COOKIN’ ON 3 BURNERS – Cookin’ The Books

Soul Messin'
Soul
COOKIN' ON 3 BURNERS - Cookin' The Books

Ah, l’orgue Hammond B3 et sa fameuse cabine Leslie… On pourrait croire ce mastodonte relégué depuis belle lurette au rayon des antiquités (il pèse deux ânes morts, comme je pus le constater il y a quelques années, quand nous ne fûmes pas trop de cinq pour en hisser laborieusement un sur scène), mais ce dinosaure refuse pourtant de disparaître, depuis que des ténors tels que Joey DeFrancesco, le James Taylor Quartet, et surtout le Delvon Lamarr Organ Trio (chroniqué ICI) l’ont remis au goût du jour. Ses fidèles aficionados n’avaient pourtant jamais cessé de le célébrer, ne serait-ce qu’en se repassant des incunables de Jimmy Smith, Brother Jack McDuff, Jimmy McGriff, Billy Larkin & The Delegates, Brian Auger & The Trinty, Graham Bond Organization ou encore Georgie Fame & The Blue Flames (voire le Procol Harum de “Whiter Shade Of Pale” et le Spencer Davis Group circa “I’m A Man”). Formé à Melbourne voici presque trois décennies, Cookin’ On 3 Burners est un trio australien qui attendit son dixième anniversaire pour publier un premier album (“Baked, Boiled And Fried”, sur Knowfoowl Records), et celui-ci (leur premier depuis six ans) ne s’avère en définitive que leur septième. C’est dire si cette formation, bien qu’hyper-active sur la scène nu-soul et rhythm n’ blues mondiale, s’y entend pour mitonner tranquillement sa musique avant de la commercialiser. Outre les deux fondateurs (l’organiste, bassiste et saxophoniste Jake Mason et le batteur Ivan Katchoyan), le trio comprend le guitariste Dan West (en poste depuis 2013), et accueille régulièrement divers vocalistes pour des prestations ponctuelles (que ce soit sur les planches ou en studio), qu’il s’agisse du hip-hopper Mantra, ou, comme ici, des chanteuses Natalie Slade (Katalyst), Jane Tyrell (The Herd) et de la remarquable Stella Angelico (cette dernière présente sur trois des quatorze plages de ce disque). Dès l’instrumental titulaire qui ouvre le ban (suivi des non moins imparables “No Bread For You”, “Ms Fat Booty”, “Phoenix” et “New Yorker”), on jurerait que Booker T. & The MGs, sont encore en activité (et ce en dépit de la disparition des trois-quarts de leurs membres), mais au fil de plages chantées telles que “I’m Comin’ Home To You”, “Only Words” (avec les splendides arrangements de cordes vintage signés Tamil Rogeon), “Brighter” (featuring les cuivres juteux de Rohan Wallis et Jake Mason, ainsi que les chœurs jubilatoires de Raleigh Williams), “Give A Little Bit More” et le terrassant “So Much To Lose”, on se prend à imaginer que des soul sisters comme Betty Wright, Lyn Collins et Tammi Terrell sont elles aussi toujours de la party. Principale voix mâle du lot, la révélation Wilson Blackley semble pour sa part à même de prétendre à la succession du regretté D’Angelo avec le poignant “Away From My Heart”, tandis que le rapper Mantra et Jane Tyrrell accordent la seule véritable concession du lot à la modernité, et qu’avec sa wah-wah, l’instrumental “Livin’ On A Prayer” évoque quant à lui un générique de série TV des seventies. Il n’empêche que si la martingale rythmique entre guitare, basse, orgue et batterie ne semble plus revêtir le moindre secret pour ces lascars, cela sonne tout de même diablement rétro, nous objecterez-vous? C’est que toute l’histoire de la musique est ainsi affectée du même strabisme entre passé et futur. La différence, c’est que ce dernier est bien plus difficile (et volatil) à s’imaginer que le premier ne l’est à recréer – et surtout, à l’écoute de cet album souverainement produit, que celui-là groove indéniablement davantage. Si j’étais Kelly Finnigan, je signerais ça sous licence chez Colemine sans autre forme de procès: magistral, au bas mot.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, December 19th 2025

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::::