Americana |

Ce site ne comprend ni les rubriques potins, ni carnet mondain, mais il va néanmoins falloir en passer par ceci: après une douzaine d’années d’une union apparemment sans nuages, Amanda Shires et Jason Isbell ont légalement divorcé en mars dernier. Et comme il semble que l’initiative en revienne à Monsieur, Madame en a gros sur le cœur. Oh, certes, des albums de rupture, il y en a déjà eu pas mal auparavant (depuis le fameux “Blood On The Tracks” du Zim jusqu’au non moins notoire “On The Beach” de Neil Young, sans oublier le “Walls & Bridges” de Lennon et le “Rumours” de Fleetwood Mac) et après tout, la vie privée des gens publics ne devrait en principe concerner qu’eux-mêmes… Mais il se trouve que Miss Shires semble éprouver le besoin (somme toute légitime) d’exorciser ce traumatisme en chansons (ainsi que sur les réseaux dits sociaux, et en interviews dans la presse people, que nous lui souhaitons dûment rémunérées). Elle était déjà en train de travailler au successeur de son septième album, “Take It Like A Man” (paru en 2022) quand survinrent ces événements, et le projet en cours en pâtit fatalement. Entre temps, Amanda avait néanmoins enregistré avec Bobbie Nelson (sœur de Willie) l’excellent “Loving You” (chroniqué ICI), mais ce judicieusement intitulé “Nobody’s Girl” résonne désormais donc comme l’exorcisme d’une néo-célibataire. Produit (comme son prédécesseur) par le multi-intrumentiste Lawrence Rothman (piano, guitares, synthés, batterie) qui co-signe également trois titres, le mood de ce disque s’installe dès le sépulcral “Intro”, introduisant le single “A Way It Goes”. Avec son poignant beat spectorien, la voix d’Amanda s’y nimbe d’un écho subtil, sur des synthés singulièrement éloignés de la country à laquelle on l’assimile d’ordinaire, et la section rythmique s’y compose de Pino Palladino (connu pour avoir en temps remplacé John Entwistle au sein de ce qu’il restait des Who) et du master drummer Jay Bellerose (Jon Muq, Joe Nolan, Steve Dawson…). Miss Shires reprend furtivement son violon pour le non moins amer “Maybe I”, dont la steel guitar languide de Josh Grange et le piano de Peter Levin soulignent la mélancolie et les regrets, avant qu’elle ne se révèle plus vulnérable et blessée encore sur le déchirant “The Details”, où sa performance vocale tutoie le meilleur de Dolly Parton, et où elle atteint la quintessence de la country au féminin (dans sa sincérité et sa franchise, sinon dans sa forme stricte). “Living”, “Lose It For A While” et l’exaspéré “Piece Of Mind” dessinent un processus où notre héroïne se trouve écartelée entre stupeur, douleur et ressentiment, et elle confirme son désarroi sur les keyboards ballads “Streetlights And Stars”, “Lately” (où elle confesse écouter en boucle “The Stranger” de Billy Joel: “Fight the blues with more blues”) et le bouleversant “Friend Zone”, rejoignant ainsi Randy Crawford au panthéon des soul sisters les plus touchantes. C’est le “Only The Lonely” de Roy Orbison qu’elle cite ensuite sur l’enlevé “Strange Dreams”, et au cœur de ce déballage intime, la three-steps waltz “Can’t Hold Your Breath” s’avère un brûlant cri d’alarme écologiste, où son violon se fend d’un fulgurant solo au beau milieu d’une section de cordes, avant que le cathartique “Not Feeling Anything” ne cèle le ban la tête haute, mais le cœur brisé. D’une émouvante sincérité (sans se montrer jamais impudique pour autant), voici donc le grand disque de résilience d’une artiste s’inscrivant plus que jamais parmi les plus authentiques (quitte à en payer le prix fort).
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 4th 2025
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