Blues |
Ca commence comme un inédit de Luther Allison (‘Hold On’). Comme par hasard – mais le hasard existe-t-il vraiment?- le trajet est similaire pour cet autre américain né à Chicago en 1951 et adopté par l’Europe, où il tourne inlassablement depuis une dizaine d’années. Son blues/rock imprégné d’influences latino (‘The Right Time’), de funk cuivré (‘I Can’t Deny’, ‘Bumpin And Humpin’) ou de jazz (‘Wonderful’), sans être original, est totalement maîtrisé, classieux même, avec une guitare très lyrique reprenant souvent les accents de Carlos Santana. Les origines mexicaines de Tino surement… Sa voix chaude et burinée m’a elle rappelé celle de John Miles, l’ancien directeur musical de Tina Turner, avec qui la comparaison s’impose tout au long de cet album, et pas seulement que pour la voix, ‘The Right Time’ me rappelant pour beaucoup le ‘Upfront’ de Miles, un album que personnellement je chéris. Alternant chansons et instrumentaux, tempos nerveux et ballades aériennes, Tino Gonzales nous propose un album très généreux, très complet, riche en ambiances aussi, comme sur ce ‘Najat’ instrumental qui vous emmène voyager entre mineur et majeur sur les sentiers de la mélancolie, ou comme sur le dernier titre (‘I Last Saw You In Paris’, sur lequel Tino chante/baragouine en…français, s’il vous plait m’sieurs-dames), où l’accordéon et la guitare acoustique vous accompagnent dans une promenade à pied sur les quais de Seine ou sur cet escalier vers le Sacré Coeur. Une fin juste parfaite…!
Paris-Move
Cela faisait bientôt une dizaine d’années que notre chicagoan le plus méridional n’avait rien sorti de nouveau. Ses dernières parutions remontent en effet à quelques années déjà… avec en 1997 ‘A Heart Full Of Blues’, puis ‘Tequila Nights’ en 99, ‘Modern Day Hobo’ en 2001 et en 2002 ‘A World Of Blues’, tous sous le label Dixiefrog en France. Pendant ces dix années d’absence discographique, Tino Gonzales en a profité pour sillonner la vieille Europe et, peut-être, se replonger dans ses racines, les espagnols ayant été les premiers européens à asservir son pays. Comme un signe précurseur, son album précédent était imprégné d’influences tziganes, arabes, africaines, sans oublier bien entendu que la culture hispanisante est loin d’être étrangère à son vécu personnel.
Ce qu’il dénommait lui-même, il y a quelque temps, un cocktail musical ‘latino Jazz-Blues fusion’ s’enrichit dorénavant de ce qu’il a vécu en Suède, en Allemagne et en Europe. L’évocation de l’univers des gitans est même soulignée dans le morceau qui a pour titre ‘I last saw You in Paris’, qui évoque le jazz manouche. C’est une forme de synthèse entre l’approche instinctive de la musique propre aux latins et l’approche raisonnée et humaniste des peuples germaniques que Tino nous propose maintenant. Les sonorités de ses guitares n’ont rien perdu de leur cristallin, lui n’a rien perdu de sa vélocité et transparaît dans sa voix la maturité acquise au fil des ans. Le néophyte ne pourra d’ailleurs s’empêcher d’évoquer Carlos Santana dès les premières notes de guitare égrainées de ‘Hold On’, ‘The Right Time’. Tantôt plus rock que blues, tantôt plus blues que jazz, tantôt plus jazz (‘Wonderful’, l’instrumental ‘Bumpin And Humpin’) que latino ou funky (‘I Can’t Deny It’), ce nouvel opus est la véritable représentation cartographique de l’itinéraire poursuivi par l’artiste. Nul doute que ceux qui ont eu la chance de le voir, il y a quelques années, au Chesterfield Café, rue La Boétie, ou en première partie de Gary Moore, au Grand Rex, vont le trouver transformé. Mais je suis prêt à parier qu’ils trouveront le nouveau Tino Gonzales beaucoup mieux que l’ancien…qui était déjà un bon!