Yaron Herman Trio – Muse

Muse (Laborie Jazz /Naïve – LJ06)
Jazz

 
En musique, il est des révélations qui, comme des voiliers trop fragiles face au vent du large, se brisent rapidement sur les vagues du succès et des critiques, tout comme d’autres s’effacent, incapables de résister aux exigences du métier. Il est aussi des révélations qui semblent avoir été avant même de confirmer, et puis il est des révélations qui se dévoilent, s’affirment, osent, s’imposent, et sans contestation aucune le pianiste Yaron Herman est de cette race là, de ces artistes pour lesquels la notoriété est la cerise sur le gâteau, sans plus.

Révélation instrumentale aux Victoires du Jazz 2008, Yaron Herman possède ce que nombre de musiciens et d’artistes aspirent à avoir, le talent. Un talent tellement étincelant qu’il semble inné, presque naturel et qui se traduit par ce jeu intense ou posé, rageur ou passionné selon les moments.
Un jeu tellement fluide et tellement léger que l’on en vient à se demander si Yaron ne possède pas plus de mains que de doigts, plus de passion que de vérité.

Premier titre de cet opus, qui d’ailleurs donne son titre au CD, ‘Muse’ vous enveloppe dans un voile léger, fin et infiniment doux. Vous sentez chaque doigt effleurer le clavier, glisser sur les blanches et les noires tandis que les violons du Quatuor Ebène viennent se calquer sur les arabesques dessinées au piano. Comme si une muse s’était penchée sur ce morceau…

Second morceau, une reprise de ‘Con Alma’, signé Dizzy Gillespie, auquel Yaron influe un souffle léger et chaud à la fois avant d’enchainer sur une composition aux rythmes saccadés et jubilatoires, ‘Vertigo’. Et c’est là que réside l’un des secrets de cet album: dans ce plaisir intense de jouer que le trio fait ressentir et transmet au travers non seulement des morceaux les plus légers mais aussi des plus enlevés. Piano, basse et batterie se complètent, alternent, se renvoient les notes comme des serpentins de soirée de fête. Avec ‘Muse’ vous n’êtes pas dans la réflexion ni le questionnement mais dans le plaisir instantané, la joie retrouvée, le bonheur ensoleillé.

Autre moment de grande émotion, le superbe ‘Isobel’, sur lequel le Quatuor Ebène vient tisser de longues nappes de cordes autour de la batterie qui s’envole, emportant avec elle le piano. L’alchimie classique-jazz est incroyable, proche du sublime et renvoie dos à dos les négationnistes de ces deux musiques. Comme si une muse s’était penchée sur ce morceau…

Difficile, voire impossible de retenir et vous conseiller un titre plutôt qu’un autre tant l’ensemble vous touche au cœur, mais je me dois de vous recommander l’exceptionnel ‘Lu Yehi’: un morceau joué au piano seul et qui semble porter en lui la plus intense des émotions, un morceau d’une sensibilité extrême à vous faire couler les larmes les plus enfouies, les plus cachées. Un morceau qui vous touche là, à l’âme.

‘Muse’, un indiscutable grand moment d’émotion et de beauté. Respect, Messieurs!

Frankie Bluesy Pfeiffer
Paris-Move

                                                                                                                                                                                                                                            

Yaron Herman