Wayne Lavallee – Trail Of Tears

(Dixiefrog / Harmonia Mundi)
Blues
La difficulté, après le coup d’éclat monumental que fut il y a quelques semaines à peine le triple album ‘Indian Rezervation Blues And More’ (*) était de pouvoir donner une suite, une vraie, sans donner l’impression de vouloir se calquer avec facilité sur ce ‘blues’ indien qui a envahi les ondes des meilleures radios et les platines des amateurs de bonne musique.
Challenge réussi et même brillamment réussi par Dixiefrog qui propose à partir du 23 avril ce véritable bijou qu’est ‘Trail Of Tears’, signé Wayne Lavallee.
 
L’album proposé par Wayne Lavallee est d’autant plus important que l’homme est d’origine Métis, une culture riche du double héritage Cree et européen. Un homme au caractère en acier trempé et qui reste fidèle à ses racines, dans un esprit de liberté et d’indépendance qui ne connaît ni gouvernement ni limites, un homme qui apporte la preuve que l’esprit de résistance de ses ancêtres reste vivant, et peut être même plus encore, devenant cruellement d’actualité dans un monde où les repères s’effacent et se perdent.
 
Porté par des chansons envoûtantes telles ‘Big Country’, ‘River Road’, ‘Heart Land’, et le titre phare, ‘Trail Of Tears’, le lauréat 2006 du prix du ‘Meilleur songwriter aborigène’ décerné par la société folk canadienne sait faire passer les messages de tout un peuple: les terres volées, les massacres, le cantonnement dans des réserves, l’oppression, les révoltes, la répression.
Les chansons sont superbement mélodieuses mais derrière cette luminosité subtilement colorée les paroles sont aussi tranchantes que la lame d’un couteau. Wayne ne crie pas, Wayne ne hurle pas, Wayne ne crache pas, Wayne chante et ses chansons sont les plus intenses des cris, les plus sombres des hurlements, les plus violents des crachats.
 
« Je suis prêt à me battre pour les miens,
Pour la Terre nourricière et tout ce qu’elle contient,
Pendant qu’ils envoient des Indiens à la guerre
Comme autant de catins de la Terre
Pendant qu’ils envoient les Indiens à la guerre
Au nom des étoiles de leur bannière. »
(extrait traduit de la chanson ‘Star Spangled Sensation’)
 
C’est également en hommage à ces soldats indiens que Wayne Lavallee emprunte à Bob Marley son ‘Buffalo Soldier’ qu’il adapte en blues-reggae. Une chanson qui, chantée par Wayne, devient beaucoup plus qu’une chanson: un hymne, une ode, le cri de tout un peuple. Une version chantée avec tant de cœur et tant d’âme qu’elle doit en émouvoir le grand Bob Marley, là où il se trouve.
 
Fil conducteur de l’album, car instrument ancestral des indiens, le tambour est présent dans toutes les chansons, discrètement ou omniprésent. C’est lui qui débute l’album, pour lancer ‘Trail Of Tears’, et c’est lui qui rythme les onze titres, car les battements du cœur de Wayne, les battements du cœur de tout le peuple indien battent au travers de ces onze chansons:
« Le rythme est pour moi un moyen de me souvenir, dit Wayne. Il figure surtout un son et une pulsation porteurs d’espoir, de joie et d’amour. Un son universel, capable d’élever ma musique tout comme il élève ma vie au quotidien. »
 
La musique de Wayne Lavallee est non seulement celle d’un survivant, mais elle est celle d’un porte-drapeau qui veut rendre sa fierté et son honneur à tout un peuple. Un homme qui doit rêver au jour où les indiens arriveront à ce que les noirs ont obtenu, quitte à se battre encore, et encore. Wayne Lavallee est à sa manière un ‘Buffalo Soldier’ en pleine Amérique. Et Bob Marley veille sur lui.
 
Un CD à acquérir d’urgence et qui vous posera de vrais repères, bien meilleurs que ceux que les politiques tentent de vous refiler après les avoir rafistolés tant bien que mal. Tant mal que pire.
 
Un album qui mérite un grand coup de cœur tant il vous touche, ici, au cœur.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
 
 

(*) Le triple CD ‘Indian Rezervation Blues And More’ (Dixiefrog)a éténoté ‘Indispensable’ par Paris-Move, ‘Coup de Cœur’ par Blues Magazine, il a été ‘Sélection FIP’ et ‘Disque du mois’ sur Sweet Home Chicago, la radio 666 de Marc Loison.

Wayne Lavallee