| Blues |
Après l’avoir surpris seul au micro, à la guitare, à l’harmo et à la grosse caisse, sous un Magic Mirrors monté en bordure d’un square balnéaitre de Flandre occidentale (et sur la foi de son premier LP, “One Man Blues”, paru en 2008), on imaginait Tim De Graeve sagement rangé dans la catégorie des one-man-bands, avec l’option Mississippi Delta fièrement scotchée dans le dos. Mal nous en prit: dans sa bonne ville de Gand, la scène locale pullule de talents, et un club dédié à ces musiques y attire de loin les zicos à la ronde. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, la Belgique est au blues ce que l’Argentine, l’Égypte et la Syrie furent aux criminels nazis: à la fois un refuge, une terre d’accueil et une base arrière… Au contact de nombre de ses pairs, le môme un brin surdoué que nous découvrîmes avec un brin de condescendance (le Royaume de Belgique en fourmille) a continué de muter, et tout en demeurant fermement ancré dans le blues, ce cinquième album en onze ans en enjambe allègrement les clôtures et les étiquettes. “One More Chance”, “In The Morning” et “The Game” sonnent ainsi comme des boogies millésimés John Lee Hooker réarrangés par Muddy Waters et le Wolf Gang, tandis que “Still In Love” est un rumba blues lascif façon Otis Rush période Cobra, et “The Lovin’ Kind” une de ces drôleries rythmiques qu’affectionnait en son temps Chester Burnett. Les cuivres achèvent de leur conférer leur saveur et leur suc, et l’harmonica juteux de Steven Troch n’est pas en reste en la circonstance. La plage titulaire revisite à la sauce Memphis-Hi un classique intemporel, tandis que “Don’t Be Sorry” renvoie aux climats aériens qu’arpentaient les regrettés Mississippi John Hurt et J.J. Cale. “I Ain’t Ready” dresse finalement un pont salutaire vers Fred McDowell, comme pour souligner le chemin parcouru. À l’arrivée, un album difficilement classable, mais qui ravira les amateurs éclairés, pour peu qu’ils s’avèrent à la recherche de quelque sang neuf à même de dépoussiérer leurs vieilles marottes. Aussi addictif que jubilatoire!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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