Tony Joe White – Hoodoo

Yeprock Records
Blues

J.J. Cale ayant tire sa révérence cet été, le vieux renard doit se sentir un peu plus seul au fond du bayou. Mais cela ne l’a pas empêché de sortir une galette comme il n’en avait plus fait depuis quelques années, les morceaux de celle-ci retrouvant les racines de la Louisiane profonde qui l’a vu naître et sa vieille Fender résonnant de manière encore plus swamp bluesy que jamais. Des rythmes savamment syncopés servent de toile de fond à des textes quasiment autobiographiques. On pourrait certes déplorer le fait qu’il n’y ait que neuf morceaux sur cet opus mais la cohérence entre eux est telle que l’unité de l’ensemble est indéniable et que passer les neuf titres en boucle rajoute encore de l’harmonie à l’écoute.
Après plus de 50 ans de carrière et plus de 30 albums à son compteur, le vieux renard épate encore son auditoire. Un journaliste écrivit un jour qu’il y avait un disque de son vieux copain John Weldon Cale pour toutes les heures de la journée. Je pourrais ajouter que cet album de Tony Joe White se savoure à toute heure du jour ou de la nuit, et qu’on peut l’écouter encore et encore, comme si l’on tournait lentement les pages d’une longue saga sudiste. Indispensable…!!!

 

Le vieux renard est de retour avec un album qui va aller se placer, direct, dans le Top 5 des tous meilleurs albums de l’année, si ce n’est de la décennie. Tout y est nickel et crade à la fois, clean et marécageux, façonné et taillé à la hache. La voix semble avoir traversé les années comme on traverse le bayou, avec assurance mais en y laissant un peu de son énergie vitale. Comme si le poids du temps qui passe ne voulait épargner personne.
Le bonhomme nous revient avec un son qui ne laissera personne indifférent, comme sur cet énigmatique ‘Holed Up’ sur lequel il plante un groove hypnotique à la J.J. Cale, son pote parti trop tôt.
Clin d’oeil à sa jeunesse de ‘poor cotton-farmer’s kid’ avec l’excellent ‘9 Foot Sack’ (‘…daddy was a cotton farmer, seven kids to raise…’), et incantations aux aléas de ce temps qui n’épargne jamais la Louisiane, avec deux titres révélateurs, ‘The Flood’ et ‘Storm Comin”, sans oublier l’incontournable ‘Alligator, Mississippi’. Mais la pièce maîtresse de cet opus est sans conteste l’énorme ‘The Gift’, chanson dans laquelle Tony Joe White croise dans un cimetière les fantômes et les ombres de bluesmen disparus (‘I was sitting in a graveyard late one night and I didn’t know why…’). Comme si le renard des marais avait besoin de nous préparer à ce voyage qu’il fera, le jour où il aura rejoint son pote J.J. Cale.
Ils sont rares, ces artistes que l’on peut reconnaître immédiatement en deux ou trois notes, et Tony Joe White fait partie de ces références que l’on reconnaîtra encore dans plusieurs dizaines d’années rien qu’à l’écoute des premières notes de ses chansons. Sûr que les monuments que sont ‘Polk Salad Annie’ et ‘Rainy Night in Georgia’ resteront gravés dans l’histoire de la musique pour l’éternité, mais j’ose tenir le pari qu’au moins un des titres de cet album fera partie des incontournables et indestructibles ‘Best of’ qui inonderont les décennies à venir, et ce sera sans aucun doute ‘The Gift’. Un cadeau que nous a fait Tony Joe et qui nous va droit au coeur.

Tony Joe White