Tony Joe White – Rain Crow

Yep Roc
Blues

Dès la plage d’ouverture, «Hoochie Woman», la même scénographie se met en place: sur le beat buté et nonchalant de «Polk Salad Annie», le même timbre guttural égrène une de ces superstitions des marais dont on est désormais familiers, tandis que l’on patauge sur tapis d’orgue, et avant que la proverbiale Santiag n’écrase de la wah-wah d’usage le feed-back qui menaçait. Car un nouvel album de Tony Joe (son 19ème studio, si nos comptes sont exacts), c’est un peu un rituel en soi. À nouveau produit par son propre fils Jody, ce «Corbeau de Pluie» se révèle un bon cru. Qu’il signe seul ou avec son épouse Leann (voire avec l’acteur-songwriter Billy Bob Thornton, pour «Middle Of Nowhere», cousin alangui de «Tunica Motel»), Tony Joe assume plus que jamais sa fonction de conteur. Qu’il perpétue sur la trame funk-folk-blues dont il déposa la marque voici un demi-siècle – fond de commerce qu’il ne partage qu’avec très peu d’élus (au rang desquels le regretté J.J. Cale, et leur émule, Chris Rea). Alternant climats sombres et lumineux, et faisant sonner tour à tour grillons et tonnerre, ce bougre d’homme poursuit donc son bonhomme de chemin, aussi impavide et déterminé que les alligators qui peuplent sa région. En ces temps où l’on prétend faire passer pour artiste n’importe quel produit manufacturé, Tony Joe White rassure. Comme un phare au milieu de la confusion.

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico & BluesBoarder
Tony Joe White