Americana |
À l’approche de son 65ème printemps, le singer, songwriter et guitariste américain Tim Grimm propose son 18ème album à ce jour (si l’on inclut ses deux premiers en groupe vers la fin des années 80). Désormais fermement ancré dans la ruralité sylvestre (il a en effet hérité de son paternel une vaste propriété au milieu des bois dans le sud de l’Indiana, et répartit son temps, hors tournées, entre celle-ci et un cottage dans l’Oklahoma), il a jadis bourlingué entre Chicago (où il étudia le théâtre, fréquenta la Old Town School Of Folk Music, et monta son premier band, Tim Grimm & The True Hearts, qui enregistrèrent deux albums) et Los Angeles (où il consacra les nineties à grenouiller avec succès dans la production ciné et TV, que ce soit en tant qu’acteur – deux saisons de la série “Reasonable Doubts” sur NBC – ou scénariste: “Clear And Present Danger” avec Harrison Ford). C’est à l’aube de ce nouveau millénaire que Tim prit en toute conscience la décision de revenir à ses racines, s’en retournant sur la ferme familiale dans l’Indiana pour y reprendre sa carrière musicale interrompue. Père de deux garçons (et veuf depuis 2022), il a développé un répertoire éminemment personnel, dans la veine de ce folk contemporain dont Woody Guthrie, Dylan et Johnny Cash établirent les canons. Il y traite ainsi de thèmes relatifs aux rapports humains, ainsi qu’à l’environnement, souvent illustrés de paraboles naturalistes, et non dénués de commentaire social. Avec pour seul soutien constant la guitare, le banjo et le mandocello de Sergio Webb, il accueille une dizaine de contributeurs, se répartissant avec parcimonie sur les onze plages de cette nouvelle livraison. Ainsi de la choriste Beth Malcolm sur le pétrifiant “Up In The Attic” introductif (dont est issu le titre de l’album), ou du bassiste Chief, du pianiste Nate Borofsky et des chœurs de Jon Brooks sur l’émouvant “Getting Older” à trois temps. Sa verve protestataire se manifeste dès la lullaby “In The USA”, dont les chœurs sont assurés par la bien nommée Allison Branch (c’est elle qui réalise aussi l’artwork de l’album). Si l’on ne s’y trouve guère éloigné du mythique “Devil’s Right Hand” de Steve Earle pour les paroles (ni de Mississippi John Hurt pour le picking), c’est immanquablement Johnny Cash qu’évoque ensuite ce “Hunting Shack” autobiographique et proto-rockabilly, rappelant dans sa forme le “I Walk The Line” de l’Homme En Noir, et que Sergio gratifie d’un solo façon Carl Perkins. Décrivant avec une verve à la John Steinbeck les travailleurs durs à cuire du Midwest, l’époustouflant “Barbed Wire Boys” n’est étonnamment pas de la plume de Tim, mais de celle de Susan Werner (singer-songwriter de l’Iowa, dont la discographie mérite le détour). La version qu’en restitue ce dernier se montre digne du regretté John Prine, et c’est un autre grand du folk, Richard Thompson, qu’évoque le celtique “The Mists Of Ennistymon”. Seconde (et dernière) cover du lot, “Christmas In The Trenches” de John McCutcheon évoque un événement réel de la Première Guerre Mondiale (dont fut tiré en 2005 le film “Joyeux Noël” de Christian Carion). Quant à “Bow And Arrow” (avec à nouveau Allison Branch aux chœurs), c’est vers Guy Clark et Townes Van Zandt qu’elle incline, tandis que la reprise irrésistible de son propre “Woody’s Landlord (Revisited)” bénéficie d’une mise à jour au regard de la politique mise en œuvre par les locataires actuels de la Maison Blanche. Un certain Donald (dont l’appétit de lucre paternel fut effectivement vilipendé en son temps par Woody Guthrie en personne) en prend amplement pour son grade au fil de cette désopilante diatribe (ainsi que l’affligeant JD Vance,). Paru en single l’an dernier, l’annonciateur “Broken Truth” enfonce davantage encore le clou dans le pilori, dénonçant, avec toute la conviction dont Tim s’avère capable, les périls dont le Trumpisme menace la paix, la justice et la démocratie. Il est réjouissant d’apprendre que ce titre fut (et de loin) le plus joué sur les réseaux Folk Radio l’an dernier, même s’il est peu probable qu’il suffise à retourner l’opinion publique manipulée par de puissants média réactionnaires, toujours à la manœuvre). Ce poignant et captivant album se referme sur “Hadley’s Banjo”, fantasmagorie poétique au terme de laquelle, après s’être vu remettre un instrument hanté par “mille chansons encore à écrire“, son compadre Sergio se voit asséner pour conclusion que “les bouffons se révèlent souvent des prophètes“… Pas mieux.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, July 27th 2025
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