Blues, Funk, Psyché |

Faut-il parler à propos d’Eric Ter d’artiste culte, maudit, ou encore de la formule à double-tranchant de “secret le mieux gardé de l’Hexagone“? Né en 1952 dans le 15ème, à Paris, il fêtera en effet l’an prochain son demi-siècle d’existence discographique dans une indifférence que l’on qualifiera, sinon de générale, pour le moins de polie. Il faut dire que de bévues en malentendus, et de désillusions en impasses, son parcours témoigne d’une obstination et d’une résilience remarquables (à côté de la sienne, la saga d’Anvil relèverait presque du conte de fées). Qu’on en juge: de son état civil complet Éric Ter-Sarkissian, il débuta par l’auto-produit “Funky Bop” en 1974, et a publié pas moins de 22 albums à ce jour. Sous le pseudonyme d’Éric Sirkel (Band), son successeur parut en 76 chez les charlatans notoires de Charly Records, qui devaient lui en jouer une bonne, en rééditant carrément l’opus vingt ans plus tard sous le nom de… Mick Taylor (au motif discutable que l’ex-guitariste des Stones y figurait sur quatre de ses treize titres). Paru dans la collection “Les Génies Du Rock” (éditions Atlas), il va sans dire que cet avatar alimente copieusement depuis le circuit des marchés aux puces, sans qu’aucune grâce n’en ait cependant jamais été rendue à son véritable auteur… Après un bref passage chez Trema, notre homme s’autoproduisit un quart de siècle durant, poursuivant ensuite son parcours entre Bluesiac, Dixiefrog (période Langlois) et Chic Parisien… Après un séjour américain (durant lequel il exploita sur place son propre studio) et diverses péripéties (dont la moindre ne fut pas son éphémère collaboration avec Jacques Grande – dit Petit Pois – et Jo Lebb, tous deux ex-Variations), il se résigna la mort dans l’âme à rentrer au pays du camembert. En seize titres, il n’est toutefois pas question ici de survoler l’ensemble de la carrière de ce chanteur, compositeur et guitariste. Tout juste si les crédits (affichant cinq batteurs et trois bassistes distincts) énoncent une vague indication quant à la temporalité concernée (son précédent album chez Dixiefrog date de 2013). L’acerbe et funky “Novlang” qui ouvre le ban rappelle certaines expérimentations de Randy California et de son beau-père, Ed Cassidy (Spirit), au début des seventies. Sur le plan des lyrics, on s’y trouve proche de la période Lanzmann de Dutronc, tandis que les également funk et jazzy “Ca Continue”, “À l’Abri”, “Époques” et “Just A Thing” oscillent entre le Jeff Beck des nineties pour la guitare et les rythmes, et Gérard Manset pour les vocals. Issu de son “Soundscape Road” (Dixiefrog), le non moins funky “Matter Of Time” précède l’envapé “Pourquoi Mon Chien” (de son LP “Cousu D’Or”), où l’entrelacs de wah-wah accuse autant son héritage hendrixien que “Sunset/ Sunrise” (entre “Crash Landing” et Robin Trower) et le skanking “Coup De Fil” (dans l’esprit du “Flow Motion” de Can). Quand Eric Ter arpente son versant blues (“Chez Momone”, “Ces Moments”, “Cousu D’Or” et ce “Sac À Godasses” estampillé Little Feat), Éric se situe à équidistance de Benoit Blue Boy, Paul Personne et Patrick Verbeke, tandis que “L’Hiver Indien” évoque le Gainsbourg de “L’Homme À Tête De Chou”, et que le proto-disco electro “Question Piège” et le new-wavy “The Bells” n’en bénéficient pas moins de fulgurantes saillies électrifiées. Résolument orienté lazy funk (et blues-psyché, certes), un album dont la cohérence contrebalance la dimension souvent exubérante, et surtout l’occasion pour les néophytes de découvrir un artiste aussi inspiré qu’original, doublé d’un guitariste réellement époustouflant.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, March 25th 2025
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Un titre d’opus qui ne dit pas la vérité vraie, et cela mérite d’être souligné. Car celui qui nous propose cette pépite est tout sauf inconnu (!!)… même s’il n’a pas obtenu la notoriété qu’il méritait et que le succès commercial n’a jamais été à la hauteur de son immense talent. Il a certes l’âge de ses artères, mais pour le reste on émet des objections. Artiste, il l’est à 100%; psychédélique, certainement, mais pas en permanence, comme le démontre nombre de ses enregistrements; mais grand musicien, assurément! Il a ainsi usé de plusieurs styles de musique dans ce qui est un vaste répertoire à faire blémir pas mal de guitaristes français: blues, rock, funk, folk… A l’écouter jouer de la six cordes, on comprend qu’il ait été touché par Hendrix et Zappa vu la richesse de son jeu! Il aurait pu, certes, écrire ses mémoires de vieux routiers des années rock, vu tout ce qu’il a vécu (comme ce fameux album sorti par un éditeur, et sans que Eric Ter en soit informé, sous le nom de… Mick Taylor!), mais n’oublions pas que cette pépite retrace (en partie, car il aurait mérité un double CD pour survoler l’ensemble de la carrière de ce chanteur, compositeur et guitariste) une carrière de cinquante années d’expériences musicales en tous genres! Un disque hommage (de son vivant) à un grand, très grand guitariste et auteur-compositeur, qui justifie une place de choix dans toute discothèque digne de ce nom.
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, April 14th 2025
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Album de Eric Ter à commander sur le site de Dixiefrog