WILL PORTER – Tick Tock Tick

Gramofono Sound / Ace
Funk, Soul
WILL PORTER - Tick Tock Tick

Si le nom de Will Porter n’évoque pas forcément grand chose auprès du public européen, le bougre est surtout connu parmi le music-biz amerloque pour avoir fait office de musical director auprès de pointures telles que Mary Wells, Percy Sledge, Barbara Lewis, les Shirelles et Billy Preston. Natif de l’Ouest de la Virginie (aux confins des Appalaches), c’est avant tout un vocaliste de premier plan dans le registre soul et jazz. En dépit de sa diffusion limitée, son premier album solo (“Happy”) reçut un tel accueil critique au début des années 2010 que son producteur, le légendaire Wardell Quezergue (au pédigrée duquel figurent des hits tels que “Mr. Big Stuff” pour Jean Knight, “Barefootin'” par Robert Parker, ou encore “Chapel Of Love” et “Iko Iko” par les Dixie-Cups) ne résista pas (en dépit de son propre âge avancé) à lui proposer une nouvelle session. Basée à la Nouvelle-Orléans, celle-ci réunit pour l’occasion des pointures telles le guitariste Leo Nocentelli (Meters), le bassiste Jimmy Haslip (Yellow Jackets) ou encore la légendaire Bettye Lavette, ainsi que Dr. John (au piano et backing vocals sur deux titres, dont l’irrésistible plage titulaire). Le funky “When The Battle Is Over” de ce dernier figurait déjà au registre du fameux second album de Delaney & Bonnie (“Accept No Substitute” en 69 sur Elektra). Avec le renfort des chœurs imparables des ex-Valentinos, les Womack Brothers (Curtis et Bobby himself!) ainsi que celui des claviers de Mac Rebennack en personne, cette version ne cède en rien à celle du couple Bramlett (pourtant produite alors par le regretté Leon Russell). Combinaison que poursuit haut la main la cover du “I’m Blue” d’un autre funky couple, Ike & Tina Turner (à nouveau avec des frères Womack étincelants aux chœurs). Avec l’apport de l’orgue soulful à souhait de Thaddeus Richard, c’est assurément l’un des sommets de l’album, au coude à coude avec le duo que composent Will Porter et la grande Bettye Lavelle pour la bouleversante adaptation soul orchestrale du “Make You Feel My Love” de Bob Dylan. La fratrie Womack sévit encore sur le tendre “This California Sun”, ainsi que sur l’adaptation Nola-funk du “Tear It Up” de la rockabilly legend Johnny Burnette. Le “Everything’s Gonna Be Alright” qui ferme le ban n’a rien à voir avec le titre homonyme qu’interprétaient John Primer, Magic Slim et Junior Wells (signé pour sa part Walter Jacobs). Outre ses indéniables qualités intrinsèques, la réédition de ce disque (initialement paru en 2015) tient aussi à sa rareté (liée à une diffusion alors hautement confidentielle), ainsi qu’à la participation providentielle d’un Dr. John alors encore en pleine possession de ses moyens, ainsi qu’à celle d’un Leo Nocentelli toujours aussi inspiré. Quant à Wardell Quezergue, ce fut là son ultime production, puisqu’il devait disparaître peu de temps plus tard.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 4th 2021