VILLAGERS – That Golden Time

Domino
Pop
VILLAGERS - That Golden Time

Autant le confesser de suite: en vieux rocker invétéré, toute confusion entre musique et littérature a rapidement tendance à me fatiguer. À qui m’objecterait que Jim Morrison ne rédigeait pas précisément des recettes de cuisine, ni Bob Dylan des notices de montage pour Ikea (ce qui aurait pu toutefois expliquer l’attribution de son Prix Nobel depuis Oslo), je répondrai que les coïtus interruptus qu’infligeait Patti Smith à ses auditoires, chaque fois qu’elle brandissait ses bésicles et un recueil de poésie au beau milieu de ses concerts, m’ont causé un tel traumatisme que je ne supporte quasiment plus en la matière que quelques rares et concises onomatopées (“No mo do yaka mo”, “Be bop A Lula”, “Hey, ho, let’s go” ou à la rigueur “Awop bop alooma, balam, bam boom”). Autant dire que le spectacle de la longue citation de Friedrich Nietzsche (à vos souhaits) qu’arbore le livret accompagnant ce sixième album du prête-nom de Conor O’Brien n’augurait à mes yeux rien de bon. Le minimalisme avec lequel “Truly Alone” introduit l’affaire (un piano, un métronome et quelques nappes de synthé en crescendo) attise toutefois la curiosité. On y songe à un croisement entre Talk Talk et le Joe Jackson de “Night & Day”, avant que “First Responder” ne nous rappelle à point nommé combien cet O’Brien s’apparente toujours à d’autres grands ciseleurs de mélodies pop, tels que Ron Sexsmith, Sufjan Stevens, XTC et Brian Wilson (montée de cordes, de cor anglais et de pedal steel). C’est le McCartney de “Blackbird” que convoquent ensuite les imparables “I Want What I Don’t Need” et “Brother Hen”, sommets manifestes d’un recueil qui n’en manque pourtant guère. Ainsi du délicatement insidieux “No Drama” (à fondre), auquel on ne trouve guère d’autres compétiteurs que les Lemon Twig ou les Gouldman-Stewart et Godley-Creme de “The Original Soundtrack”. Il n’y aura que certains incultes pour trouver la moindre tournure jazz à la semi-bossa “You Lucky One”, qui aurait par contre pu surgir sous les touches conjointes de Burt Bacharach et Elvis Costello (pas étonnant qu’on en ait sorti un single). Si la plage titulaire accuse l’empreinte louche du Pink Floyd quasi-éponyme de “Time” (un demi-siècle déjà), “Keepsake” réalise pour sa part la synthèse entre le side-project expérimental de Conor (Vanishing Arcs) et sa sensibilité pop (imaginez les Beach Boys produits par Kraftwerk), tandis que le classicisme de ces “Behind That Curtain” et “Money On The Mind” de fin de bal tragique rejoint celui de masters from the past tels que Irving Berlin et Procol Harum. En conclusion (et contrairement à l’expression en vogue chez les mous de la plume et du verbe), ce nouvel album de Villagers ne mettra donc sans doute pas tout le monde d’accord, et c’est heureux car Dionysos (le Dieu grec, pas le groupe de Mathias Malzieu) vomit les tièdes.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, May 16th 2024

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