Oriental disco |
Les frères Nakhleh sont originaires du plateau du Golan, territoire syrien occupé en 1967 (après la guerre des Six-Jours), et annexé par Israël en 1982. Depuis ses 1.000 mêtres d’altitude, il domine la Galilée et constitue une position stratégique importante aux confins de la Syrie, puisqu’il surplombe Damas. Beaucoup moins peuplé que les autres territoires occupés, le Golan ne compte à ce jour guère plus de 22.000 Druzes (pour 30.000 colons israéliens). Objet principal des difficiles négociations israélo-syriennes entamées depuis trente ans lors de la conférence de Madrid, c’est une terre d’exil pour sa jeunesse, qui ne s’exporte dans le reste du Moyen-Orient qu’au prix d’un coûteux statut d’apatride. Le titre de ce second album de Hasan et Rami Nakhleh (qui forment Tootard) n’a donc rien de fortuit (le premier s’intitulait “Laisser Passer”). S’arrimant aux sons synthétiques qui bercèrent leur enfance dans les années 80, les 12 plages qui le composent en assument, avec une touchante nostalgie, la dimension surannée. Avec son synthé vintage “arabisé” (incorporant les quarts de tons des gammes orientales) et ses beat-boxes à mi-chemin des rythmes chaloupés des danses traditionnelles et de ceux, plus cadencés, d’un Club 54 mythifié, cette livraison de Tootard comporte suffisamment d’arguments pour faire saliver l’auditoire de Radio Nova. Entre la Natacha Atlas de “Ayeshteni” et le Rachid Taha de “Voilà Voilà”, la mélancolie qui transpire de ces appels au dance-floor en constitue à la fois le sel et l’intérêt. Si vous vous demandez encore comment Topper Headon a pu remonter la pente après ses années de désintox et d’incarcération, souvenez vous que c’est lui qui avait composé “Rock The Casbah”. “Ah, l’Orient, mon vieux Robert”, comme le clamait avec emphase Guy Bedos…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, May 31st 2020