TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS – Stomping Ground

Alligator
Blues

“Stomping Ground”, 15ème album pour ce bon Tommy (si l’on excepte ceux qu’il enregistra à ses tout débuts au sein des Dynatones), et 5ème déjà chez Alligator. Avec ses Analgésiques (les Painkillers, parmi lesquels le bassiste Randy McDonald affiche plus de deux décennies de bons et loyaux services), il assume plus que jamais sa propre dualité: à la fois blues et soul, mais également Latino et Américain. À cet égard, “Fear Is The Enemy” et “My Old Neighborhood” (dans une Amérikkke dirigée par un président solidaire des suprémacistes les plus glauques) font figure de manifestes résolus pour la tolérance. Cavalant sur les terres de Z.Z. Top, le boogie-shuffle “Enough Is Enough”, voit Tommy faire scintiller un bottleneck vicelard, tandis que l’orgue de Michael Emerson souffle sur les scories. “Love Is” emprunte un second line beat louisianais comme ceux que pratiquaient les Neville Brothers et autres Meters, moîte et lascif à souhait, tandis que la cover du “Rock Bottom” d’Elvin Bishop accueille en guest un Mike Zito, audiblement trop heureux d’harmoniser ses six cordes et sa voix à celles de Tommy, à la manière des premiers Fleetwood Mac, période Green/Spencer. Quant à la reprise survitaminée du “Soul Shake” dont Delaney & Bonnie firent un hit voici plus de 45 ans, elle voit la chanteuse Danielle Nicole y duettiser à son tour avec son timbre soulful. “Further On Down The Road” est un hommage au grand Taj Mahal, et “Them Changes” à deux autres géants (hélas disparus), Buddy Miles (qui le composa) et Hendrix (qui l’interpréta avec celui-ci au sein du Band Of Gypsies). Sur ce dernier, Tommy croise le manche et le micro avec une autre célébrité locale, David Hidalgo (Los Lobos), venu en voisin. “Sticks & Stones” de Titus Turner, est surtout l’occasion de réaffirmer la dévotion de Castro pour le grand Ray Charles qui l’enregistra en son temps.
L’album “Stomping Ground” est co-produit par l’un des wonder kids les plus omniprésents de nos jours, Kid Andersen, dont le travail avec Rick Estrin & The Nightcats et Rockin’ Johnny Burgin accoucha récemment de magistraux efforts. Ces sessions se tinrent comme il se doit en son propre studio, Greaseland, à San José. Faut-il rappeler que c’est dans cette périphérie de San Francisco que Tommy naquit et fit ses premières armes…? La plage finale le voit payer tribut à l’un de ses premiers mentors, en accueillant le grand Charlie Musselwhite (avec lequel il enregistra jadis un live au sein des Dynatones). Et c’est ainsi sur l’axe Memphis-Chicago que se referme l’album sans temps faible d’un musicien parvenu à la plénitude au bout de quarante ans de galères. Qu’on se le dise, Tommy Castro paie toujours ses dettes, et comme l’énonce le dicton, c’est ainsi qu’on s’enrichit.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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