TINSLEY ELLIS – Naked Truth

Alligator
Blues
TINSLEY ELLIS

Pour son 21ème album en plus de quarante ans de carrière, le légendaire guitar hero georgien Tinsley Ellis crée la surprise, en osant proposer son premier effort 100% acoustique. Lui dont la réputation s’est en effet perpétuée au cours des décennies à coup de prestations électriques incendiaires (ne présentait-il pas, sur la jaquette intérieure de son récent “Winning Hand” (chroniqué ICI), les photos de ses quatre Gibson – ES 345, Les Paul Standard et Deluxe – ainsi que celle de sa Strato Fender?) se réinvente donc ici en country-blues gentleman, appuyant son propos de trois covers significatives. À commencer par le fameux “Death Letter Blues” de Son House (dans une relecture des plus fidèles), suivi du “Don’t Go No Further” de Willie Dixon (dont les Doors de Jim Morrison firent la B side de leur single “Love Her Madly”, sous le titre “You Need Meat”). Et dès l’original “Devil In The Room”, on retrouve le foot-stomped groove de Mississippi Fred McDowell, exécuté avec une confondante agilité entre slide et picking. Il est plus surprenant encore d’ouïr le timbre de Tinsley, d’ordinaire profond et graillonnant, épouser le falsetto caractéristique du regretté Skip James sur l’original “Windowpane”. On ne souvient guère en avoir entendu recréation plus convaincante depuis John Hammond sur son remarquable live intimiste intitulé “Solo” (Vanguard). La geste élégante de Jorma Kaukonen circa Hot Tuna unplugged se manifeste également via les délicats instrumentaux “Silver Mountain”, “Alcovy Breakdown” et “Easter Song” (alternant fingerpicking et strumming agrestes), pour se prolonger par la reprise de ‘”The Sailor’s Grave On The Prairie” du virtuose Leo Kottke. “Tallahasse Blues” emprunte avec goût et dextérité les patterns du “Walking Blues” de Robert Johnson, et “Horseshoes And Hand Grenades” en fait autant avec “Come On In My Kitchen”, tandis que “Hoochie Mama” ravive les débuts de Muddy Waters (quand ce dernier rendait pour sa part hommage à Big Bill Broonzy), et que “Grown Ass Man” dresse un pont vers le folk blues du début des sixties, entre Brownie McGhee et Cisco Houston. Toute surprise bue, voici donc le cadeau aussi rutilant que sensible d’un authentique bluesman, que l’on cantonna sans doute trop longtemps au versant le plus tonitruant du genre.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 8th 2024

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https://www.youtube.com/watch?v=Vztm6pjRVi8