TIA BLAKE & HER FOLK GROUP – Folksongs & Ballads

Ici Bientôt
Folk

Depuis que des entomologistes aussi rusés que ceux de Light In The Attic ont décroché la timbale avec les rééditions de Sixto Rodriguez, on ne compte plus les excavateurs occupés à exhumer avec fébrilité le moindre rogaton inopinément enfoui sous les radars depuis la Saint Glin-Glin. Et que je te réhabilite Shirley Collins par ci, Vashti Bunyan par-là, et Judee Sill aussi par-dessus le marché! Sauf que pour une seule Alela Diane, on ne dénombre toujours guère de nouvelles Karen Dalton, et pas davantage de nouveaux Nick Drake (si ce n’est peut-être, et dans une moindre mesure, Rupert Wates). C’est simple, vous pouvez désormais sélectionner sur Spotify une playlist spécifiquement dédiée aux obscures artistes folk des sixties et early seventies, où se côtoient indifféremment Anne Briggs, Carolyn Hester, Linda Perhacs, Sybille Baier, Bridget St. John, et donc aussi Tia Blake. Qu’avait-elle donc de spécial, cette gamine (elle n’avait pas vingt ans quand elle enregistra cet unique album)…? Bien qu’issue d’une fratrie de Caroline du Nord où chacune et chacun poussait la chansonnette, Christiana Elizabeth Wallman (c’était sa véritable identité) ne se destinait nullement à une carrière musicale (qu’elle ne se résolut d’ailleurs pas à poursuivre). Lauréate involontaire d’un concours de circonstances, elle était simplement débarquée à Paris ses 18 printemps à peine sonnés, attirée par une bohème existentialiste dont les échos post- soixante-huitards avaient retenti jusqu’aux USA mêmes. Agrégée parmi la faune germanopratine du Quartier Latin (et amourachée d’un chansonnier et disquaire Sicilien y tenant un salon de thé), elle y fut plus ou moins poussée à entrer en studio aux Abesses (fief de Pierre Barouh et Saravah), pour capter en une nuit ces onze plages qui nous reviennent un demi-siècle plus tard. Entourée d’une demi-douzaine de folkeux du cru se relayant à ses côtés, elle y alterne des saucissons aussi éreintés que “Betty & Dupree” (repris par tout le monde ou presque, de Brownie McGhee et Dave Van Ronk à Townes Van Zandt et Hans Olson, en passant par la moitié des guitaristes faisant la manche dans les métros de la planète), “I’m A Man Of Constant Sorrow” et “Black Is The Color (même verdict) avec des ballades anglaises remontant jusqu’aux 15ème et 18ème siècles, ainsi que des emprunts au folklore appalachien. Que dire de ses accompagnateurs? Eh bien, outre leurs chiches portraits qui les rapprochent du look de leurs homologues anglo-saxons de la décennie précédente (barbes, lunettes et cols roulés de circonstance), on est frappé par leur maîtrise instrumentale et leur érudition. Mais ce qui trouble le plus, passée la première impression de relative tiédeur de son interprétation, c’est l’élégance et la spontanéité qui se dégagent du chant de Tia. Elle partageait avec Anne Briggs et Karen Dalton cette répugnance à toute mièvrerie et toute séduction servile, qui distingue les artistocrates et les mavericks des pénibles besogneux. Il suffit pour s’en convaincre de goûter ses pétrifiantes redditions de “Wish I Was A Single Girl Again”, “Jane, Jane”, “Hangman” et “Plastic Jesus”. Objet d’un culte aussi restreint que savamment entretenu, Tia Blake n’enregistra plus qu’une poignée de démos entre 1973 et 1976 (dont huit furent éditées par Yep Roc en 2018 sur un E.P. vinyle). Embrassant une sporadique carrière littéraire, elle se relocalisa à Montréal, d’où elle publia “We Went To Saïgon” en 2006 (Granta), suivi du posthume “Forbiden Games” en 2017. Car à la différence de Sixto Rodriguez, il n’y eut pas de come-back pour Tia Blake, qui succomba à un cancer en 2015. Méticuleusement remastérisé, force est d’admettre son album de jeunesse n’a quant à lui pas vieilli.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 6th 2022

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