FALLEN LILLIES - Cran

Heavy Rock

Depuis les Ronettes et les Shangri-Las jusqu’à Crucified Barbara et Ladies Ballbreaker (en passant par Birtha, Fanny, Girlschool, L7, Bangles, Runaways et The Sirens), les groupes de filles ont constamment jalonné l’histoire du rock. Mais jusqu’à récemment encore, elles n’étaient considérées, au mieux qu’en tant qu’épiphénomène, et au pire comme une attraction sexy à destination d’ados libidineux – la version féminine des boys bands, en somme… À preuve, on devinait souvent dans leur sillage l’ombre de managers sans scrupules prompts à exploiter ces arguments jusqu’à la corde, mais rarement mus par l’objectif de leur émancipation (les Slits firent certes exception, mais le payèrent au prix fort). Et puis, début 2022, déboula de son Montbéliard natal le premier LP de ce quatuor (alors dûment chroniqué ICI), et l’on réalisa enfin que, comme le chantait jadis Véronique Sanson, certaines filles n’avaient effectivement besoin de personne pour s’affirmer. On les retrouve, près de quatre ans plus tard, pour la suite à ce brûlot, et quelque chose en elles a évolué. Il ne s’agit pas du départ de leur bassiste originelle (Ludivine), puisqu’elle est encore présente sur ce nouvel opus (et a été remplacée depuis). Plus prosaïquement, ce n’est pas fondamentalement leur musique qui a changé, mais leur désir d’y porter un message féministe et libertaire explicite se traduit désormais par des lyrics en français (alors que son prédécesseur était intégralement chanté dans la langue de Shakespeare et Lemmy). Hurlant avec conviction leur refus du conformisme des corps (“Basic Body Shaming”), ainsi que des religions et des lois servant la domination patriarcale (“Haut Et Fort”, “Face À Eux”), elles dénoncent aussi le détournement et l’accaparement de la représentation démocratique (“Imposteur” et le tubesque “Washington Décès”), s’insurgent contre la violence aveugle et l’oppression carcérale (“Rouge Chaos”, “De Sang Et D’Os”), mais n’en négligent pas pour autant de célébrer la communion festive et utopiste que procure encore le rock, quand il est joué et partagé avec joie et ferveur (“À La Vôtre”). Plaidoyer pour l’aide à mourir, “La Tête Haute” n’en est par contre pas un en faveur d’un ex-président en trop bref transit par la case prison. Musicalement plus affûtées que jamais, les Fallen Lillies, produites ici par Fred Duquesne (Mass Hysteria), pourraient bien avoir réalisé un sequel crédible au “Répression” de Trust: chanteuse charismatique au gosier de panthère écorchée, guitares plus acérées que jamais, rythmique d’airain, compos accrocheuses et textes pertinents… Banco, sisters!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, October 23rd 2025

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A voir absolument en Live au Bataclan, à Paris, le 21.11.2025