JASON MILES – Cosmopolitan Remastered

Autoproduction
Jazz Funk
JASON MILES - Cosmopolitan Remastered

Aux yeux du grand public, Jason Miles est un peu le prototype du unsung hero, “le gars qu’on croise et qu’on ne remarque pas”, pour paraphraser Gainsbourg dans son “Poinçonneur Des Lilas”. Pionnier de la vulgarisation des synthétiseurs et de l’électronique parmi les studios new-yorkais à la fin des seventies, il fut pourtant, tel Zelig, à l’œuvre de maints succès aux confins du jazz moderne, du funk et de la soul contemporaine. Que l’on en juge: né fin juin 1951, il fit son premier véritable coming-out aux côtés de Miles Davis, pour trois de ses ultimes albums les plus marquants (“Tutu” en 1986, “Music From Siesta” en 1987 et “Amandla” deux ans plus tard), avant d’entamer des collaborations fructueuses avec Grover Washington Jr, Luther Vandross, Michael Jackson, Aretha Franklin, Whitney Houston et George Benson, parmi bien d’autres. Et s’il dut attendre 1994 pour publier son premier album en tant que leader, il ne s’était pas moins déjà frotté à l’exercice quinze ans plus tôt, en enregistrant les présentes sessions dès 1979, aux côtés d’un jeune Marcus Miller, alors seulement âgé de 19 ans. Bien que présentant un casting qui ferait aujourd’hui rêver (Michael Brecker sur deux titres, Jeff Williams aux drumsticks, Ricardo Silveira aux six cordes électriques), “Cosmopolitan” demeura quasiment inédit 46 ans durant (hormis deux publications confidentielles au début de ce millénaire, l’une en France et l’autre au Japon, sous le titre putatif de “Cozmopolitan”). Relocalisé au Portugal depuis 2023, Jason y a entrepris de classer et dépoussiérer ses propres archives, et a confié la DAT originale de ce galop d’essai à l’ingénieur du son Jimmy Bralower, qui en a effectué la remastérisation selon les canons du jour. Dès la plage titulaire, on reconnaît les licks caractéristiques de Miller, alors déjà sous fort ascendant Pastorius. Sur un beat funky rappelant celui du “Peg” de Steely Dan (leur “Aja” était sorti deux ans plus tôt, et avait traumatisé la glamour profession par la qualité de sa production), Jason y donnait libre cours sa créativité sur Fender Rhodes, ARP Odyssey et Prophet V, tandis que les saxes alto et soprano de Gerry Niewood lui relançaient la balle. C’est à la flûte que ce dernier introduisait ensuite le languide “Powder”, où Jason se concentrait sur les arrangements pour céder le lead à la guitare de Silveira (selon un mode proche de celui du Al DiMeola d’alors), avant de se fendre d’un solo de synthé à la Joe Zawinul. L’ombre portée de Weather Report se prolonge avec le dansant “Gale Warnings”, où étincelle le regretté Michael Brecker au sax ténor, de même que sur l’effréné “The Man Who Pushes Buttons” qui suit (empreint de ruptures bossa), où Jason se focalise sur le Rhodes dans l’esprit d’un George Duke. Ce sont les tablas de Badal Roy (collaborateur de Miles Davis sur “Big Fun” et “On The Corner”) qui introduisent et ponctuent l’orientalisant “Kashmirian Twist”, où, toujours au Fender Rhodes (puis au synthé), Miles évoque les arabesques d’un Ray Manzarek circa “Riders On The Storm”. Cet excellent album (dont rien ne trahit fondamentalement l’âge canonique, au regard de certaines productions actuelles) se clôt sur le bien intitulé “Poetry”, qu’introduit seul au piano un Jason Miles dont on peut ainsi également apprécier les qualités de concertiste. Sur un beat à nouveau funky à souhait, la section rythmique y prête mains et hanches aux ultimes soli des volubiles Niewood et Silveira, tandis que les percussionnistes Armen Halburian et Henry Castellanos s’en donnent à cœur-joie. Well worth the wait, indeed!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, May 13th 2025

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