TV PRIEST – Uppers

Sub Pop / Modulor
Post-Punk
TV PRIEST - Uppers

La première impression qui saute aux tympans corrobore celle que suscite le spectacle de leurs trognes et de leurs dégaines: ces types ne font aucun effort pour plaire, et encore moins pour séduire. Londoniens de la même génération que Fat White Family et leurs condisciples irlandais de Fontaines DC (et à peine moins âgés que les délicieusement odieux Sleaford Mods), TV Priest affiche le négligé capillaire et vestimentaire de chiffonniers des Balkans: bonnets serrés façon Dexys Midnight Runners, pilosité pas hipster pour deux shillings, et même des bacchantes de Turkmène pour le chanteur, Charlie Drinkwater (lequel n’assume en rien l’image de tempérance que suggère son pseudonyme). Le martèlement motörik compulsif du batteur Ed Kelland (arborant un T-shirt appelant à boycotter le golf) impulse une tension permanente à ces douze originaux, où les harangues du baryton Drinkwater (en perpétuelle éruption) chevauchent des guitares post-punk dont l’abrasivité aride évoque tour à tour Joy Division, Gang Of Four, Wire et The Fall. Si l’on décèle encore de ci, de là, quelques menues séquelles de cette new-wave épique du début des eighties, on n’y retrouve pour autant aucune des veules formules auxquelles se plièrent ensuite U2 et consorts. TV Priest ne prétend nullement amuser la galerie, ni se soumettre non plus à quelque hype susceptible de lui ouvrir la voie des stades. Les Anglo-Saxons appellent ça un “wake-up call”, et ces types semblent en effet résolus à décréter l’état d’urgence. Avec ses relents tenaces et mutants du “Down On The Street” des Stooges et (surtout) du “White Light White Heat” du Velvet, le “Big Curve” introductif ne traite pas d’autre chose. La Grande-Bretagne doit être bien dans la merde pour produire ce genre de sons en 2021, mais que l’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’un manifeste d’envergure pour des situationnistes de cet acabit. Et ils n’épargnent personne: ni les media (“Press Gang”), ni le nationalisme insulaire et brexitaire (“This Island”), ni les effets rétrogrades de la pandémie actuelle (“Journal Of A Plague Year”), ni ce qu’il subsiste de bigoterie ambiante (“Fathers And Sons”). Souvenez-vous de Jean Cocteau, il n’existe pas de précurseurs, seulement des retardataires. À ce titre, cet album préfigure sans doute le véritable no future. Si le rôle de l’artiste consiste à témoigner de son époque, la nôtre s’apparenterait donc plutôt au naufrage du Titanic. Glaçant, sensuel et animal à la fois, est-ce ainsi que les hommes vivent? Croisement nihiliste et menaçant entre les Unknowns de Bruce Joyner et de Seeds irradiés, un premier essai en forme de sauve qui peut, mais dont le capital addictif s’accentue à chaque écoute.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 23rd 2020

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Attention: Disponible “on Limited Loser Edition vinyl”!