Wes Smith – We, The Funky (FR review)

Volume 1 // Smith music – Street date: January 11, 2026
Funky Jazz
Wes Smith – We, The Funky

Dès les toutes premières mesures, chaudes, texturées, presque cinématographiques, on sent que cet album ne cherche pas simplement à trouver sa place dans un paysage saturé, mais qu’il se décale volontairement pour tracer sa propre voie. Le paysage sonore est sans équivoque: une voix qui glisse plutôt qu’elle ne s’impose, une section rythmique qui claque avec l’assurance d’un groupe ayant vécu dans le groove depuis des décennies, et une orchestration dont les empreintes digitales sont si reconnaissables qu’elles ne pourraient appartenir à personne d’autre que Wes Smith.

Cette singularité n’est pas le fruit du hasard. Smith a passé sa carrière à naviguer sur les lignes de faille entre la soul, le jazz et la pop, un territoire où les catégories se brouillent, et où seuls quelques musiciens apprennent à avancer avec aisance. Son parcours ressemble à une carte de la mythologie musicale américaine: Stevie Wonder, Booker T. Jones, Poncho Sanchez, Justin Timberlake. Des sessions avec Pharrell Williams et Robin Thicke. Une apparition dans Whiplash, le film qui a révélé au grand public la romance brutale du jazz et de la batterie. Une telle expérience ne façonne pas seulement un son: elle reprogramme l’oreille. Smith entend le monde différemment, et il écrit en conséquence.

Nous sommes ici face à un album qui s’inscrit dans une tradition profondément américaine, ces projets frontaliers où le funk frôle le jazz, où la pop croise l’écriture de chansons, où le sens du spectacle vient rencontrer la rigueur du studio. Inutile d’y chercher une déclaration philosophique: c’est une musique dont la vérité réside dans ses arrangements, dans sa mise en scène, dans la façon dont une ligne de cuivres peut soulever un morceau d’un demi-centimètre. Ce sont des pièces qui invoquent des images avant même qu’on y pense, qui vous font bouger le pied avant que l’esprit ait suivi, et qui, dans le même temps, récompensent l’écoute attentive. Joyeux, personnel, pulsé, le projet mêle la sensibilité jazz de Smith aux vagues de funk et de soul de Los Angeles, cette ville où le groove semble flotter dans l’air.

Le choix des musiciens ne fait que renforcer cette impression. C’est, pour ainsi dire, un «Dream Band» de la côte Ouest: le batteur Donald Barrett (Lady Gaga), le trompettiste Maurice «Mobetta» Brown (Silk Sonic), le claviériste Sam Barsh (Kendrick Lamar, Anderson .Paak), des musiciens capables de transformer une simple phrase musicale en un moment. Ensemble, ils étirent l’écriture mélodique de Smith vers quelque chose à la fois enraciné et résolument tourné vers l’avenir, un son dont la lignée remonte à l’histoire du jazz tout en gardant les yeux fixés sur le présent.

Je repense aux années 1980, à un studio faiblement éclairé d’une radio française, où j’avais une fois glissé un disque de Quincy Jones hors de sa pochette, sans savoir ce que j’allais entendre. Je me souviens du contact doux du diamant sur le vinyle, et puis, ces premières notes, comme si quelqu’un avait ouvert une fenêtre sur une lumière familière. C’était le genre de révélation qui s’imprime dans la mémoire. Et écouter l’album de Smith provoque une sensation similaire: une évidence, une familiarité, un attachement immédiat dès la première écoute. Multipliez cela par cinq morceaux de cette intensité, et vous comprendrez à quelle vitesse ce disque peut devenir addictif.

«Vivre à Los Angeles a été une expérience formidable», confie Smith. «Cet album célèbre la joie et la lumière de cette aventure, ainsi que les relations qui ont rendu mon parcours musical si exceptionnel.»
On comprend exactement ce qu’il veut dire en écoutant un titre comme «Ventura Penthouse», où la trompette semble exploser en plein vol, une interprétation qui relève davantage de la révélation que de la simple performance. C’est là que l’album dévoile son échafaudage secret: sous son éclat solaire se cache un travail minutieux, une architecture façonnée pour produire un maximum d’impact tout en se distinguant nettement des productions funk plus formatées. Le dernier titre accentue encore cette impression, porté par un tromboniste dont le jeu ne se contente pas de soutenir l’arrangement, mais le propulse dans une autre dimension.

Smith, qui s’est produit partout, du Hollywood Bowl à la Maison-Blanche, apporte sa polyvalence et sa chaleur caractéristiques à son premier recueil de compositions originales. Le résultat est un disque qui sonne à la fois comme une lettre de remerciement et comme une porte ouverte, une ode aux musiciens qui l’ont façonné, et une invitation adressée aux auditeurs à entrer dans le groove.

Et il convient de le souligner: Smith n’est pas seulement un excellent mélodiste, mais aussi un véritable chef d’orchestre, capable de bâtir des arrangements qui surprennent au moment précis où ils se résolvent. Malgré sa brièveté, seulement cinq titres, ce mini-album laisse une empreinte bien plus vaste que sa durée. C’est la preuve que lorsque la maîtrise, la joie et l’intelligence rythmique s’alignent, le résultat dépasse le simple domaine musical. Il devient une expérience.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, December 12th 2025

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Website

Musicians:
Wesley Smith | Alto & Soprano Saxophone, Flute, Alto Flute, Fender Rhodes (Track 4), Synths
Frank Abraham | Electric Bass (Tracks 1, 2, 3, 5)
Donald Barrett | Drums
Sam Barsh | Fender Rhodes (Tracks 1, 2, 3, 5)
Christopher Bautista | Trumpet (Track 2)
Maurice “Mobetta” Brown | Trumpet (Track 4)
Michael Cottone | Trumpet (Track 1)
Khrystian Foreman | Trombone (Track 3)
Dimitry Goredetsky | Electric Bass (Track 4)
Justin Kirk | Trombone (Track 5)

Track Listing:
We, the Funky
Sunrises
Baby Steps
Ventura Penthouse
Hdub Hiatus