Blues |
En dépit de Katrina et de tous les ouragans qui l’ont précédé, la Nouvelle-Orléans mérite bien son inscription au patrimoine culturel de l’humanité. Ne serait-ce que pour sa légendaire singularité: plus que toute autre au monde en effet, cette ville est musiques, et au pluriel s’il vous plait. Improbable creuset au carrefour de dizaines de cultures (anglo-franco-caribbéenne, africano-cubaine, mais aussi animiste, catholique, vaudou, wolof et yoruba), cette presqu’île au débouché du Mississippi n’a eu de cesse de brasser ces influences en un gumbo aussi savoureux qu’unique et intriguant. Et, surtout, aussi irrésistible que ces Créoles aux interminables guibolles, se déhanchant lascivement sur les rythmes mambo, zydeco et rumba qu’y scandent les parades du Mardi-Gras. Ne se contentant cependant pas de ces clichés réducteurs, cette superbe anthologie s’évertue à dresser une time-line depuis le blues, le jazz et le gospel indigènes jusqu’aux immenses créateurs qui en advinrent. Frankie Lee Sims, Guitar Slim, Professor Longhair, Dave Bartholomew, Huey Piano Smith, Fats Domino, Johnny Adams, Irma Thomas, Eddie Bo et Lloyd Price (pour n’en citer que l’écume) offrirent à notre monde ébahi d’innombrables classiques tels que "I Hear You Knocking" (repris par Dave Edmunds), "Don’t You Just Know It" (par Dr. Feelgood), "Slow Down" (Beatles, The Jam), "Bonie Moronie" (Dr. Feelgood, Johnny Winter), "Ain’t Got No Home" (The Band), "Dizzy Miss Lizzie" (Beatles, Plastic Ono Band) ou encore "She Said Yeah" (Stones, Flamin’ Groovies) et "Fortune Teller" (Stones, The Dogs). En 72 plages et 32 pages d’un livret aussi érudit que pertinent, Bruno Blum nous emmène une fois encore aux sources des musiques contemporaines. De surcroît, le mastering est réellement à tomber.