YORAM ROSILIO & ANTI RUBBER BRAIN FACTORY

Ensuenos Burlescos, Peligrosos y Misticos De Tierras Mexicanas / Le Fondeur De Sons
World Jazz

Autant prévenir d’emblée le potentiel touriste égaré: cette bande de joyeux drilles est à peu près autant Mexicaine que je suis moi-même plombier-chauffagiste. À la fois libératrice et libertaire, la démarche du bassiste Yoram Rosilio continue à s’inscrire dans le prolongement du travail défricheur de pionniers tels que Sun Ra, Anthony Braxton, Ornette Coleman et Eric Dolphy, mais aussi du Gong de Daevid Allen, de Soft Machine et d’autres snipers tels que Taraf de Haïdouks et Hadouk. C’est dire si le consommateur pusillanime de ces musiques formatées que l’on prétend actuelles n’y retrouvera guère ses petits! Cet album, capté live au fil de trois prestations entre les 4 et 7 juin 2018 à l’Anis Gras d’Arcueil, égrène des interprétations libres de compositions inspirées des séjours mexicains de Yoram Rosilio, entre 2016 et 2018. Sous la trompeuse apparence cacophonique (entre fanfare de cirque et bataille d’orphéons) sourd un subtil ordonnancement, davantage lié à la complicité des improvisateurs qu’à une stricte direction d’orchestre au sens traditionnel du terme. En 8 plages et 57 minutes, la vingtaine d’exécutants bruisse de percus aussi ludiques qu’endiablées, et les cuivres (prédominants) impriment un tangage évoquant une troupe de mariachis en surdose de mezcal. Pour sa huitième livraison, ce collectif persiste donc à nous proposer “d’la zic qui troue les oreilles du cerveau d’la tête” (sic). Emmerder ses voisins (même si cette marotte peut parfois procurer ses plaisirs) ne peut constituer en soi le seul attrait de cette rondelle, dont l’écoute immersive suscite un inopiné bien-être. À l’opposé du papier peint sonore “new-age”, voici donc l’équivalent musical de “La Grande Bouffe” de Marco Ferreri: du son à s’en faire pêter les boutons du pantalon!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 22nd 2019