Blues

Bien qu’originaire de Salt Lake City, on se sentirait presque en droit d’imaginer à Tony Holiday des origines germaniques. Il compte en effet un homonyme allemand en la personne d’un obscur crooner de variété défunt, et il partagea le nom de son groupe initial, les Velvetones (outre celui d’une formation doo-wop des années 40), avec une fameuse formation rockabilly teutonne! Blague à part, ce jeune harmoniciste, déjà adoubé par de grands aînés (de Charlie Musselwhite et John Nemeth à Bob Corritore et Rick Estrin), débuta en tant que guitariste avant de se découvrir une vocation pour l’instrument à lamelles. Ayant débarqué chez Vizztone avec un album choral (“Porch Sessions”, où figuraient en guests John Primer, James Harman, Kid Ramos, Rockin’ Johnny Burgin, Ronnie Shellist, Nemeth, Corritore et ce bon vieux Memphis Charlie), Tony propose à présent un premier album ramassé en huit plages qui suffisent à démontrer l’étendue de ses atouts. Harmoniciste puissant et évocateur (y compris au chromatique), il se double en effet d’un chanteur accompli, mais aussi et surtout, d’un songwriter aussi malicieux que captivant. Le bougre connaît manifestement ses classiques: citant le “You Can’t Judge A Book” de Willie Dixon sur son propre “Good Advice”, Tony Holiday emprunte le riff du “Oh Pretty Woman” d’Albert King pour en faire la trame de son “Payin’ Rent On A Broken Home”, tandis que les soul ballads “It’s Gonna Take Some Time” et “Day Dates (Turn Into Night Dates)” portent la marque du regretté James Carr. Son complice, le jeune surdoué des six cordes Landon Stone, épouse chaque inflexion de la versatilité du patron, que ce soit en terrain swing-jazz (“Checkers On The Chess Board”), Texas shuffle (“She Knocks Me Out”) ou rockin’ southern (“Ol’ Number 9”), et le grand Victor Wainwright en personne officie aux claviers. Si bien que l’on ne fera qu’un seul reproche à cette livraison: sa brièveté.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 21st 2020