Americana |

Fille d’un cadre de presse (éditeur dirigeant du magazine américain Life) et d’une modeste chanteuse et guitariste folk (Mary Bowie Robertson), Mary Chapin Carpenter grandit entre les États-Unis et le Japon. Ayant appris à jouer toute jeune sur l’ukulélé de sa mère, elle n’envisageait pas de carrière musicale pour autant. Sortie diplômée en civilisation américaine de l’Université de Washington, elle commença toutefois à se produire dans les clubs folk de la ville, où elle testa ses premières compositions. Après un premier album presque sorti à son corps défendant en 1987, son successeur, “State Of The Heart”, suscita un début d’intérêt critique, avant qu’un troisième essai, le bien intitulé “Come On, Come On”, ne la propulsât en 1992 au sommet des ventes (quadruple platine), lui valant dans la foulée pas moins de quatre Grammies. Désormais étiquetée country (aux States, tout doit être bien rangé à sa place), elle quitta la major Columbia au tournant de ce millénaire, pour finir par créer son propre label, sur lequel elle approfondit une écriture de plus en plus introspective. Ce “Personal History” constitue son 17ème effort à ce jour, et comme l’indique son titre, c’est une forme de bilan intime, au fil duquel elle égrène, commente et analyse divers châpitres de son parcours de vie. Et si son timbre de voix ne s’avère heureusement pas aussi éraillé que celui d’une Marianne Faithfull en fin de carrière, on peut néanmoins rapprocher la tendre mélancolie qui en émane de l’univers de cette dernière. Enregistrés dans les studios Real World de Peter Gabriel (à Bath), ces onze nouveaux titres tournent ainsi les pages d’un album-photo virtuel, où apparaissent de ci, de là, des figures aussi marquantes que celle du regretté singer-songwriter Guy Clark (le délicat “Paint + Turpentine”). Des vignettes telles que “New Religion”, le bouleversant “Say It Anyway” ou le non moins confessionnel “Girl And Her Dog” évoqueraient presque l’âge d’or d’un Cat Stevens (le préchi-précha en moins) : des orchestrations d’une richesse toute retenue, exécutées avec feeling et précision par un gang de sidemen de premier rang, sous l’égide d’un producteur hors pair (Josh Kaufman, dont les états de service incluent Bonny Light Horseman, Bob Weir et The National). Les mid-tempo ballads “The Saving Things” et “Hello My Name Is” bénéficient à mi-parcours d’arrangements de cuivres majestueux rappelant ceux du Band de “Stage Fright”, tandis qu’avec son harmonica et sa pedal-steel, l’enlevé et doux-amer “Bitter Ender” emprunte à Dylan la trame de son “All Along The Watchtower”, et “Home Is A Song” et “Coda” la geste des regrettés John Prine, Guy Clark et Townes Van Zandt. Subtilement rétro, le poignant three-steps piano driven “The Night We Never Met” adopte pour sa part la facture classique de standards d’antan tels qu’en accouchaient Cole Porter et George Gershwin. Si comme l’écrivit la grande Simone S., la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, la manière pudique et sincère dont l’exprime Mary Chapin Carpenter vous touchera néanmoins au cœur, au détour d’un vers ou l’autre de cet album de toute beauté.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, July 1st 2025
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