TYLER MORRIS – Living In The Shadows

Vizztone
Blues-Rock
TYLER MORRIS - Living In The Shadows

Pour paraphraser les Eagles, il semble bien qu’il y ait un nouveau wonder-kid en ville. Depuis Monster Mike Welch, Jonny Lang, Nawfel et Kenny Wayne Shepherd, les guitar-heroes précoces n’épatent plus grand monde, mais ce lascar-ci dépasse les bornes dans cette catégorie. Âgé d’à peine 21 ans, Tyler Morris aligne en effet déjà quatre albums en dix ans de carrière! Pour sa seconde parution chez Vizztone, il aligne les guests comme à la parade, de Ronnie Earl et Mike Zito (qui produit le tout) à Joe Louis Walker et Amanda Fish, tandis que le cortège des fées penchées sur son berceau n’en finit pas de s’étendre (depuis Brad Whitford d’Aerosmith à Elliot Easton des Cars, en passant par Leslie West, Ronnie Montrose, Walter Trout et Robben Ford). On s’alerte toutefois dès la version dessalée du “I’m Movin’ On” de Gary Moore qui ouvre cette galette. Des notes et des choruses partout, en chandelle, en vrille et en piqué – nous trouverions nous en présence de l’un de ces futiles et pénibles shredders de plus, ces vulgaires et bravaches branleurs de manche qui polluent le blues-rock depuis des décennies? Fort à propos, la reprise du mid-tempo “Everybody Wants To Go To Heaven” de Don Nix bride quelque peu le jeu volubile de ce fougueux poulain, et démontre qu’il n’a pas écouté que Joe Bonamassa, Eddie Van Halen at Yngwie Malmsteen. Les choses se corsent avec la reprise du “Polk Salad Annie” du très regretté Tony Joe White, au fil duquel le gamin croise le fer avec Mike Zito et Joe Louis Walker (et leur cède le micro), tout en y citant Creedence Clearwater Revival (“Born On The Bayou”) et John Fogerty (“The Old Man Down The Road”). Quitte à explorer le swamp, la plage titulaire et “Taken From Me” arborent un funky beat vicieux évoquant le Skynyrd des grandes heures. “Temptation” réaffirme l’héritage de Gary Moore, tandis que “Better Than You” (chanté par la volcanique Amanda Fish) permet à Tyler Morris d’afficher ce qu’il a pu piocher chez les Stones, et “Why Is Love So Blue” ce qu’il a retenu de Stevie Ray Vaughan. “Nine To Five” le voit à nouveau céder à son fâcheux penchant juvénile pour la vaine bavardise, tandis que son homonyme du “Young Man Blues” de Mose Allison (hélas sans relation) le voit dialoguer avec un Ronnie Earl que l’on a rarement ouï en contexte aussi lourdingue, et que “I’m On To You” renvoie à l’Aerosmith des tout débuts. C’est la première fois dans sa discographie que Tyler Morris assure la majorité des lead-vocals, mais cela ne s’avère pas son point fort, tant sa tessiture semble encore tributaire de son physique à peine pubère. Entre heavy blues débridé et nécessaire concision, ce garçon semble désormais à l’heure du choix. S’il pouvait finir par admettre que la guitare blues s’apparente plus à un fusil à lunette qu’à une kalachnikoff, on le retrouverait sans doute avec davantage de plaisir dans ces colonnes.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 9th 2020