Rock 'n roll |
Qui d’autre que le talentueux Viktor Huganet pouvait rendre un tel hommage au mythique Eddie Cochran, avec crédibilité et opiniâtreté, sans sombrer corps et âme, au mieux dans une vulgaire plaisanterie, au pire dans un fac-similé dénué d’un quelconque intérêt. Ce nouvel album de Viktor intitulé sobrement Remember Eddie Cochran, avec sa superbe pochette inspirée du Memorial Album de Cochran (mai 1960 – Liberty), réédition à l’identique de l’album 12 Of His Biggest Hits, est vraiment bluffant!
A croire que Viktor Huganet est la réincarnation physique et musicale du natif d’Albert Lea dans le Minnesota et qu’une bonne fée lui a donné naissance, certes une naissance différée de plusieurs années, d’un coup de baguette magique et de poudre de perlimpinpin, le funeste 17 avril 1960, par une nuit crépusculaire au pied d’un maudit lampadaire dans lequel s’était enroulé un taxi, bien trop près, collé-serré, comme pour un slow langoureux des Platters, au moment tant attendu du quart d’heure américain d’une surprise-partie entre deux teenagers juvéniles, un slow tactile à souhait. Un taxi aux portes de l’aéroport de Londres dérapant sur la chaussée mouillée et qui n’atteindra jamais sa destination, alors que celui-ci roulait à vive allure, beaucoup trop vite pour conjurer le sort et aller à l’encontre de l’histoire tragique qui se dessinait pied au plancher. Un taxi Ford Consul de type Mark conduit par l’inexpérimenté George Martin, 20 piges à peine et non-titulaire de sa licence, peut-être exalté et excité à l’idée de conduire deux stars américaines du rock, en la personne de Gene Vincent et Eddie Cochran. Un taxi aux portes de l’enfer qui sortit subrepticement de leur torpeur Sharon Sheeley et Gene Vincent, fatigués par une longue tournée triomphale à travers l’Angleterre, un taxi transformé en une boule de flipper incontrôlable, rebondissant de droite à gauche de la route glissante sans toucher l’extra ball, métamorphosant ses occupants en de vulnérables poupées de chiffon désarticulées et qui malheureusement, entraîna Eddie Cochran au royaume des ténèbres, fauché en pleine gloire. Tilt! Game Over! La partie était terminée malgré une fourchette désespérée des secouristes accourus sur les lieux de cette tragédie et du corps médical de l’hôpital de Bath, qui restera vaine. Les sarcasmes et l’ironie du destin avaient encore frappé. Eddie avait 21 ans! Il n’avait que 21 ans! 21 ans et toute la vie devant lui, toute une légende à écrire, ou plutôt à compléter et à faire perdurer, car dans la légende, Eddie y est entré par la grande porte dès février 1957 avec Sittin’ In The Balcony (label Liberty)! Un jeune policier, David Harman, récupérera sur les lieux de l’accident sa légendaire guitare Gretsch non endommagée, intacte, prête à rejouer illico les riffs de C’Mon Everybody ou de Jeannie, Jeannie, Jeannie, comme un signe divin pour poursuivre l’histoire, ainsi que le texte manuscrit de Cherished Memories, lui-aussi inaltéré malgré le choc violent. Son titre Three Steps To Heaven (Trois Pas Vers Le Ciel) était-il prémonitoire? Nul ne le saura jamais. Ironie du sort, la Ford Consul de type Mark, était jonchée de confettis à l’intérieur, puisque l’après-midi, elle avait servi pour un heureux mariage. Qui aurait pu prédire, entre confettis, cotillons et langues de belle-mère, que le soir venu, ce véhicule allait servir de prélude à un destin tragique, de clap de fin et de sinistre corbillard. Après ses amis Buddy Holly et Ritchie Valens (qui nous quittèrent dans un effroyable accident d’aéronef) et tant d’autres apôtres disparus prématurément et tragiquement, le rock’n’roll serait-il définitivement maudit? Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre dixit Lou Reed dans l’une de ses chansons ou James Dean au volant de sa Porsche 550 Spider sur la route de Salinas. C’est vrai qu’on imagine mal un chanteur de rock’n’roll mourir vieux de sa belle mort au sein de son EHPAD, après avoir ingurgité un bol de tilleul menthe et deux ou trois petits-beurre, bien calé dans son rocking chair, en relisant ‘Le Grand Meaulnes’ pour la énième fois.
Viktor Huganet, ambassadeur de luxe de la guitare Gretsch est un musicien surdoué, certainement le meilleur de sa génération dans le style rock’n’roll/ rockabilly. Il y a quelques mois, j’avais lu avec effroi dans le magazine Rolling Stone je crois (si ma maladie d’Alzheimer neurodégénérative me fout la paix deux minutes!), à propos de Viktor, je cite: Cochran sors de ce corps! Quelle maladresse! Quelle inexactitude de la part de ce pseudo-journaliste dont je tairais volontairement le nom. Un piètre gougnafier de la chronique musicale, un sublime pignouf du verbe à l’ironie corrosive, certainement un musicien du dimanche entre la poire et le fromage, pas très à l’aise dans ses Converse, un raté, aigri et envieux. A l’écoute de Remember Eddie Cochran ou de Rock ‘N’ Roll VO/VF (Big Beat Records), je dirais promptement et avec aplomb en parlant de Viktor: Huganet sors de ce corps! Car avant toute chose, bien qu’ayant été biberonné aux œuvres impérissables d’Eddie Cochran, qu’il a laissées à la postérité comme un héritage et aux disques de Brian Setzer (Stray Cats), Viktor fait du Huganet. Malgré ces deux principales influences précitées, étant indubitablement la réincarnation de Cochran (encore une fois physique et musicale) et le fils spirituel de Setzer, Viktor s’impose comme un artiste authentique, avec son empreinte personnelle, sa propre personnalité, aux antipodes d’un vulgaire imitateur ou d’une pâle copie, comme il en existe des centaines avec Elvis ou Johnny Hallyday. Rappelez-vous le coup de baguette magique de la bonne fée, le 17 avril 1960. Vous ne me croyez pas? Et pourtant, avec Brian Setzer, voire Darrel Higham et Thierry Le Coz (The TeenKats), c’est bel et bien Viktor qui avait été choisi par la bonne fée, habituée d’influer sur le monde des vivants grâce à ses pouvoirs surnaturels, en qualité de fer de lance, pour perpétrer le mythe Cochran, Gretsch en bandoulière et gueule d’ange ou de mauvais garçon, pouvant laisser penser qu’Eddie n’est pas tout à fait mort… Cette fée, que certains témoins oculaires et bien sous tous rapports, affirment avoir revue à moult reprises, volant allègrement dans les airs, entre Le Grand Hôtel de Bristol et Chippenham aux portes de l’aéroport de Londres, tout en sifflotant I Remember, aura changé le futur de Brian Setzer et Viktor Huganet en chamboulant leurs vies. Tel un électrochoc, plus rien ne sera comme avant. Par ailleurs, les nuits noires d’ébène, de brouillard et de blizzard, on peut entendre la voix inimitable d’Eddie s’engouffrer entre les branches des platanes, à l’endroit-même de l’accident, avec toujours ce satané réverbère qui malgré un nombre incalculable de réparations, s’obstine à ne pas fonctionner, distillant inexorablement et inlassablement, obscurité, chair de poule et mauvais présage, le hululement d’un hibou couvrant la voix d’Eddie qui semble très lointaine…
Viktor Huganet vient de sortir un album hommage à Cochran, XXL, stratosphérique, sous l’œil bienveillant de l’inoxydable Jacky Chalard (Big Beat Records). Viktor et ses musiciens, ont effectué un travail titanesque en studio, pour atteindre une telle perfection de son et d’interprétation proche d’Eddie. On peut citer entre autres Thierry Sellier (drums, ukulélé), comparse de Jake Calypso et membre éminent des Hot Chickens, et l’excellent et généreux Jake Calypso (Hervé Loison, double bass), qui a apporté sa précieuse pierre à l’édifice, par son indéniable savoir-faire, son expérience et son amour immodéré du rock’n’roll… Ce que fait Viktor à 38 ans est tout bonnement énorme! Je ne vais pas me transformer en musicologue à deux balles, rébarbatif et chiant, adepte de la masturbation intellectuelle, en faisant l’historique des douze titres de Cochran, revisités à la sauce Huganet, ou en vous donnant la couleur des chaussettes de Thierry Sellier et le nombre de Ch’ti ou de Jeanlain ingurgitées en studio, ni le numéro de sécurité sociale de Jake Calypso… Avec de tels musicos, toutes les planètes étaient alignées pour réaliser un grand disque, un album d’anthologie. Pour l’historique des titres, je vous revoie à l’indispensable bouquin de Thierry Liesenfeld: Eddie Cochran – Rock à tous les étages (éditions Saphyr). La Bible! Sachez cependant qu’il y a C’Mon Everybody, I Remember, Love Again, Don’t Ever Let Me Go, Cotton Picker… magnifiquement interprétés par Viktor Huganet qui, au sein de cet opus, accumule les prouesses vocales et musicales. Quel guitariste extraordinaire et quel chanteur hors pair, sans accent franchouillard, baguette de pain, camembert de Normandie moulé à la louche et litron de pinard.
C’est un album INDISPENSABLE qui vous est proposé, un opus transgénérationnel, intemporel, magique, sublime et immortel, comme l’œuvre discographique de Cochran. Et que les éventuels empêcheurs de tourner en rond, les béotiens de tout poil et autres indécrottables pisse-froid, vengeurs masqués sur Facebook, ne viennent pas me dire que Viktor est trop Setzer, pas assez comme ci ou trop comme ça, car dans ce cas de figure, je risquerais de sortir ma boîte à gifles de mon laboratoire secret et d’en faire bon usage! A bon entendeur… Je dédie ma modeste chronique à la mémoire d’Eddie Cochran, un ange bien trop tôt disparu, un guitariste de rock moderne, subtil et avant-gardiste, qui aurait pu changer le cours de l’histoire des années 60. Je dédie également mon humble chronique au papa de Viktor, lui-aussi bien trop tôt disparu, mais qui aura eu le temps de lui faire découvrir le rock’n’roll en général et l’œuvre de Cochran en particulier. Clin d’œil également au passionné Jacky Chalard, inusable boss de Big Beat Records, aux indispensables Jake Calypso, Thierry Sellier… mais aussi et surtout à Viktor Huganet pour son talent et pour l’ensemble de son œuvre et en particulier pour ce vibrant hommage au mythique Eddie Cochran 30 octobre 1938 – 17 avril 1960. Comme disait Jimi Hendrix: “Je veux que l’on joue des chansons de Cochran lors de mes funérailles.” Vous qui découvrez le personnage à travers cet album de Viktor Huganet, ne l’oubliez jamais!
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, September 24th 2024
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