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Living Being IV (Time Reflections) de Vincent Peirani: L’accordéoniste en architecte de l’intime et du grandiose.
Bien que je sois de ceux qui préfèrent généralement les compositeurs et accordéonistes comme Maxime Perrin, aussi à l’aise dans l’art du phrasé mélodique que dans les formes musicales plus abstraites, ou Frédéric Viale, qui parvient à nous surprendre à chaque album en nous ouvrant à une nouvelle facette de son univers intérieur avec une élégance unanimement saluée, je n’avais jusqu’ici réellement apprécié Vincent Peirani que dans un rôle d’accompagnateur, notamment auprès de Youn Sun Nah. Ses précédentes prestations en tant que leader m’avaient paru trop brutes, trop abruptes, parfois hermétiques dans leur expressivité.
Mais avec Living Being IV (Time Reflections), force est de constater qu’un tournant décisif a été pris. Il est temps de reconnaître ce que cet album accomplit: une synthèse entre vision artistique et maturité musicale, rendue possible non seulement par Peirani lui-même, mais également grâce à la contribution remarquable de Julien Hern, Tony Paelman et Yoann Serra. Un équilibre s’installe enfin, là où ses précédents albums semblaient hésiter ou se disperser. Il en résulte une direction claire, une cohérence qui élève cette œuvre bien au-delà de ses tentatives passées.
Pour des musiciens du niveau de Peirani, une telle évolution exige souvent du temps, ainsi que la bonne alchimie humaine et artistique. Celle-ci semble enfin avoir été trouvée. L’album ne se contente pas d’aligner des morceaux: il présente un véritable univers, un édifice sonore bâti en neuf tableaux expressifs, oscillant entre jazz du monde, jazz-fusion, pop, rock et poésie musicale.
On sent ici non pas une simple démonstration stylistique, mais une forme de confidence. Et c’est peut-être en cela que cet album est si singulier: on découvre un Vincent Peirani comme jamais auparavant, éblouissant de maîtrise, touchant de sincérité, et, surtout, en paix avec lui-même. Living Being IV est sans doute l’album le plus personnel et le plus accompli de sa carrière.
Au cœur du disque trône la grande suite Time Reflections, articulée en trois mouvements: Clessidra, Better Days et Inner Pulse, chacun subdivisé en plusieurs parties (respectivement trois, trois et quatre). Cette construction en miroir n’est pas gratuite: elle reflète la véritable nature de Peirani, musicien-architecte à l’écoute du moindre détail, rigoureux dans son agencement des formes et des textures. Chaque écoute révèle une nouvelle strate, un nouvel agencement subtil que l’on n’avait pas perçu au départ.
Prenez Phantom Resonanz, par exemple: un vertigineux voyage temporel qui relie la polyphonie du compositeur franco-flamand Cipriano de Rore (XVIe siècle) à l’approche contemporaine du pianiste allemand Michael Wollny. Une rencontre improbable, sur le papier du moins, mais qui se révèle d’une simplicité désarmante à l’oreille. L’accordéon y tient un rôle central, porteur d’un récit à la fois archaïque et moderne, presque intemporel.
Ailleurs, le tempo devient langage. Dans L.L. comme dans Bremain Suite, la variation rythmique structure l’émotion. L.L., hommage au guitariste béninois Lionel Loueke, dresse un portrait presque cubiste de l’artiste, fragmenté mais cohérent, vibrant et libre. C’est dans cette capacité à mêler hommage et réinvention que Peirani s’affirme pleinement.
Tout dans cet album évoque une ambition internationale. Cosmopolite, presque cinématographique. Il m’a fallu pas moins de dix écoutes attentives pour en mesurer toutes les subtilités. La production est d’un raffinement exceptionnel, les arrangements d’une efficacité redoutable. Chaque réécoute révèle une richesse nouvelle. C’est une œuvre qui exige du temps, mais qui le rend au centuple.
Et puis il y a Émile Parisien, compagnon de route de Peirani, dont les interventions ici se distinguent particulièrement. Là où il cherchait auparavant avant tout l’efficacité, il gagne ici en musicalité, en souplesse, en émotion. Son jeu s’enrichit d’une profondeur nouvelle, et permet de mieux apprécier l’ampleur de son talent.
Living Being IV (Time Reflections) est un album qui saura séduire des publics très variés: amateurs d’accordéon, passionnés de jazz-fusion, curieux de musiques cinématiques. Certains morceaux évoquent même des bandes-son hollywoodiennes. On s’y perd avec bonheur, et l’on rêve de voir ces musiciens réunis sur scène tant la magie de l’album laisse entrevoir ce que pourrait être la puissance du live.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, August 1st 2025
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Musicians :
Vincent Peirani: accordion, accordina
Emile Parisien: soprano saxophone
Julien Herne: bass
Tony Paeleman: piano, keyboards, Fender Rhodes
Yoann Serra: drums
Trackinglist :
01 Le Cabinet des Énigmes 05:49
02 L.L 07:10
03 Physical Attraction 06:20
Time Reflections
04 Clessidra 08:02
05 Better Days 05:05
06 Inner Pulse 09:26
07 Nach E Vlado 03:53
08 Bremain Suite 08:45
(Under Pressure – Glory Box – I Want You)
09 Phantom Resonanz 05:25
All tracks composed by Vincent Peirani except #8 – medley from Under Pressure, Glory Box & I Want You
Under Pressure composed by Freddie Mercury, David Bowie
Glory Box composed by Isaac Lee Hayes, Geoff Barrow, Adrian Utley, Beth Gibbons
I Want You composed by John Lennon, Paul McCartney
L.L. is dedicated to Lionel Loueke
Phantom Resonanz is dedicated to Céline Foucaut
Recorded by Boris Darley at Studio des Bruères, France
Produced by Amélie Salembier & Vincent Peirani / Yes les Guy’zz
Mixed by Nic Hard
Mastered by Dave McNair
Artwork by Jérôme Witz
Band photo by Elisa Ramirez
Cover photo by Frank Siemers
With the support of SCPP, CNM