soucier de savoir si c'était des compos ou pas. Et puis les reprises que nous faisons sont tellement éloignées des versions originales que l’on ne s’est même pas posé la question!
PM : Et l’album commence par une reprise d'AC/DC, ‘Whole Lotta Rosie’. Peut-on dire qu’il est représentatif de ce que vous faîtes…?
Alexx : C'est vrai que ce morceau est assez représentatif de ce que l’on fait. Et comme il nous représente bien, on aime attaquer les concerts avec ce titre. C'est l’un des tous premiers morceaux que l'on a joué et c’est presque devenu un rituel, on le joue à chaque fois. C'est une reprise qui est réarrangée à notre propre sauce musicale parce que comme je n'ai pas la voix de Bon Scott, il a fallu se réapproprier le titre en y distillant des choses qui nous ressemblent.
PM : Il y a aussi une reprise de Vince Taylor, ‘Brand New Cadillac’, avec laquelle on remonte beaucoup plus loin dans l'histoire du rock…
Alexx : En fait, pour cette chanson, on est parti de la reprise qu'avaient faite les Clash. Et du coup, notre version n’est liée qu’indirectement à Vince Taylor.
Lionel : On voulait partir d'un morceau bien rock et en faire un shuffle rapide, et tu vois ce que cela a donné.
PM : Et les autres reprises…
Alexx : Hé bien, nous avons repris ‘True love’ et ‘He’s Tuff’, deux chansons des Fabulous Thunderbirds, et qui n’ont pas trop bougé par rapport aux originales.
PM : Ceci dit, huit titres, c’est un peu juste, non? Z’aviez rien d’autre de bon à proposer…?
Alexx : Si, plein! Si tu as un PC (même vieux), une webcam, que tu télécharges le logiciel disponible sur le site des MoOons et que tu suis les indications du CD, tu pourras accéder à une expérience de réalité augmentée (tous les détails sur www.mooonshiners.com) qui te permettra également d’écouter des morceaux inédits des Mooonshiners, dont le côté acoustique de la force. Ceci étant, le choix des 8 titres est volontaire: nous avions pour projet de sortir un vinyle au départ, et nos albums préférés sont courts, mais efficaces et ‘rentre dedans’…!
PM : Comment avez-vous rencontré Dixiefrog?
Alexx : Depuis le début, on leur envoie tout ce que l'on fait, et je pense que depuis le début, cela leur plait. Et c’est un vrai plaisir de travailler avec eux, même s’ils n’avaient pas pu nous prendre pour le premier disque.
Lionel : Philippe Langlois, c’est un mooons (rires)…!
PM : Un plaisir qui fait que vous vous retrouvez dos à dos sur la pochette. Z’êtes fâchés…?
Alexx : On se pète dessus, en fait. C’est le message de la pochette (rires).
Lionel : C’est vrai que c’est arrivé plus d’une fois (rires)…!
PM : De vous deux, Lionel et Alexx, qui est le leader du groupe? Est-ce qu’il y en a un, en fait?
Alexx : C’est mon cul, le leader!
David : C’est moi le chef du groupe, que ce soit clair!
Lionel : Il n'y a pas de fonctionnement en ‘leader’. Il y a plutôt une espèce de fil conducteur qui fait cet office. On a un fonctionnement de groupe et le son change en fonction des nouveaux arrivants. On opère le mélange pour qu'il ressemble aux quatre Mooons tout en suivant le fil. Le son avait beaucoup changé à l'arrivée d'Aurélie, et il change de nouveau aujourd'hui beaucoup avec l'arrivée de Rodolphe, et il changera de nouveau beaucoup à l'arrivée du prochain Mooons. Le troisième album des Mooonshiners sera donc fatalement très différent des deux premiers.
PM : Vous n’êtes pas des artistes professionnels…
Alexx : Non, je suis prof d'anglais dans un lycée.
Lionel : Moi aussi, je suis aussi enseignant en lycée.
David : Et moi, je suis webmaster.
PM : Comment faites-vous pour concilier vie artistique et vie professionnelle?
Alexx : C'est une question d'organisation, mais l’on prend aussi pas mal sur notre temps de sommeil (rires)…!
Lionel : Il y a aussi la vie familiale à caser, dans tout cela…
PM : Mais n’aspirez-vous pas quand même un jour à être des musiciens professionnels?
Alexx : Je ne sais pas, car ce n’est vraiment pas évident quand on ne veut vivre que de sa musique.
Lionel : Tu sais, on voit beaucoup de copains qui ont franchi le pas et qui, au final, ont des tas de contraintes que nous n'avons pas. On a même parfois l'impression que certains montent sur scène comme s’ils allaient à l'usine, accepte des plans qui les emmerdent, sans vrai plaisir. J’exagère peut-être un peu, mais il y a quand même de cela. Nous, en ce qui nous concerne, nous prenons toujours du plaisir à nous produire en concert et nous ne connaissons pas le stress provoqué par la nécessité de ‘la marmite à faire bouillir’ car on notre job à côté de la musique. Ce qui est, je crois, un luxe. Et puis comme on n'a pas besoin de courir à tout prix après le cachet, on n'est pas non plus obligé d'accepter n’importe quelle date, ni de faire toutes les concessions possibles. On a le plaisir de jouer et la liberté de choisir où et quand on veut jouer.
PM : Dit d’une autre manière, vous êtes indépendants…
Alexx : Oui, totalement, et ça, vois-tu, cela n’a pas de prix! Nous n’avons pas envie de nous retrouver un jour à chanter et jouer dans n'importe quelles conditions. Chez les skinheads ou à un balloche, non merci! Ce n’est pas ma tasse de thé.
PM : Quelles sont vos références musicales?
Alexx : Pour moi, c'est extrêmement large. J'écoute aussi bien les groupes anglais des années 60 que les groupes psychédéliques américains des années 70, comme aussi ce qui se fait maintenant. Plus jeune, j'écoutais beaucoup de Heavy Metal et du Hard Rock des années 80. Ce qui m'a surtout influencé, c'est tout ce qui s'est fait des années 60 aux années 90. Actuellement, je suis moins touchée par ce qui se fait, mais mes influences restent très larges et j'aime découvrir de nouvelles choses.
Lionel : Moi, je suis venu à la musique par AC/DC et tous ces trucs là. J’ai été un grand fan de Van Halen! Et le blues est venu plus tard. Et plus les années passaient, plus j'allais vers le blues traditionnel. Tu sais, les vieux blacks dans leur campagne, et tous ces vieux machins qui sentaient bien la poussière! Et puis ça m'a un peu passé et je suis revenu vers des trucs qui braillent un peu plus et où il y a du mélange. Ce que j’aime bien, par contre, c’est quand dans le blues il y a d'autres trucs qui n’ont a priori rien à y faire. Comme avec Hendrix, par exemple, qui a mis un bon coup de pied dans le blues et en a sorti un truc énorme!
David : Comme je te le disais, moi, je viens du milieu jazz-rock et c'est essentiellement ce que j'écoutais alors, comme Miles Davis ou Chick Corea qui ont bercé mon enfance et mon adolescence. Mais depuis quelque temps j'écoute beaucoup plus de Rock.
PM : Tes bassistes de référence, David?
David : Jaco Pastorius et John Paul Jones qui, pour moi, sont les 2 légendes de la basse électrique, et mention spéciale pour sir Pino Palladino (john mayer).
PM : Et toi, Lionel, avec qui tu aimerais jouer?
Lionel : Tous…! (rires) Tu sais que l’on a joué avec beaucoup de batteurs différents, faute d'en trouver un pour le groupe, notamment depuis le départ d'Aurélie, et en fait, tu t'aperçois que c'est génial de jouer avec des musiciens différents. Parfois tu joues avec des musiciens dont tu adores le jeu et puis rien de particulier ne se passe tandis qu’avec d’autres, et tu ne sais pas pourquoi, il y a une vraie magie qui opère.
PM : Et toi, Alexx?
Alexx : Tu vas rire, mais je n'écoute pas trop de chanteuses. Je peux te citer Janis Joplin, mais ce n'est pas ma chanteuse préférée. Si je devais citer un nom ce serait celui de Grace Slick, la chanteuse du Jefferson Airplane. Alors quand on me dit que ma voix fait penser à Janis Joplin, le compliment est hyper flatteur, vu la référence, mais moi, objectivement, je ne le trouve pas, et puis
PM : Lionel, n’as-tu pas le sentiment qu’aux Etats-Unis les mecs naissent avec une guitare dans les mains…?
Lionel : Oui, c’est vrai, car quand ils jouent, ça sonne tout de suite. Mais il faut dire que c'est vraiment culturel, là-bas. C'est quand même le pays du blues, du rock et de la country. C'est vrai qu'en France, ceux qui veulent faire des trucs très américains, ce n’est pas toujours ça, et ça peut très vite devenir franchouillard. D'ailleurs pour s'en convaincre, il faut aller dans les festivals country! C'est énorme! Au début, on acceptait toutes les dates où l’on était pris et il nous est donc arrivé de jouer dans des festivals country où tu te retrouvais à jouer juste après le sosie de J, D ou E (rires)…!
PM : Quel rapport entretenez-vous avec Internet?
Alexx : Au niveau démarchage et communication, c'est un outil formidable. Maintenant, c'est sûr que ça concurrence sévèrement le marché du disque, et beaucoup de gens ne cessent de dire que le disque est voué à disparaître. Cela paraît inéluctable car avec internet, ton rapport à la musique change. Tu peux balayer des décennies de musique en quelques clics, élargir ton champs d'écoute, choisir ce que tu veux écouter sans avoir à passer du temps pour aller chercher un CD dans un magasin, s’il y est, sinon faut commander. Grâce à You Tube, j'ai découvert des groupes que je n'aurais probablement jamais écoutés. Au niveau culturel, Internet est quelque chose de vraiment énorme, et cela ne concerne pas que la musique, d'ailleurs.
PM : Mais tu vois qu’il y a un certain retour au vinyle. Tu ne crois pas que finalement les gens reviennent à plus de qualité, et que le CD low cost, c’est fini…?
Lionel : Je ne sais pas, mais c’est clair que les modes de diffusion de la musique sont en perpétuelles mutations. Le CD low cost, c’est clair que c’est fini, mais le ‘beau’ CD et le vinyl n’existent plus que pour ceux qui souhaitent avoir un bel objet en main. C’est en songeant à ça qu’avec David on a pensé à cette histoire de boîte à musique virtuelle, de jukebox numérique: une double méthode de diffusion de la musique (sur CD et dématérialisée) avec un objet virtuel en plus de l’objet physique.
PM : Vous vous voyez où et comment, dans dix ans ?
Alexx : Probablement dans le Larzac, avec des chèvres, des vaches et des plantations.
Lionel : Un peu plus vieux, mais au même endroit, et comme maintenant…!