| Rockin' blues |
Pour les repérer sur la carte, les Black Hills dont se réclame le Wild Boogie Combo se situent autant dans ce Nord du Mississippi qui nous offrit RL Burnside, Junior Kimbrough et Jesse Mae Hemphill que dans ce Pas-de-Calais français dont les terrils témoignent encore du long passé minier. Quant à leur pédigrée, il suffit d’énumérer la ribambelle de formations auxquelles appartint cet activiste forcené d’Hervé Loison (alias Jake Calypso et Maharajah Pee Wee Jones): Corals, Mystery Train, Zardoz, Evil Jake et autres Hot Chickens, tous ardents perpétuateurs d’une certaine idée des roots musics. Entre rockab’ bon teint, fantaisies limite psycho et blues aussi rudimentaire que près de l’os, Hervé et son fidèle comparse batteur, Thierry Sellier (dont on reconnaît aisément ici encore la patte distinctive, bien qu’il ait inversé les lettres de son patronyme) ont traversé des décennies de complicité. Au conséquent registre de leurs méfaits, outre les albums de Mystery Train et des Hot Chickens, on en dénombre cinq sous le sobriquet de Jake Calypso (dont un en 2016 avec Archie Lee Hooker), un au sein des Nut Jumpers, et trois antécédents à celui-ci sous la bannière du Wild Boogie Combo. Captés quasiment live & raunchy en une journée dans les 10m2 de ce qu’ils appellent le Shack Sound Studio (qui s’apparente effectivement davantage sur le plan acoustique à un poulailler aménagé qu’à un home-studio doté des derniers avatars numériques), ces dix titres perpétuent le manifeste auquel se sont assignés ces lascars depuis leurs tout débuts: roll what’s rockin’ & rock what’s rollin’! Entre références à Tony Joe White (l’irrésistible et hypnotique swamp “Eggs & Bacon”), Bob Log III (“Baby Hold Me”), Bo Weavil (“Magic Pill”, “Saturday Night Boogie”) et Hasil Hadkins (“A Praised Day”, “Lord Showed Me The Way”, “She’s An Unhappy Baby”), les complices Loison et Sellier (avec l’adjonction du bien nommé Ruine B à l’harmo obsessionnel) transcendent les classifications, mais continuent de faire se gondoler les jeans à rebords retroussés. Qu’ils enfilent la salopette et coiffent la casquette, ou qu’ils se graissent la banane au pento, c’est avec un bonheur jamais démenti qu’on les suit au fil de leurs aventures. Alors en définitive, s’enquiert le pointilleux lecteur, est-ce du blues à la sauce rockabilly, ou du rockab’ sous influence blues? Pour tout dire, on s’en tamponne un brin le coquillard, mais sans paraphraser les Tontons Flingueurs, si ce n’est pas tout à fait du brutal, au moins, c’est du brut!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 31st 2020
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