Tony Joe White – The Shine

Munich Records
Blues

Fin d’année 2010 superbe, et même exceptionnelle grâce à Tony Joe White, il faut bien l’avouer. Et que tous ceux qui se posaient des questions existentielles pour savoir quoi offrir comme cadeaux pour ces fêtes de fin d’année se rassurent, le vieux renard des bayous vous propose non seulement le splendide coffret CD + DVD ‘Live’, mais aussi un excellent nouvel album studio. Le vingt neuvième d’un parcours musical ponctué de titres devenus des pièces musicales appartenant au patrimoine musical de l’humanité, comme ‘Rainy Night in Georgia’, ‘Steamy Windows’, ou encore ‘Polk Salad Annie’, chanson qui figure sur son premier LP sorti en 1968, ‘Black and White’.
Deux ans plus tard, il passait en France, en tournée avec Creedence Clearwater Revival ou Steppenwolf. Hé oui, ‘Born to be wild’ chantait ces derniers, tandis que ce bon Tony, né aussi pour être sauvage, héritait du surnom de renard des marais.
Un renard qui marque de son empreinte les décennies suivantes, comme en cette année 89 où il produit l’album ‘Foreign Affair’ de Tian Turner, jouant de plusieurs instruments (le saviez-vous?) et signant au passage pour elle quatre chansons, dont le désormais cultissime ‘Steamy Windows’. Sa rencontre avec le manager de Tian Turner, Roger Davies, va conforter l’orientation musicale prise et, deux ans plus tard, sort le génial ‘Closer to the Truth’.

Avec ‘The Shine’ Tony Joe White réussit le tour de force d’être dans la continuité des albums qui ont suivi ‘Closer to the Truth’ tout en revenant au point de départ de toute cette aventure, le fameux ‘Black and White’. Comme cette balade dans les marais au cours de laquelle on ne cesse d’avancer tout en ayant l’impression de repasser à chaque fois par son point de départ. Comme un cycle de vie parfait où tout est recommencement pour mieux élargir le cercle des années qui passent. Un cercle parfait, d’un magnétisme captivant et dans lequel Tony Joe White vous embarque, comme si vous étiez son meilleur pote depuis…bien logntemps, au travers d’une dizaine de titres enregistrés avec George Hawkins à la basse, Tyson Rogers aux claviers, Jack Bruno à la batterie et John Catchings au violoncelle.
Les chansons ont toutes les teintes du domaine du renard, comme ce superbe ‘Strange Night’ aux couleurs sombres que traverse un rayon de lumière lunaire, ou ce ‘Tell me why’ qui va rythmer les battements de votre cœur. Car tout, ici, vous touchera au plus profond de vous-même et c’est avec une émotion non contenue que vous suivrez Tony Joe White où il vous emmènera. Et comme il le chante si bien, ‘Roll, Train Roll’, car la vie est ainsi, et rien ne pourra l’arrêter, comme le train dans lequel vous embarque TJW.

 

Le vieil alligator du Bayou ne sort plus que rarement, mais quand il le fait, gare à vous, car ses coups de pattes sont puissants, ses dents acérées, et le vieux cuir dont il est fait ne plie pas facilement!
Dix balades plus ou moins rythmées, fredonnées sur le mode de la confidence et vous voilà, une fois de plus, embarqués avec lui, pour une navigation pleine de mélancolie et de nostalgie. Dave Robicheaux rôde dans le coin, c’est sûr, les phares du pick-up éteints. Jack Bruno à la batterie et aux percussions, George Hawkins à la basse, Tyson Rogers au piano, à l’orgue et au Wurlitzer, John Catchings au violoncelle et le grand Tony au chant, à la guitare et à l’harmonica, nous interprètent ces morceaux de manière très naturaliste et minimaliste. Un peu comme si, tous ensemble réunis autour de la cheminée, leur prenait l’envie de laisser libre cours à l’improvisation en même temps que le désir de simplifier à l’extrême ce qu’ils jouaient auparavant pour mieux faire ressortir la poésie des textes et l’apparente simplicité des mélodies. On se tient debout au milieu du carrefour où la genèse d’une œuvre prend forme. Le talon des bottes enfoncé au bord du marais, dans le swamp blues.
Le temps a beau passer, ‘Strange Night’ n’est pas si éloigné que cela de ‘Polk Salad Annie’, après tout, et on se surprend même à balancer de la même manière sur ces deux morceaux que séparent pourtant quelques dizaines d’années. Et quand le vieux briscard d’Oak Grove, Louisiane, saisit sa guitare, il ne peut éviter de marteler ses accords de la manière qui rendit son jeu si typique. Ce sont évidemment de très belles compos qu’il nous offre là, qui suintent la sincérité et l’authenticité. Fidèle à lui-même. Et nous ne pouvons qu’avoir envie de lui dire que nous aussi, nous lui restons fidèles.
A consommer de préférence avec un verre de Jack à la main et une canette de Ginger Ale posée sur le piano.

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine
Tony Joe White