Wild Child – The Next Decline

CellulOid / Rue Stendhal
Rock

France, début des années 80. Ici comme ailleurs, le punk a fait long feu. Partout se pavanent ceux qu’Actuel appelle alors “les jeunes gens modernes”. Du genre à aimer tellement leur maman qu’ils n’osent pas lui infliger de rentrer décoiffés. Dans des costards cintrés, ils pianotent à deux doigts des Casio avec boîte à rythme intégrée. C’est l’heure de Taxi-Girl, Marquis de Sade et autres Marie et les Glaçons. Yves Adrien lui-même ne jure plus que par le “diskö”, c’est dire quel marasme règne… Mais tandis qu’il ne semble plus de mise d’arborer la moindre trace de cambouis sous les ongles, un gang de Marseillais prend la capitale d’assaut. Dessinant un axe inédit Detroit – L.A. – Paris, WILD CHILD saisit tout le monde au débotté, avec un single en forme de manifeste jouisseur (“Stooge Face” / “Last Night”), bientôt suivi d’un E.P. 7 titres, aussi tendu qu’un démineur en mission. Autant marqué par Iggy que par les Doors, le tandem fondateur (le chanteur Little Jim et le guitariste Leeroy Stanner) écrase le champignon. Si un harmo rythmique donne au premier couplet de “Last Night” une touche pub-rock speedé, “She Drives Me Insane” et “Hate & Love” assument crânement leurs racines stoogiennes: glapissements et brâmes en rut sur éruption de wah-wah en fusion. Stanner s’avérait un habile compromis entre la rage froide d’un James Williamson et la folie free de Ron Asheton. “Dusty Friends” et “Modern People” versent quant à elles du côté Doors de la force, sans céder pour autant un pouce de terrain. Trente ans après leur séparation, un album perdu, enregistré en trois jours intenses mais jamais publié depuis, remonte des limbes. Nous faisant la faveur de reprendre d’abord l’histoire où elle avait commencé (le 1er 45 tours évoqué et l’intégralité de “Speed Life O’ Mind”), ce CD nous offre ensuite la coda de cette saga électrique. Quatre ans (et un changement de section rythmique) ont passé. En dix titres tout aussi furieux, “The Next Decline” s’avère sans conteste un grand rendez-vous manqué. Plus diversifié que ses prédécesseurs, il aurait sans doute ouvert la voie à tout un rock frenchy en devenir. De Noir Désir à No One Is Innocent, combien de combos hexagonaux auraient ainsi gagné à s’abreuver de si flamboyants cocktails-molotov que ces “Lovecraft”, “Loco Motion” et “Crushed Metal”? Et qu’auraient pensé Iggy et Morrison de poignants mid-tempos tels que “The Night” et “Wild Child”? Ce quatuor ultime jouait en effet aussi tight que les gangs mythiques qui l’inspiraient.
Blast from the past: tandis que l’on annonce leur imminent retour sur scène, voici l’occasion inespérée de renouer avec l’une des plus cinglantes légendes de notre rock d’ici. Too much, too soon, comme disaient les Dolls?

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico / BluesBoarder

Wild Child