WILL HOGE – Tiny Little Movies

Edlo / Thirty Tigers
Americana, Rock
WILL HOGE - Tiny Little Movies

Résumé de l’épisode précédent: Will Hoge est un chieur. Doublé d’un enfant-gâté et d’un ingrat, ajouteront sans doute maints de ses ex-followers. Car on n’a pas le droit, non, dans ce Deep-South où le drapeau confédéré fait encore souvent office de mantille, de cracher ainsi dans la soupe que l’on vous sert avec mansuétude depuis si longtemps. Après son brûlot anti-Trump d’il y a deux ans (“My American Dream”), et maintenant que (entre autres) la grande Lucinda Williams y est elle aussi allée de sa diatribe fielleuse, on eût pu imaginer ce bon père de famille quelque peu ravisé. C’est vrai, quoi, quand on est de Nashville, Tennessee, on ne va pas vociférer de par les rues avec un mégaphone, en traînant la stars & stripes banner dans la poussière. Surtout quand votre gagne-pain y dépend pour bonne part de la rotation de vos propres disques sur les stations locales, tudieu! Mais rien n’y fait, voilà Will Hoge qui écume et fulmine de retour, au point que si ce brave contender de Joe Biden ne franchit pas la ligne d’arrivée dans le bon ordre du peloton en novembre prochain, on craint pour sa santé nerveuse. Mais il persiste et signe: “J’ai fini par réaliser qu’il n’ y a pas de place pour un artiste indépendant dans ce business, surtout si cela implique l’indépendance d’esprit. Il ne faut surtout jamais y prendre parti pour la moindre cause, essayer de ne jamais offenser personne et rester neutre en toute circonstance. Le problème, c’est que je ne suis pas entré là-dedans pour ça”. À preuve le vindicatif “Maybe This Is Ok”, où il questionne les valeurs selon lesquelles il fut éduqué, ainsi que l’insurrectionnel “The Overthrow”, où il prône carrément de renverser le gouvernement. Les languides et désespérés “Even The River Runs Out Of This Town”, “Is This All You Wanted Me For” et “My Worst” en disent long sur l’état de confusion où le plonge la situation de son pays. Sur ce dernier (co-signé par son complice de longue date, Dan Baird, des Georgia Satellites), des chœurs féminins et l’irrépressible montée dramatique qu’instille un flamboyant duel de guitares portent la rage et l’émotion à un bouleversant climax. Ayant apparemment renoncé aux nominations pour les trente prochains Country Music Grammies, Will Hoge n’en propose pas moins un grand album d’americana-classic rock, où des perles à équidistance de Dwight Twilley et Tom Petty (les imparables “The Curse” et “That’s How You Lose Her”) côtoient certain cousin bâtard du “I Wanna Be Your Dog” des Stooges (l’enragé “Con Man Blues”). Avec sa slide lumineuse et son jingle-jangle, le tendre “The Likes Of You” tutoie la veine contemporaine de Jason Isbell, tandis que le sentimental “All The Pretty Horses” conclut l’affaire sur un mode nostalgique. Si d’aventure Donald s’avérait en mesure de remettre le couvert, Will pourrait bientôt se trouver contraint d’aller pointer chez Mickey, comme les Dixie Chicks avant lui pour des crimes similaires… Ca nous ferait enfin une raison de visiter Euro Disney…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 29th 2020