WHITECHAPEL – The Valley

Metal Blade / Sony Music
Deathcore

Whitechapel… Le nom du groupe de deathcore de Knoxville, TN, est déjà une promesse vénéneuse. Il fait en effet référence au quartier de l’East End londonien, célèbre pour les meurtres que Jack l’Eventreur y a commis en 1888. Lâché comme une meute de loups affamés, le sextet exacerbe la violence sur un premier album, The Somatic Defilement (2007 chez Candlelight, 2013 chez Metal Blade dans sa version remasterisée). Dans une logique immédiate de confrontation avec l’auditeur, les growls caverneux de Phil Bozeman, les riffs coupe-gorge de la triade Ben Savage/ Alex Wade/ Zach Householder, et les blast beasts guerriers de Ben Harclerode (remplacé depuis 2017 par des batteurs de session) trépanent les crânes. Les fans, pour qui l’étiquette iconoclaste qu’ils collent à leur groupe a son importance, exercent alors une dictature qui ne dit pas son nom. Pourtant, Whitechapel, à partir de son sixième album Mark Of The Blade (2016) va se construire une identité musicale hybride. Phil Bozeman, sur lequel semblent se concentrer les dix plaies d’Egypte, chante alors sur “Bring Me Home” la mort de son père et la descente aux enfers de sa mère schizophrène et toxico(wo)mane quand il était enfant. Jamais il n’avait été aussi factuel, même lors de l’évocation des rapports houleux avec son beau-père sur “Reprogrammed To Hate”, extrait de A New Era Of Corruption (2010), en duo avec Chino Moreno des Deftones. Et l’homme n’entend pas jouer les blanchisseurs d’informations sales: sur le nouvel album, The Valley, attendu le 29 mars, il reconstitue l’authenticité. Cette “vallée” de Hardin, à l’ouest de Knoxville, est celle de son enfance. Et les textes, des verbatims du cahier de sa mère. Phil tente-t-il de se découvrir en se mesurant avec l’obstacle? Ou, à l’étroit dans la pratique d’un art mineur, joue-t-il la surenchère de singularité? Sa voix, intégralement claire pour la première fois sur “Hickory Creek”, se découvre proche de celle de Maynard James Keenan (Tool, A Perfect Circle). Et la musique de ses collègues, expérimentale entre deux garde-fous death old-school (“Brimstone”), emprunte des ambiances à Katatonia, Meshuggah, voire Opeth. L’art contemporain – en ce sens qu’il pense – de Whitechapel est comme déterritorialisé par un tsunami émotionnel. Le train des mentalités ne tardera pas à suivre ces révolutions des groupes extrêmes.

Jean-Christophe Baugé
BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ METAL OBS’ + CLASSIC OBS’/ PARIS-MOVEROCK & FOLK